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WHITNEY HOUSTON – Destin tragique

WHITNEY HOUSTON – Destin tragique

Au Beverly Hilton, les deux colosses vêtus de noir sont postés devant une porte. Ils protègent la sécurité d’une star, ils veillent sur sa vie. D’ailleurs, c’est bien silencieux là-dedans. Qu’est-ce qu’elle fait ? Ils sont habitués à ses écarts. Depuis des années, elle consomme des drogues, des médicaments, de l’alcool…

Ils cognent. Elle ne répond pas. Ils entrent. Ils appellent. Elle ne répond pas. Elle n’est pas dans le salon. Elle n’est pas dans la chambre. La salle de bain ? Elle est là. Nue dans la baignoire. Elle flotte sur le ventre. Ils se précipitent. L’eau est brûlante. Son corps est inerte. Elle est évanouie ? Ils tentent de la réanimer sans succès. On appelle les secours mais c’est trop tard. 

Elle est morte. La grande chanteuse afro-américaine Whitney Houston est morte le 11 février 2012. Elle avait 48 ans. Personne n’a réussi à la sauver : ni ses gardes du corps, ni sa famille, ni son ex-mari, ni leur fille, ni sa fortune à 20 millions de dollars, ni ses millions de fans.

C’est fini. La star a succombé à ses démons. Dans sa chute, elle entraîne sa fille qui mourra trois ans plus tard, exactement dans les mêmes conditions. Pourtant, Whitney Houston semblait bénie des dieux : elle avait un talent exceptionnel et tout avait bien commencé. Alors à quel moment… à quel moment sa vie avait-t-elle basculé ?

L’histoire commence à Newark, dans le New Jersey. Whitney vient tout juste de fêter ses 4 ans quand des émeutes raciales explosent dans sa ville. Ça se passe en août 1967, le fameux Long Hot Summer, l’été long et chaud. La communauté noire se révolte contre les injustices dont elle est victime. Des soulèvements naissent un peu partout… Le pays s’embrase.

Particulièrement dans cette petite ville proche de New York. Les vitrines des boutiques sont cassées, les magasins pillés, des voitures brûlent, on entend des coups de feu et des sirènes. Des gens manifestent dans les rues. Ils sont roués de coups. Certains sont arrêtés. Certains sont blessés. Certains sont tués. L’anarchie dure plusieurs jours. C’est un contexte politique confus, violent, un événement marquant dans l’histoire des Etats-Unis.

Mais Whitney est sûrement trop petite pour s’en rendre compte ou s’en rappeler. Avec ses deux frères, elle mène une vie protégée, une vie bourgeoise. Son père, John Russell Houston a commencé modestement. L’armée, le transport routier, puis il est devenu le manager de son épouse. Oui, la petite fille est une enfant de la balle comme on dit. Sa mère, Cissy Houston est une chanteuse de Gospel reconnue. Elle était la choriste de Aretha Franklin et elle a enregistré des disques en solo. Dans le tableau, il y a aussi cette cousine qui est une chanteuse célèbre : Dionne Warwick. Elle a interprété des titres emblématiques des années 60 comme Don’t make me over et I say a little prayer. La première version, avant Aretha Franklin. Une autre cousine, Dee Dee Warwick, est également chanteuse.

La soul s’est invitée dans le berceau de la petite fille. Elle a regardé, elle a écouté et elle aussi, elle va chanter.

Dans les années 60, le dimanche, on se rend à l’office. Des moments solennels et recueillis qui ponctuent les semaines et les vies. Des moments où l’on s’exprime aussi. La douleur, la tristesse, toute la richesse et l’émotion du Gospel. 

La mère, Cissy, tient même la chorale de l’église baptiste New Hope. Là-bas, c’est comme la maison. Une maison vibrante. Et c’est beau. Les femmes portent des toges pastel, elles battent la mesure, elles dansent… Whitney pousse au rythme des mélodies, des orgues et des vibratos. 

Alors naturellement, comme d’autres enfants respirent, Whitney se met à chanter. C’est normal. D’abord dans les chœurs. Et puis un jour, à 11 ans, sa voix est assez mûre. Elle est prête, elle peut faire son premier solo.

Un événement dans la famille Houston qu’on immortalise avec un caméscope. Les images ont traversé le temps. On les trouve encore sur Internet. Whitney est tout en blanc et sa prière à Dieu est un cri puissant et juste. Les bras ballants, elle semble oublier son corps. Elle tend le visage vers le micro… Tout son être s’exprime. 

C’est le moment charnière de sa vie. Elle le déclare alors qu’elle est encore toute jeune. Rien d’autre ne l’intéresse, rien d’autre ne peut la faire autant vibrer. Elle ne veut faire que ça, toute sa vie. Chanter.

À l’adolescence Whitney commence déjà à se produire sur scène aux côtés de sa mère. Elle fait ses armes et enchaîne le plus de contrats possibles. En 1983, elle donne un show dans une boîte de nuit, le Sweet water. Elle a 19 ans. Dans la salle, il y a un célèbre producteur : Clive Davis. Il est aussi à la tête du label de musique Arista Records. 

Les qualités vocales de Whitney sont évidentes mais il y a plus. Cette fille a un physique. Elle est grande, elle est mince, elle a un beau visage. Et elle dégage une énergie irrésistible : un naturel spontané, joueur, une sensibilité à fleur de peau. 

Le job de Clive Davis, c’est  dénicher des nouveaux talents et il repère cette graine de star. Il lui propose un contrat et la prend sous son aile. 

Pendant deux ans, le producteur façonne l’image de sa protégée. Il prend son temps. Il veut en faire une icône, une chanteuse capable de séduire à la fois la communauté noire et la communauté blanche. Comme un certain Michael Jackson.

Davis fait travailler la jeune fille comme mannequin. Elle se retrouve dans de grandes publications comme Glamour. Elle devient même un des premiers mannequins noirs à faire la couverture du magazine Seventeen.

Le producteur rassemble les meilleurs compositeurs du moment et Jermaine Jackson, un des Jackson Five, co-produit son premier album. Il sort en 1985 et s’intitule : Whitney Houston

Car Davis veut une chose : que le public retienne ce nom.

Le premier projet musical de Whitney Houston mélange des sonorités soul et pop. Le single How will I know débarque sur les ondes. C’est léger, c’est acidulé, ça fait un tabac. Aux Etats-Unis, il est dans les 100 titres les plus populaires du moment. L’album est disque de diamant avec plus de treize millions d’exemplaires vendus et devient même la meilleure vente d’un premier album pour un artiste solo. A l’international, c’est 25 millions d’exemplaires vendus à ce jour. L’artiste gagne un Grammy. On peut dire que c’est un début prometteur. 

Le deuxième album va battre les records du premier. Cette fois, il est juste baptisé « Whitney ». En 1987, sort le single I Wanna Dance with Somebody. C’est une explosion. Le titre fait danser tout le monde. Dès sa sortie, l’album gagne la première position du top des albums : la première fois pour une artiste féminine aux Etats-Unis. En 1988, elle remporte son second Grammy pour la meilleure performance pop d’une chanteuse.

Mais ce succès fulgurant est aussi la première ombre à sa carrière.

Le vidéo clip est critiqué. Comparé à la pochette de son premier album, la peau de la chanteuse paraît plus claire, ses cheveux sont blonds et son nez affiné. Elle est très maquillée. Elle donne l’image d’une jeune femme blanche et frivole. Un cliché.

Cette direction artistique vient de son label. Mais la communauté noire reproche à l’artiste de renier ses racines et de ne plus chanter la soul. Au Soul Train Music Awards, elle est huée. La jeune femme est très sensible à cette hostilité. Elle a déjà du mal à assumer son statut de star qui est arrivé si fort et si vite… 

Whitney commence à vaciller.

Dans cette période, la presse révèle sa toxicomanie. Il y a aussi une rumeur. Whitney Houston entretiendrait une relation intime avec son assistante, la mystérieuse Robyn Crawford. La star serait-elle lesbienne ? Dans les années 80, d’ailleurs c’est encore le cas aujourd’hui, la préférence sexuelle est stigmatisante. Whitney dément. 

Elle commence à fréquenter un jeune homme. Il est afro-américain et c’est une étoile montante de la scène RnB. Il s’appelle Bobby Brown. 

Les comportements border lines de la star, ses addictions, sa descente aux enfers… On lui mettra tout sur le dos à Bobby. 

Whitney consommait pourtant de la marijuana et de la cocaïne bien avant l’arrivée du jeune homme dans sa vie. C’est même son frère qui lui procure ces stupéfiants. Et puis on est au cœur des années 80, dans l’industrie musicale… la pratique est courante.

L’artiste a besoin de redorer son image. Quoi de mieux qu’un événement universel et à portée mondiale ? Elle est choisie pour chanter l’hymne des jeux olympiques. Séoul, 1988. Elle porte une tenue de sport blanche. Dans le stade bondé, le silence est total. Elle entonne une mélodie épique et vibrante. Le titre évoque le dépassement de soi, le courage, la force. 

Whitney déploie tout son talent. Elle est parfois délicate, parfois puissante. Elle est capable de maintenir une note très longtemps et fait naître des frissons. Elle sait provoquer des émotions intenses. Elle ouvre une voie à celles qui s’engageront dans quelques années dans son sillon. Céline Dion, Mariah Carey… 

Houston installe son statut de grande chanteuse, de diva. Et ce statut, malgré les déboires de sa vie personnelle, elle va le garder, longtemps et jusqu’après sa mort. Et sans doute pour toujours.

Mais son plus grand succès reste à venir. 

Au début des années 90, Clive Davis gère toujours sa carrière. Il pense que la star a besoin de nouveauté. Pourquoi pas un film ? Mais le producteur voudrait un rôle qui la mette vraiment en valeur.

Il y a ce scénario qui passe de mains en mains depuis 1975. Au départ, il avait été écrit pour Steve McQueen. Kevin Costner est tombé dessus. Il est fan de McQueen et il aimerait jouer un film écrit pour son idole. Il veut le produire. Il cherche une star qui interpréterait son propre rôle : une vedette qui a besoin de protection. Kevin Costner jouerait la figure emblématique du garde du corps. Un conte de princesse et de prince charmant finalement.

On lui souffle le nom de Whitney Houston. Il visionne ses clips, ses interviews et il en est convaincu : c’est elle qu’il lui faut. Le contrat est signé, le tournage bouclé. Bodyguard sort en salles en 1992. Les critiques sont mitigées mais le public raffole de cette romance. D’un côté Kevin Costner, l’acteur star des années 90. De l’autre Whitney Houston, la reine de la musique. Les têtes d’affiche sont énormes. Le scénarion raconte un amour impossible : une différence de classe, elle est bien plus riche que lui, de milieu, elle est star il est gros bras, sans oublier qu’il s’agit d’un homme blanc et d’une femme noire. 

C’est un énorme succès au box-office. Le long métrage engrange 410 millions de dollars. Un triomphe dû en grande partie à la bande originale signée par Whitney. Depuis sa sortie, l’album s’est écoulé à 45 millions d’exemplaires. Il devient la deuxième musique de film la plus vendue dans le monde, après Saturday Night Fever

Un des titres reste numéro 1 aux Etats-Unis pendant deux mois. Il aligne tous les records des charts, des ventes, des classements, des récompenses. Il s’agit de la chanson la plus vendue par une femme… 

« I Will always love you »

C’est LA chanson qui consacre Whitney Houston.

Elle commence le morceau a capella. Elle ne donne pas tout, elle retient son coffre. On est suspendu à chaque note et elles arrivent comme une caresse, une eau claire, un miel. Si les anges ont une voix c’est sûrement celle de Whitney sur cette chanson. Combien de personnes ont dansé un slow d’anthologie sur cet air ? Dans le film, Whitney est à l’apogée de sa beauté et quand elle chante, c’est une créature céleste.

Ce n’est que la magie du cinéma. En réalité, le tournage est un cauchemar pour Kevin Costner. Whitney est capricieuse. Elle arrive en retard, elle s’emporte, elle ne connaît pas son texte, elle fond en larmes à la moindre remarque du réalisateur… On la déteste. Mais l’équipe ignore sa toxicomanie. À cette époque, elle mélange l’alcool, les drogues et les calmants. Et sa vie amoureuse est un chaos. 

Quelques mois avant la sortie du film, elle s’est mariée à Bobby Brown. 800 invités. Un faste et un bonheur de composition. Car dans l’intimité, le duo de stars s’entraîne dans une spirale infernale. Consommation de stupéfiants, violence conjugale et infidélité mutuelle si l’on peut dire. Robin Crawford, la mystérieuse assistante, suit toujours Whitney comme une ombre et Brown ne supporterait plus cette cohabitation. Il serait aussi jaloux du succès de son épouse. En 1993, ils ont une fille, Bobbi Kristina. Whitney prend son rôle de mère à cœur. Mais elle ne parvient pas à protéger sa fille de la folie de son ménage. 

Professionnellement, elle sort quelques bandes originales pour les films dans lesquels elle tourne : Waiting to exhale, The Preacher’s Wife et Cinderella. C’est tout. Pas d’autre projet musical. La chanteuse fait un black out de 8 ans. 8 années durant lesquelles elle se bat avec ses démons.

On est à la fin des années 90, Whitney a 35 ans et pendant qu’elle enchaînait cure de désintoxication et rechute, le RnB est devenu un genre majeur. Fini la pop, il faut la mettre sur de nouveaux rails. Clive Davis se tourne vers le plus gros producteur de musique RnB du moment : Wyclef Jean. Il concocte pour la star des années 80, un album sur mesure, porté par un single puissant. 

On renoue avec les racines soul de la chanteuse, on écrit des paroles aux accents de rédemption, on change son look et la magie opère. L’album My love is your love sort en 1998. Dans le vidéo clip du single éponyme, Whitney affiche une coupe afro, elle est habillée comme les jeunes vedettes du moment et on croirait voir Lauryn Hill. Elle chante un hymne rassembleur dans la rue. C’est une communion. Côté voix, elle n’a rien perdu de sa superbe. 
L’album compte quatre tubes. Elle en interprète un en duo avec sa supposée ennemie : l’autre chanteuse américaine à voix a, Mariah Carey. When You believe est la BO d’un long métrage d’animation, une démonstration de prouesses vocales. D’ailleurs les divas remportent un Oscar en 1999 pour la meilleure chanson de film.

Les années 2000 seront plus difficiles pour Whitney. Elle sort deux compilations de ses titres phares. Le premier opus marche, le second peine à décoller. Et puis la gloire s’estompe comme un mirage qui s’évanouit. Sa vie privée a été trop étalée, ses addictions ont pris trop de place. 

En 2001, elle monte sur scène pour les 30 ans de la carrière solo de Michael Jackson. Au Madison Square Garden, la stupeur étrangle les fans. Sa prestation est mauvaise, décevante. La cocaïne a brûlé ses cordes vocales, la drogue a eu raison de ses ailes d’ange. Whitney Houston ne vole plus, elle a perdu ce qui faisait sa gloire et sa joie.

Elle a perdu sa voix.

Whitney continue à se détruire. Comme si une force l’y poussait, malgré elle. Comme si rien ne la retenait, pas même sa fille. 

La star aux multiples disques de platine a pourtant grandi dans une belle maison, entourée par une famille aimante… Mais les apparences sont trompeuses. Les addictions de Whitney remontent à l’adolescence. Avec ses frères, elle consommait déjà de la cocaïne. Quand elle était petite, ses parents voyageaient. Whitney et ses frères étaient confiés à leur tante. C’est là que le mal se serait introduit. Dans l’enfance.

Bien plus tard, ses frères dénonceront des abus sexuels de la part de leur cousine de près de 20 ans, leur aînée : Dee Dee Warwick. Une partie de la famille fera front contre ces accusations mais c’est courant dans ce genre d’affaires. Whitney aurait-elle souffert toutes ses années de ce secret ?

Elle essaye encore, comme un cheval de course éreinté mais programmé pour courir, toujours. En 2002, elle sort un nouvel album studio : Just Whitney. L’accueil est modéré. En 2003, un troisième album composé de chansons de Noël : un échec. En 2007, elle divorce de Bobby Brown. Elle sort une autre compilation. En 2009, un nouvel album I look to you. Pour la première fois depuis 16 ans, elle retrouve la 1ère place des charts. Mais la promotion de cet opus la trahit. Elle n’arrive plus à assurer ses prestations vocales. En 2011 elle apparaît encore dans un film : Sparkle.

Puis c’est la fin tragique. Le cocktail de stupéfiants, la baignoire, le corps inerte. C’est fini. Le rideau est tombé. Devant l’hôtel, des fans se sont rassemblés, ils chantent ses plus grands titres. Sa musique survit. L’écho de sa voix exceptionnelle résonne encore sur la bande originale de milliers de vies, les nôtres…

Texte : Gaelle Le Scouarnec / Voix : Eric Lange

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