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HARRISON FORD – IL NE VOULAIT PAS ÊTRE INDIANA JONES !

HARRISON FORD – IL NE VOULAIT PAS ÊTRE INDIANA JONES !

« Il l’affirme haut et fort : je ne veux pas être une star ! Raté. Il est…Indiana Jones ! »

Harry est mauvais.

Oui…on l’appelle Harry. C’est lui qui le veut.

Harry, pas Harrison.

C’est quoi ce prénom Harrison ? Personne ne s’appelle Harrison…quelle idée pourrie…

C’est sa mère qui l’a choisi. En hommage à son père à elle, le grand père.

Et le voilà affublé d’un prénom qui sonne comme une marque de bière ou de pain de mie…

Bref.

Harry donc, est mauvais. Il est en fac et ses notes sont…médiocres.  

C‘est normal, il ne s’intéresse à rien.

Si, aux filles.

Mais sinon…l’avenir, la carrière…pas son truc.

Il n’a pas de passion. Il ne se voit pas médecin, pilote, archéologue…encore moins star de cinéma. Il n’aime pas le cinéma. Quand il a vu Bambi petit, il a détesté…il est sorti de là totalement traumatisé et il s’est juré de ne plus jamais remettre les pieds dans un cinéma…

Il y retournera plus tard, bien sûr, mais les films il s’en moque complètement, le cinéma, c’est juste un parcours obligé si l’on veut embrasser et peloter une fille dans l’Amérique des années 60.

Et les filles sont sa seule passion.

Toujours est-il qu’à la fac, il ne brille pas.

Nous sommes en 1963. Il lui reste encore un an à tirer et s’il veut décrocher son diplôme, il faut remonter sa moyenne.

Le truc, c’est de prendre une option pas trop compliquée mais qui lui apportera des points.

Et comme option, il va choisir le théâtre. Il ne veut pas monter sur scène, surtout pas…mais il imagine qu’en option théâtre, on passe l’année à lire des textes et à les analyser. Et ça ce n’est pas difficile pour Harry. S’il y a une chose qu’il aime dans les études, c’est la philosophie. Alors lire des pièces et en parler, ça devrait être dans ses cordes.

Ce qu’il n’imagine pas, c’est que pour avoir des points et remonter sa moyenne il va devoir devenir…acteur !

Et voilà comment on devient star à Hollywood…un coup de hasard…ou un coup de chance…

D’ailleurs, il en a plusieurs des coups de chance.

Par exemple, vous saviez que Harrison Ford est parti à Hollywood en jouant à pile ou face ?

Je vous raconte.

Au départ, il est de Chicago.

Son père travaille dans la publicité. Ça se passe bien. La famille grandit au sein des classes moyennes. Classes moyennes sup d’ailleurs, car le père est bon. C’est lui par exemple qui le premier a l’idée de filmer une machine à laver pour une pub pour de la lessive. Vous savez, cette image fixe du tambour de la machine qui tourne…on l’a vu cent fois…et bien c’est lui, Christopher Ford, qui a eu cette idée en premier…et du coup, augmentation de salaire…

Les Ford déménagent donc dans des maisons plus grandes et dans des banlieues de plus en plus huppées de Chicago, au fur et à mesure des augmentations de salaire du patriarche.

Harrison a 18 ans, il part pour quatre ans dans l’université de Ripon, dans le Wisconsin.

Il mène une vie simple d’étudiant, il drague, ne se passionne pas pour ses études et s’inscrit donc à l’option théâtre.

Ce cours de théâtre n’est pas fait de simples réunions entre étudiants qui lisent des textes classiques et en débattent…comme l’espérait Harrison… non…on donne de véritables cours de comédies et on monte des pièces qui sont interprétées au théâtre de Ripon.

Et surprise, Harrison excelle.

Il est bon.

Un vrai showman à l’américaine, un gars capable de jouer, chanter, danser.

Il a un truc. Une présence, du charisme et surtout, ça lui plaît !

Et il décide…d’en faire son métier.

S’il choisit cette voie, c’est aussi pour fuir une vie monotone, sans aspérité…il sait bien que ses camarades d’université, passeront le reste de leur existence à travailler dur, aller au boulot tous les jours, se battre pour in fine gagner assez d’argent pour s’acheter une rolex en or et s’offrir un abonnement dans un club de golf prestigieux.

Et cette vie-là, Harrison, il n’en veut pas.

Je ne vous l’ai pas dit, mais sur la vingtaine, Harrison Ford nous la joue rebelle, hippie, cheveux longs et refus de l’autorité…

Il traverse les années 60 en adhérant totalement au mouvement de la beat génération et des hippies.

D’ailleurs, pour conclure la période universitaire, sachez qu’il est viré de la fac trois jours avant la remise des diplômes et qu’il ne l’aura donc pas.

Harrison annonce à ses parents qu’il n’est pas diplômé et qu’il veut faire acteur.

Monsieur et madame Ford ne sont pas ravis…

Aux États Unis, les études universitaires sont chères et papa a quand même banqué 4 ans d’études…pour rien.

Mais il est bonne pâte, il n’engueule pas Harrison et se contente de lui souhaiter bonne chance.

Et, notre héros se lance dans une carrière de saltimbanque.

Mais comment faire ?

Et là, nouveau coup de chance, ce n’est pas encore le pile ou face d’Hollywood, on y arrive plus loin, non, là, c’est juste une copine de fac qui lui dit « Il y a un petit théâtre, pas loin, ici, dans le Wisconsin, dans le petit village de William Bay, le théâtre s’appelle le Belfry Players, et bien, ils sont dans la mouise, un de leurs acteurs vient de les laisser tomber et il cherchent un remplaçant ! ».

Encore un coup de chance dans la vie de Harrison, car l’homme qui dirige le minuscule théâtre du minuscule village de William Bay, est un dénommé Bill Fucik, professeur de théâtre en Californie…

Là-bas il est connu comme le loup blanc et il compte parmi ses relations des scénaristes, des acteurs, des réalisateurs et des patrons de studios.

Et chaque année, ce cher Bill vient passer l’été dans son village de Williams Bay où il possède une maison familiale et où il a monté ce théâtre, qui est d’ailleurs atypique puisque installé dans un ancien temple Mormon…

Pendant deux mois, il met son talent, et son argent, au service de la communauté en montant 6 pièces de théâtre.

Des spectacles de qualité qui ont bonne presse dans le milieu. Plusieurs stars hollywoodiennes, dont John Wayne, envoient leurs enfants passer l’été chez ce cher Bill, pour qu’ils se frottent à la dure réalité du métier d’acteur.

Bill est un connaisseur. Depuis le temps qu’il fréquente et forme des acteurs, il sait repérer les plus talentueux. Il voit ceux qui ont ce « truc » en plus.

Et il le détecte chez Harrison Ford quand ce dernier passe la porte de son théâtre.

Mais Harrison a-t-il la motivation ?

On va voir. Bill lui fait la proposition suivante : si tu veux intégrer notre troupe, il faut venir tous les jours, travailler de longues heures, sans être payé. Tu seras nourri et logé mais tu ne percevras aucune rémunération. En revanche, tu vas recevoir une formation rigoureuse au métier de comédien. C’est oui…ou c’est non ?

Harrison est motivé. Il accepte.

Une précision, à ce moment de sa vie, Harrison ne cherche pas à être une star. Il ne vise pas le tapis rouge mais une place dans l’industrie du spectacle qui lui permettra de vivre convenablement de son métier.

Il est motivé, certes, mais il ne vise pas la fortune et les paillettes.

Et pourtant…

Septembre 1964, l’été s’est bien passé à Willam’s Bay.

Harrison, oui, au passage il a repris son prénom d’Harrison qu’il assume désormais complètement, Harrison se révèle être un acteur prometteur.

Mais où exercer ses talents ?

New York…ou Los Angeles…

Broadway ou Hollywood ?

Harrison pencherait pour Los Angeles, d’abord parce qu’au moins en Californie, il fait chaud…acteur étant un métier extrêmement précaire, tant qu’à avoir faim autant ne pas avoir froid en plus…et puis, il en a beaucoup parlé avec Bill Fucik pour qui Hollywood est une évidence.

Il propose même à Harrison Ford de loger le couple, dans la chambre d’amis de sa villa à Newport Beach, au Sud de Los Angeles.

Oui j’ai bien dit le couple, car on n’en a pas parlé jusqu’à présent, mais Harrison s’est marié ! Avec Mary, une jeune femme rencontré à l’université. Il ne veut pas lui imposer Los Angeles et les deux décident de jouer leur avenir à pile ou face.

Ils lanceront la pièce trois fois.

Pile New York, face Los Angeles.

Ils lancent une première fois et c’est…pile, New York.

Deuxième fois…face…Los Angeles.

Harrison lance la pièce pour la troisième fois…et c’est face.

Ce sera donc la Californie.

Harrison et Mary arrivent un beau matin à Newport Beach, au volant de leur Volkswagen d’occasion, chez Bill Fucik.

Harrison n’a pas changé d’avis. Contrairement à la plupart des acteurs qui débarquent à Hollywood bien décidés à avoir leur empreinte sur le Hall of Fame, lui n’envisage pas d’être star.

Il pense qu’il n’a pas le physique. Il ne s’imagine pas une seconde en haut de l’affiche. L’idée, c’est d’enchaîner les rôles secondaires et se faire une petite place tranquille dans le monde du cinéma.

Harrison veut une vie pépère, loin des strass et de la notoriété.

Mais de son côté, Bill fait bien plus que loger le couple.

Il croit lui, que son poulain ira loin et il se démène auprès de ses multiples relations dans les studios pour qu’ils ouvrent leurs portes à Harrison Ford.

En attendant, le futur Indiana Jones passe par la case obligée des petits boulots, Mary aussi d’ailleurs, car ils veulent leur indépendance, gagner assez d’argent pour louer un appartement et quitter la chambre d’amis de Bill.

Harrison retape le bateau d’un milliardaire, livre des pizzas et devient vendeur chez un marchand de meubles.

C’est cette année-là qu’un nouveau hasard va changer sa vie, un accident de voiture.

Il se rend au boulot comme chaque matin sur la route sinueuse qui rejoint Santa Hanna. Il réalise qu’il a oublié de mettre sa ceinture. Il se tourne sur le côté pour la prendre. Quelques secondes d’inattention qui suffisent à lui faire perdre le contrôle de la voiture…il percute le trottoir, puis un poteau électrique et…c’est là que sa carrière se joue…il est projeté contre le volant.

Il s’en sort. Parvient l’hôpital. On le soigne et…on lui recoud une blessure au menton. Il aura une cicatrice…bien visible…là…au milieu du menton…

Nouveau coup de déprime pour Harrison, déjà qu’il n’avait pas une jolie petite gueule de jeune premier mais en plus maintenant il a cette cicatrice…

Et pourtant, si l’on en croit Steven Spielberg, la cicatrice a joué un rôle déterminant. Elle lui a fabriqué cette tête de baroudeur au grand cœur, un faux dur, une brute sympa…une tête qui sera celle d’Han Solo et d’Indiana Jones…

Le succès de Harrison Ford tiendrait, dixit Spielberg, à l’apparition de cette cicatrice.

Encore un coup de bol dans sa vie.

Il a de la chance, on l’a compris, mais ça ne va pas venir tout seul quand même…

Harrison va galérer quelques années et même laisser tomber.

Durant 5 à 6 ans, jusque dans les années 70, il apparaît dans plusieurs films réalisés pour la télévision, des séries et des longs métrages, il fera même partie d’une sorte d’écurie de jeunes talents comme on en fabriquait alors dans les studios hollywoodiens. On prend une poignée de jeunes gens prometteurs et on les case à toutes les sauces, feuilletons télé, publicités, show radio ou télé…on les uniformise, on leur donne un joli petit look de beau gosses gendres parfaits, et on voit si la sauce prend…

Harrison a du mal à jouer ce jeu.

Il a conservé ce côté rebelle, anarcho-hippie. Il n’aime pas l’autorité. Il refuse certaines photos, ne s’investit pas dans la promo, n’accepte pas de se couper les cheveux ou de porter tel ou tel costume…

Une série d’incidents mineurs mais qui, mis bout à bout, lui fabriquent une réputation d’emmerdeur. Il a du talent, il joue bien, il a une gueule, mais ses rébellions à répétitions finissent par lasser. Sympa mais pas fiable Harrison Ford.

Et du coup, on le cantonne à des rôles mineurs à la limite de la figuration.

Certes il ne veut pas devenir star, mais tout de même, là…il grenouille en arrière-scène pour des téléfilms à petits budgets…

Il en a marre.

Et surtout, ça ne rapporte pas assez.

Harrison et Mary se sont endettés pour acheter une maison sur les hauteurs d’Hollywood, dans un quartier pas trop cher.

La maison est en mauvais état. Il faut refaire le toit, des portes, du plancher…

Harrison n’a pas assez d’argent pour engager du monde, alors il s’improvise menuisier et charpentier. Il achète du matériel, lit des livres et se lance.

Et ça marche !

Il retape une partie de sa maison, fabrique une table pour ami, puis un studio d’enregistrement pour un musicien…et c’est parti…Harrison Ford devient le menuisier d’Hollywood…des journalistes, des scénaristes et autres stars font appel à ses talents.

Paradoxalement, il finit par fréquenter plus de monde dans le gratin d’Hollywood depuis qu’il fait des meubles que quand il écumait les studios…

En 1972 le jeune Georges Lucas lance le casting de son deuxième film, American Graffiti financé par son copain Francis Ford Coppola, qui est en fond puisqu’il vient de toucher le jackpot avec Le Parrain.

American Graffiti raconte une soirée dans une petite ville américaine dans les années 60. Lucas veut réaliser un film sur une bande de jeunes qui passe le temps entre le drive in, la drague, la frime et les courses de voiture, le tout accompagné d’une bande son faite des tubes rock de ces années-là, de Bill Halley aux Beach Boys en passant par Fat Dominos, et présenté par Wolfman Jack, une des voix radio emblématique des sixties.

Le directeur de casting d’American Graffiti va chercher dans la jeune génération des acteurs pouvant représenter le panel complet d’un groupe de lycéens, le dur à cuir, le timide, le beau gosse, l’intello, l’ingénue, la sainte nitouche…

Il va notamment dénicher quelques noms qui vont devenir célèbres, Richard Dreyfuss, Ron Howard et…Harrison Ford.

Harrison n’a pas complètement abandonné l’idée d’être acteur à plein temps.

Il reste menuisier pour payer le loyer mais il est toujours dans les fichiers des castings.

Quand on l’appelle pour American Graffiti, il commence par râler. Le cachet est moins important que s’il faisait des meubles pendant le temps du tournage !

Il parvient à négocier un salaire plus élevé et accepte le rôle, secondaire mais bien présent, de Bob, un gars arrogant qui veut défier un des héros à une course de voiture.

American Graffiti connaîtra un immense succès. Il devient culte. C’est la référence, le film qui raconte la jeunesse américaine des années 60.

Mais ce succès ne change pas grand-chose à la vie d’Harrison Ford.

Il poursuit dans son idée de n’accepter que des rôles qui lui conviennent réellement, dans lesquels il peut s’investir et sinon…et bien il poursuit la menuiserie qui lui rapporte toujours plus que le cinéma !

Il tourne donc peu, on le voit dans un film sur le racisme, The Chain, un autre sur les dangers des armes nucléaires, « le dernier rivage » ou encore la guerre du Vietnam avec Jugement, un film sur les crimes commis par des américains sur des civils Vietnamiens. 

Des films catalogués « sérieux ».

Arrive l’année 75.

Georges Lucas a bouclé le scénario et le financement de sa dernière lubie, un film de science-fiction, Star Wars, un space opéra.

Il lance le casting.

Parmi ces personnage, un dénommé Han Solo qui, selon les termes de Georges Lucas lui-même doit être, je cite : « un cow boy à la James Dean avec un vaisseau spatial à la place d’un cheval »…

Et, précision importante, il ne veut pas d’acteurs qui sont apparus dans American Graffiti, il ne veut pas que les spectateurs pensent à un autre film en regardant Star Wars.

Mais le directeur de casting est persuadé que le rôle est fait sur mesure pour Harrison.

L’imposer à Lucas va être une manœuvre de haut vol.

Il passe une commande à Harrison le menuisier.

Il a besoin d’un portique à l’entrée d’American Zitrop, le studio de Georges Lucas.

Il espère ainsi que Georges Lucas et Harrison se rencontrent, comme par hasard…

Mais ce n’est pas gagné. Harrison, qui a sa petite fierté, ne travaille que la nuit histoire que le monde du cinéma ne le croise pas dans sa tenue d’artisan.

Le coup de chance, encore un, arrive un lundi matin. Harrison travaille sur son portique plus tard que prévu, Georges Lucas arrive lui au studio plus tôt que prévu et…les deux hommes se saluent !

Les retrouvailles sont conviviales, on se tape dans le dos, on discute et…le miracle opère.

L’évidence s’impose à Lucas, Harrison est taillé pour jouer Han Solo.

Mais il doute. Il ne veut pas s’engager. Dans un premier temps, il propose à Harrison de l’accompagner au casting et donner la réplique aux postulants. Il n’a pas le rôle de Han Solo, mais il fera sa doublure le temps du casting.

Dix, vingt, quarante, soixante acteurs défilent.

Aucun ne correspond.

Georges Lucas cède…Harrison Ford sera son cowboy de l’espace.

Star Wars sort sur les écrans en 1977.

C’est un raz de marée.

Le monde entier regarde Star Wars.

Le monde entier adore Han Solo.

Et Harrison Ford, l‘homme qui ne voulait pas briller, devient l’une des plus grandes stars de sa génération.

Texte & Voix : Eric Lange

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