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MORT DE FRIEDKIN, LE RÉALISATEUR DE L’EXORCISTE. La story du film.

MORT DE FRIEDKIN, LE RÉALISATEUR DE L’EXORCISTE. La story du film.

William Friedkin est mort, retour sur le tournage maudit de son film le plus célèbre : l’Exorciste.

1973, le public du monde entier s’apprête à découvrir une forme de terreur nouvelle. Terminés les vampires et les loups-garous. Les sorcières, les monstres en tous genres font désormais sourire plus qu’autre chose.

Le Diable en personne frappe à la porte des cinémas et transforme les hurlements de terreur des spectateurs en une pluie de dollars au box-office.

Le film s’intitule L’Exorciste. Il est réalisé par William Friedkin d’après un roman de William Peter Blatty.

Et c’est notre troisième et très intriguant opus de « Panique sur le tournage ».

En 1949 William Peter Blatty futur romancier, scénariste et metteur en scène, est étudiant à l’université de Georgetown, Washington.

Un jour en classe, il entend des élèves parler d’une affaire de possession démoniaque qui touche un jeune garçon, un certain Robbie Mannheim dans un village du Maryland. Un article du très sérieux Washington Post est même consacré à l’affaire.

Les parents de Robbie, des protestants, voient leur fils se conduire de façon pour le moins étrange. Ils assistent aussi à des phénomènes bizarres dans la maison. Il décide alors de faire appel à un prêtre catholique pour sauver leur fils : le père Raymond J. Bishop.

Selon les propres notes laissées par le prêtre, l’exorcisme se révèle harassant et s’étend sur plusieurs semaines.

Les évènements auxquels assiste le père Bishop sont une longue suite de phénomènes de télékinésie : des meubles, un lourd fauteuil ainsi que le lit de l’adolescent, se mettent soudainement et brutalement à bouger. Robbie Mannheim lui, devient colérique, violent.

Il a aussi des gestes obscènes et lance à ses parents des flots d’insultes en latin, langue qu’il n’a jamais apprise.

Des mots, des dessins ainsi que des chiffres apparaissent sous forme de griffures sur le corps du garçon. Certaines cicatrices saignent.

Le 18 avril, 1949 suite à son admission dans un hôpital psychiatrique et à une ultime séance d’exorcisme, le jeune Robbie est enfin libéré de l’esprit démoniaque qui l’aurait possédé.

Des années plus tard, William Peter Blatty tente à plusieurs reprises de rencontrer les témoins clefs de cette histoire dérangeante. Il souhaite en faire un livre-documentaire le plus précis possible.

Mais tous refusent.

Ils ne veulent pas revivre ces moments effrayants. 

Ils ne veulent même pas en parler. Blatty abandonne l’idée du documentaire et écrit un roman qui sera un best-seller : l’Exorciste. 

C’est donc le réalisateur William Friedkin qui décide d’adapter le livre au cinéma. 

Le scénario ? L’Exorciste , le film, relate la possession d’une adolescente prénommée Regan. Devant l’incrédulité des médecins, la mère désespérée fait appel à deux prêtres. Le premier, le père Damien Karras traverse une grave crise existentielle. Le second, le Père Merrin est un exorciste chevronné. Mais le dernier exorcisme qu’il a pratiqué a bien failli lui couter la vie.

Les deux hommes tentent l’impossible pour sortir l’enfant des griffes du démon…

Voilà pour le scénario.

Plusieurs histoires étranges vont se dérouler pendant le tournage.

La première.

Alors qu’il débute le tournage, en 1972, Jason Miller, l’acteur qui joue le père Merrin, se rend dans un monastère jésuite. Sans doute pour s’imprégner du caractère de son personnage. 

Il déjeune au réfectoire avec les moines quand un vieil homme se présente à lui. Et le vieillard lui tend une médaille bénite de la Vierge Marie. Probablement celle qu’on voit à plusieurs reprises dans le film. Il lui parle de l’« intervention divine » et du combat de Dieu contre Satan : « Si vous révélez au monde la duplicité du Diable, il cherchera par tous les moyens à se venger de vous » lui confie-t-il. 

Ladite médaille est censée protéger le comédien. En guise d’adieu, le vieux prêtre lui conseille la prudence.

Jason Miller raconte que trois jours plus tard, il rend visite à un prêtre dans une résidence de jésuites et aperçoit, exposé dans une des chambres, un cercueil. Il se rapproche, reste saisi de surprise. À l’intérieur gît le vieux prêtre.

Et ce n’est pas tout.

La même année, toujours pendant les premiers jours du tournage de l’Exorciste, le fils de Jason Miller, âgé de cinq ans, est fauché par une moto. Ses deux jambes sont brisées. Il est amené à l’hôpital dans un état critique.

Jason Miller est dévasté. Le tournage doit néanmoins se poursuivre. Lors d’une discussion avec le père William O’Malley, un vrai prêtre qui joue un homme d’église dans le film, l’acteur s’effondre en larmes. 

Voyant ainsi les deux hommes communier avec tant de ferveur, le réalisateur William Friedkin s’exclame : « Mon dieu, dommage que je n’ai pas de caméra pour filmer ça ! »

Le sujet même de L’Exorciste, est déjà perturbant. Surtout dans une Amérique profondément religieuse.

Le fait qu’une jeune fille, soit possédée rend l’aventure presque obscène. Il y a tout de même une scène où elle s’enfonce un crucifix dans le sexe. L’Amérique est puritaine, ne l’oublions pas.

Le tournage est sous tension. 

William Friedkin met ses collaborateurs à l’épreuve. 

Beaucoup d’entre eux finissent par fondre en larmes sur le plateau. Dick Smith, l’homme responsable du maquillage de la jeune Linda Blair, qui joue le rôle de l’adolescente possédée, fait une dépression nerveuse.

Le réalisateur use d’un procédé des plus horripilants pour exacerber la terreur constante dans laquelle vivent ses personnages, qui bondissent à chaque sonnerie du téléphone ou bruit étrange dans la maison de Regan. 

À la moindre scène-choc, le réalisateur tire par surprise un coup de revolver à quelques pas des comédiens. 

On voit dans leur regard une angoisse…Bien réelles ! 

Ce « truc » de cinéma rend Jason Miller extrêmement nerveux.

Ellen Burstyn, qui joue la mère de Regan dans le film, fait également les frais de cette quête de réalisme. Et de la volonté effrénée de William Friedkin de créer le malaise chez les spectateurs. 

Alors que son personnage se prend une gifle par sa fille possédée, elle est brusquement tirée en arrière à l’aide d’une corde par des assistants cachés derrière un mur. 

À l’écran, on a l’impression que le coup porté par la jeune fille est d’une violence inouïe. Mais Ellen Burstyn est réellement projetée contre le mur. Avant de chuter lourdement sur le sol. Son dos rebondit sur le plancher. Le cri de douleur qu’elle pousse au moment du choc, est évidemment gardé dans le film. 

À la grande satisfaction de son réalisateur.

Une autre exigence, mais qui n’a rien d’un caprice : dans la scène finale de l’exorciste, Friedkin veut voir une buée glaciale sortir de la bouche des comédiens. 

Il faut renforcer l’idée que le Diable a fait de la chambre de la petite Regan une véritable glacière. 

Là encore le metteur en scène pousse le perfectionnisme dans ses ultimes retranchements, et ordonne que la pièce soit réfrigérée à l’aide d’un appareil à air conditionné. 

Le décor de la chambre est capitonné. L’air devient de plus en plus froid, ce qui rend le tournage plus difficile encore.

Rapidement les techniciens constatent que les projecteurs réchauffent la pièce. Il faut filmer une heure, puis attendre patiemment que la température retombe à -10 degrés. 

Du coup, le tournage de la dernière scène, l’exorcisme « final », s’éternise sur soixante jours. 

Les pontes de la Warner manquent de s’étrangler lorsqu’ils ont vent de ces dépassements qui leur coûtent une fortune.

La société de production envoie ses émissaires tenter de ramener son réalisateur à un peu plus de raison. 

La presse, mal intentionnée, se régale : elle évoque que cette « diablerie » est en train de rendre folle toute l’équipe du film.

Les comédiens, eux, acceptent de faire leur métier dans des conditions inédites. 

La très jeune Linda Blair, 13 ans, qui incarne Regan, tourne dans une pièce glacée le plus souvent vêtue d’une simple chemise de nuit. Elle suscite l’admiration de ses partenaires à l’écran et de tous les techniciens. 

Elle est également blessée au dos suite au dysfonctionnement d’un harnais utilisé pour faire balancer violemment son corps sur son lit. Elle ne s’en plaint pas sur le moment. Ce n’est que plus tard à l’âge adulte que l’actrice confie avoir profondément souffert de cette blessure. 

Le cauchemar continuera longtemps pour elle : menacée de mort par des spectateurs que le film a révolté à sa sortie, elle vit pendant six mois sous protection policière. Jamais elle ne retrouve de rôle aussi fort et controversé que celui de Regan MacNeil. Sa carrière s’étiole rapidement. 

En 1977 alors âgée de 18 ans, elle est arrêtée à Miami en possession de cocaïne et soupçonnée de trafic de stupéfiants.

Scène culte.

Le père Dyer donne l’extrême onction au père Damien Karras après que celui-ci se soit jeté par la fenêtre à la toute fin du film.

William O’Malley, qui joue le rôle, doit être bouleversé.

Mais O’Maley est encore un acteur débutant. Il a un peu de mal à pleurer à la commande.

Toujours par surprise, William Friedkin lui assène quelques gifles bien senties avant de lancer la caméra.

Les larmes sont authentiques.

Ainsi fonctionne le réalisateur de L’Exorciste

Amen.

La comédienne oscarisée Ellen Burstyn le dit dans le making-of du film : il y a eu neuf morts durant le tournage de L’Exorciste

Parmi les « neuf victimes » de L’Exorciste, on trouve entre autres un gardien de nuit décédé sur le plateau. Sans explication.

John Mac Go Ran, un second rôle, meurt d’une mauvaise grippe un an plus tard, juste au moment de la sortie du film.

Un assistant cameraman perd son enfant qui vient de naître.

L’homme chargé de réfrigérer la chambre de Regan disparaît également avant que le film soit terminé.

Il y a aussi Vasiliki Maliaros, la femme qui joue la mère du père Karras. Celle qu’il abandonne dans un asile d’aliénés. Elle s’est éteinte dans son sommeil, naturellement, une fois son rôle sur le plateau terminé.

Max von Sydow, l’extraordinaire interprète du père Merrin le fameux « exorciste », apprend la mort de son frère en plein tournage.

Il résumera cette suite d’événements macabres en une phrase d’un humour presque rafraîchissant : « C’est très bon pour la publicité. »

Une nuit, le plateau de tournage prend feu, sans explication. Heureusement sans faire de victime.

Peter Blatty demande à un ami prêtre d’exorciser le site et de bénir les membres de l’équipe. Ce qui ne prend que quelques minutes mais fait enrager William Friedkin.

Il y a un détail qu’ignorent encore beaucoup de spectateurs concernant L’Exorciste. Une anecdote aussi étrange que sanglante.

Dans la scène où la petite Regan passe des radios dans un hôpital, on voit un jeune homme blond, barbu qui sert d’assistant au radiologiste. 

Dans la vie, il se nomme Paul Bateson et il est réellement assistant en radiologie. Il officie au New York University Medical Center. C’est là que William Friedkin fait sa connaissance lors de la préparation du film, et lui propose le rôle.

Paul Bateson est homosexuel, il sort beaucoup, boit énormément, fréquente les clubs gays sado-maso… 

Et…c’est un tueur en série…

Avant d’être arrêté, Paul Bateson a tué six jeunes homosexuels.

A chaque fois, il découpait les cadavres en morceaux, les mettait dans des sacs poubelles et les jetait dans l’Hudson River.

La police a donc fini par l’arrêter. On l’appelait le « Trashbag Killer »

Le tueur des sacs poubelles.

Quelques années plus tard William Friedkin souhaite adapter le roman Cruising,  qui s’inspire de cette affaire.

Il se rend donc à la prison de Rikers où Bateson est emprisonné afin de lui proposer…. de devenir consultant sur le scénario.

À sa sortie aux États-Unis et au Canada dans seulement 22 salles, L’Exorciste connaît un succès fulgurant qui pousse la Warner à distribuer le film dans un nombre beaucoup plus important de cinémas. 

Les critiques ne sont pas enthousiasmés, mais le public adore.

Étonnamment, L’Exorciste est classé «  R » . Les moins de 17 ans peuvent y assister, mais accompagnés d’un adulte. Devant l’effet dévastateur qu’a L’Exorciste sur une partie du public, certaines villes américaines interdisent à leurs enfants mineurs de voir le film.

Des articles, des reportages reviennent sur les malaises de spectateurs : des vomissements, des crises d’hystérie lors des projections. D’autres parlent de plusieurs arrêts cardiaques et d’une fausse couche, jamais prouvés. Des psychiatres alertent même sur une possible « névrose cinématographique » provoquée par le film.

Au plus grand bonheur des financiers de la Warner et de son réalisateur William Friedkin, L’Exorciste devient dès sa sortie un véritable phénomène de société.

2 suites sortiront en 78 et 90… et ce n’est pas fini, une nouvelle série de 3 films est lancée.

Sortie du premier volet en 2023.

Le Diable ne lâche pas l’affaire …

Texte : Jean-Pascal Grosso / Voix : Eric Lange

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