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DALIDA – 4 hommes. 4 suicides.

DALIDA – 4 hommes. 4 suicides.

« Amants, maris, ami…les hommes de Dalida se sont tous suicidés. Une malédiction ? »

Dalida porte malheur aux hommes qu’elle aime. 

C’est elle qui l’a dit.

Les médias aussi ont titré sur Dalida la maudite.

Ils s’appelaient Lucien Morisse, Richard Anfray, Luigi Tenco, Mike Brant… Dalida les a tous aimés, d’une manière ou d’une autre. 

Leur autre point commun ? 

Ils ont tous mis fin à leurs jours. 

Je vais vous raconter la malédiction qui a touché les hommes de Dalida.

Il s’appelle Lucien Morisse. Il est directeur artistique d’Europe 1. Grand, mince, cheveux blonds avec les oreilles un peu décollées, Lucien veut réussir et marquer l’histoire de la musique. 

Nous sommes à la fin des années 50. Dalida se produit à l’Olympia pour une émission de variété « Les numéros un de demain », animée par Bruno Coquatrix qui vient de racheter ce vieux cinéma parisien.

Lucien Morisse propose à son ami Eddy Barclay, un jeune producteur de disques, de l’accompagner à l’Olympia pour assister au concours. 

Eddy Barclay hésite, il a prévu d’aller au cinéma. 

Dans le café situé en face d’Europe 1, les deux hommes décident de jouer le programme de leur soirée au hasard des dés. 

Au 421. 

L’histoire retiendra que la carrière de Dalida s’est jouée au 421.

Lucien Morisse et Eddy Barclay se rendent boulevard des Capucines. Ils sont en retard, le concours a déjà commencé. 

Les deux hommes bousculent les spectateurs déjà installés pour rejoindre leurs sièges au milieu du quatrième rang. 

Lucien n’a pas le temps de retirer son manteau qu’une voix le transperce. 

Il lève la tête. 

Elle est là, devant lui, les cheveux blonds ondulés impeccablement posés sur ses épaules. Une grande bouche, un regard puissant. 

Lucien est ensorcelé. Plus rien n’existe. 

Lucien tombe instantanément amoureux de Dalida qui interprète la chanson de Gloria Lasso, Étranger au Paradis.

Il est victime d’un double coup de foudre, amoureux et artistique. 

Quelques jours plus tard, Lucien invite Dalida à passer le voir dans ses bureaux d’Europe 1, rue François 1er.Suite à ce rendez-vous, Dalida enregistre Madona, son premier 45 tours, une adaptation française de Barco Negro, un titre portugais.

Lucien Morisse travaille nuit et jour pour lancer la carrière de celle qui est devenue sa protégée et sa compagne. 

Malgré le succès mitigé des deux premiers disques, il n’abandonne pas. 

Il sait que Dalida a tout d’une grande.

Le couple s’enferme, s’isole pour tester, chercher, travailler. 

Lucien Morisse pense avoir déniché le titre qui la propulsera sur le devant de la scène. 

Dalida chante Bambino

Elle chante Bambino alors qu’à ce moment-là, elle ne rêve que d’une chose : fonder une famille. 

Bambino la révèle au public. 

Dalida fait les premières parties de Charles Aznavour à l’Olympia. A l’entrée c’est l’émeute. 

Lucien Morisse a réussi.

Dalida fait les couvertures de magazines. 

Le 17 décembre 1957, le premier disque d’or est inventé pour elle. C’est le tourbillon. En 1958, elle reçoit l’Oscar de Radio Monte-Carlo qu’elle gagnera sept ans d’affilé.

Elle entame une tournée mondiale. 

Lucien ne se repose jamais et octroie très peu de repos à sa compagne. 

Dalida est la chanteuse préférée du moment. Elle est numéro un des hit-parades devant Piaf, devant Brel. Plus elle est aimée et adulée, plus elle se déteste. 

Qui est-elle ? 

En dehors de la scène et des plateaux de télévision, Dalida est devenue une automate jusque dans ses sentiments. 

Quand Lucien la demande en mariage dans sa loge de l’Olympia, il partage sa vie depuis 5 ans.

Elle répond oui. Plus par convention que par conviction.

Le 18 avril 1961, elle épouse Lucien pour faire plaisir à sa famille et à son public qui attendaient ce moment avec impatience. 

L’amour est déjà parti depuis longtemps. Pas de place pour un voyage de noce dans l’emploi du temps dirigé par Lucien. Il ne parle que de travail, d’évolution, de projets musicaux. 

Dalida se sent délaissée. Elle trouve secrètement refuge dans d’autres bras masculins, ce qui lui redonne la sensation d’être libre.

Un soir, au même endroit où Lucien lui a demandé sa main, elle lui rend sa bague. Elle quitte l’homme qui lui a apporté à la fois de la gloire et de la tristesse. Dalida demande le divorce en 1962.

Lucien est sous le choc. Sans elle, il n’est plus rien. Mais Dalida ne reviendra pas. Elle emménage dans sa nouvelle maison. 

Lucien Morisse, bien qu’inconsolable se remarie avec une mannequin en 1963. Il tente de sauver les apparences en créant une famille dans l’appartement parisien qu’il a partagé avec Dalida. 

Mais il sombre peu à peu dans la dépression.

Chaque jour est une souffrance. Sa femme et ses enfants ne comblent pas le vide.

La semaine a été dure. Lucien a besoin de se reposer. Il veut passer du temps seul, sans contrainte, sans rendez-vous, sans téléphone. 

Il propose à sa femme de les emmener chez ses parents pour le week-end, prétextant un besoin de se concentrer sur un dossier important. 

Lucien les dépose le vendredi 11 septembre 1970 en fin d’après-midi. L’air est chaud, le soleil brille. Les enfants courent dans le jardin. Lucien boit la tasse de café offerte par sa belle-mère et repart. 

Il monte dans sa voiture avec ce sentiment de mettre sa famille à l’abri. 

Il sait qu’il ne les reverra plus. Sur le chemin du retour, il écoute la radio, fenêtre ouverte et cigarette allumée. Dalida chante. Il est bouleversé.

Il se gare en bas de l’appartement situé au 7 rue d’Ankara à Paris, l’appartement qu’il avait choisi pour Dalida. 

Il monte les escaliers, ouvre la porte, retire son chapeau et se serre un verre de whisky avec des glaçons. 

Il s’assoie sur le fauteuil près de la cheminée, croise les jambes et ferme les yeux. L’image du visage de celle qui l’a tant aimé est là. Sa douceur l’envahit. Lucien pleure. 

Il rouvre les yeux, pose son verre sur la cheminée et se dirige dans son bureau en prenant soin de fermer la porte à clé derrière lui. 

Quelques minutes plus tard, une détonation retentit. 

Lucien est mort. Il avait 41 ans. 

À l’annonce de la nouvelle, Dalida s’effondre. 

Trois ans après le suicide de son deuxième prince charmant, Luigi Tenco, dont je vais vous parler maintenant, Lucien met fin à ses jours. 

Deux hommes, deux suicides : la presse la surnomme « Dalida la maudite. »

Luigi Tenco est un chanteur italien. 

Dalida tombe éperdument amoureuse de lui en 1967.

5 ans après son divorce avec Lucien. 

Âgé de 28 ans, Luigi est un brun ténébreux avec lequel elle projette de se marier. Ils sont beaux, ils sont talentueux. 

Seule ombre au tableau, Luigi est jaloux du succès de Dalida qui ne fait que croître. Il ne supporte plus d’être le numéro deux. 

Le 27 janvier 1967, alors que Dalida rayonne dans le monde entier, elle accepte de participer au concours de chant du festival de la chanson de San Remo avec Luigi. Dalida se prépare dans leur chambre d’hôtel. 

Luigi tourne autour du lit. Il fait les cent pas. Dalida tente de le calmer. Elle a besoin de se concentrer. 

Luigi lui demande de répéter encore une fois leur chanson. Promis, c’est la dernière. Luigi est très anxieux. Il décide soi-disant d’aller prendre l’air. Ce n’est pas exactement ce qu’il va faire. Il ingurgite un mélange d’alcool et d’anxiolytiques dans les toilettes du bar de l’hôtel. Il rejoint Dalida quelques instants avant de monter sur scène pour interpréter Cia amore, ciao.

Les premières notes de musique s’envolent. 

Dalida s’inquiète en découvrant en même temps que le public, l’état déplorable de sa moitié. 

Luigi ne tient pas debout, il titube. 

Dalida tente de faire comme si tout était normal. Elle chante sans s’arrêter. Elle veut laisser le moins de place possible à Luigi qui a dû mal à articuler. 

Ce désastre est retransmis en direct par la RAI. 

Luigi mélange les paroles. Sa prestation est totalement ratée. Dalida se sent humiliée, trahie. Luigi est éliminé par le jury. 

Un échec qu’il ne peut pas supporter. 

Il sort de scène. Sans dire un mot, et rejoint leur chambre d’hôtel. 

Une heure plus tard, Dalida quitte le plateau pour le rejoindre.

Elle ouvre la porte. Un silence lourd règne dans la pièce. Elle l’appelle. 

Le silence résonne encore plus fort.

Le manteau de Luigi est posé sur le lit. Elle se dirige vers la salle de bain. Elle tremble, sa gorge est sèche. Ses pieds avancent mais le reste de son corps veut reculer. Elle ouvre très doucement la porte de la salle de bain comme si elle voulait encore profiter d’un moment d’insouciance avant le pire. 

Elle pousse la porte un peu plus fort. 

Luigi est là. Allongé au sol, gisant dans un bain de sang. 

Dalida hurle son prénom. Elle tente de le secouer. Elle hurle encore plus fort. Luigi est mort. Il ne la regardera plus. Il ne l’aimera plus. Dalida est brisée. 

Elle décide de le rejoindre. Elle prend des barbituriques.  Une pleine poignée.Elle tombe dans le coma. 

La vie la rattrape, mais la vie est dure sans Luigi. Elle se sent terriblement seule. Elle se sent abandonnée, encore une fois. 

Comme Lucien, Luigi s’est tiré une balle dans la tête.

Mike Brant. 

Lui aussi Dalida l’a aimé. Elle l’a aimé d’une amitié fidèle sans ambiguïté. 

Malgré les rumeurs, ils n’ont jamais été en couple. 

Elle, égyptienne et lui israélien, ils se sentent tous les deux déracinés en France. Dalida et Mike se rencontrent au festival de Venise de la chanson. 

Ils partagent la passion de la musique, mais également l’enfer de la dépression. 

Ils sont intenses sur scène et fragiles dans leurs vies personnelles. Ils passent beaucoup de temps ensemble à échanger sur le monde, les amours, les difficultés liées à la célébrité. 

Mike devient son confident le plus proche, il sait tout d’elle, de ses peurs et de ses névroses. 

Mike peut compter sur le soutien de Dalida dans ses moments difficiles. 

Il se réfugie peu à peu dans la dépression qui le conduit à une tentative de suicide en 1974.

Ce jour-là, Mike, furieux, se trouve dans le bureau Simon Wajntrob, son producteur. 

Il lui reproche de ne pas lui donner les royalties prévues dans le contrat, et de ne pas lui ouvrir sa carrière à l’international, comme l’avait promis. Mike ajoute qu’il préfère sauter par la fenêtre que de subir cette trahison. 

Simon Wajntrob n’apprécie pas l’attitude du chanteur et répond à sa provocation en ouvrant la fenêtre. 

Mike, humilié, saute. Il atterrit sur un balcon juste en-dessous du bureau et termine à l’hôpital.

Dalida le rejoint immédiatement. 

Mike se remet difficilement. Il subit sa célébrité. A la moindre de ses apparitions, le chanteur provoque l’hystérie des groupies. Les plus déjantées se précipitent vers lui armées de ciseaux, pour lui couper des mèches de cheveux. 

Mike ressent une fatigue générale face aux cris permanents, à sa réputation de séducteur dont il a profité. Mike ne se trouve pas beau. Il doute. Il est torturé : est-il aimé pour son nom, sa voix ou pour lui-même ?

Le 25 avril 1975, jour de la sortie de son nouveau disque, Mike saute par la fenêtre de son appartement parisien situé au 6ème étage.

Pas de balcon pour arrêter sa chute.

Richard Anfray fait une entrée fracassante dans la vie de Dalida. 

Le 21 octobre 1972, celui qui s’amuse à se faire passer pour la réincarnation d’un aventurier de la fin du XVIIIè siècle, le Comte de Saint-Germain, entre dans la maison de la chanteuse revêtue d’une cape noire et d’une chemise à jabot. 

C’est auprès de cet homme fantasque, intriguant, mythomane et parfois excessif que Dalida passe neuf ans de sa vie, sa plus longue relation amoureuse. 

Le couple s’aime, le couple se chamaille, le couple enregistre même un duo en 1975, Et de l’amour… de l’amour

De l’amour, Dalida en donne à Richard qui vit à ses crochets. Il aime alimenter les chroniques de la vie mondaine. Dalida le sait mais la folie douce de Richard la distrait. 

La relation devient de plus en plus tumultueuse. La plupart des diners tournent au drame. Cet enfant de la DASS et au passé de voyou, est à la fois secrétaire, chauffeur et amant de la chanteuse. 

Des sorties, des histoires louches, des fréquentations néfastes et une extrême instabilité ont eu raison de leur relation en 1981. 

Dalida se lasse. 

Deux ans plus tard, Richard et sa nouvelle compagne sont retrouvés inanimés dans leur voiture à Saint-Tropez. 

Un suicide par inhalation des gaz d’échappement après avoir pris une dose importante de barbituriques.

Dalida s’enfonce. Les fantômes des hommes de sa vie la hantent. Elle erre dans sa vie sentimentale et devient son propre fantôme. 

En 1985, elle tombe amoureuse de François Naudy, un médecin marié. Les deux amants se fréquentent pendant deux ans. Deux années durant lesquelles Dalida n’espère qu’une chose :  vivre leur histoire au grand jour. 

Cela n’arrivera pas. 

François Naudy ne souhaite pas s’engager et refuse de divorcer.

Le 2 mai 1987, Dalida s’apprête à passer la nuit dans sa maison de Montmartre où elle se réfugie de plus en plus souvent. 

Ce soir, Dalida n’a pas le moral. Elle se sent seule. Encore plus seule que d’habitude. Debout, devant la porte fenêtre du salon, la tête collée contre la vitre, Dalida imagine la silhouette de François ouvrir le portail. François débarque souvent à l’improviste. Il tient son verre de whisky sans glace dans la main droite et pose sa main gauche sur la taille. 

Dalida désespère. 

Une vague d’angoisse l’envahit. 

Elle décide de reposer le verre d’alcool sur la petite table gigogne située sur sa droite. Elle manque d’air. 

La vague d’angoisse se transforme en crise de panique. Elle se précipite sur le téléphone situé sur la table en verre à côté du bar, de l’autre côté de la pièce. Elle compose le numéro du cabinet de François. Elle sait que s’il n’est pas là, avec elle, c’est qu’il travaille. Elle décolle le combiné de son oreille afin d’éloigner le silence à l’autre bout du fil. Ce silence lui est insupportable. Il lui rappelle sa solitude.

Elle repose le téléphone et court vers l’armoire à pharmacie. Elle prend des barbituriques avec du whisky. Dalida parvient à se calmer. Elle se dit que François va la rappeler. Quelques minutes plus tard, son mal-être la rattrape. 

Sa souffrance est trop grande, le sentiment d’abandon trop profond. 

A cet instant, Lolanda, c’est son prénom de naissance, en veut à Dalida de lui avoir volé sa vie. 

Cette nuit de printemps, celle pour qui la chanson a toujours été un remède à ses déboires amoureux, ne chante plus. Elle n’y arrive plus. Il est temps pour elle de partir sur ses mots.

La vie m’est insupportable.

Pardonnez-moi.

Le 3 mai 1987.

Dalida.

Nous sommes en 1944, Lolanda a onze ans. 

Elle ne tient plus en place dans l’entrée de la maison familiale en pierres située dans le quartier de Choubra, un faubourg du Caire. 

Lolanda sautille, elle fredonne des chansons joyeuses sous les regards amusés d’Orlando et de Bruno, ses frères aînés. 

Sa mère, Filomena, est en pleine préparation du repas. 

L’odeur de la sauce tomate fraîche, des oignons et du basilic embaume toutes les pièces. 

Elle prépare les plats typiques italiens que son mari, Pietro, adore. 

Elle rêve de ce moment depuis longtemps. Trop longtemps. 

Ce qu’elle ne sait pas encore c’est que Pietro a changé. 

La Seconde guerre mondiale l’a détruit. 

Il a été interné dans un camp près de la capitale égyptienne où sa santé et son état psychologique se sont dégradés.

Lolanda guette par la fenêtre située dans les escaliers entre le rez-de-chaussée et le premier étage. Elle guette le moindre signe annonçant le retour de son père. Elle regarde les voitures passer en priant pour que l’une d’entre elles s’arrête. Elle est si heureuse de le retrouver. 

Ce qu’elle ignore, c’est qu’elle ne reverra plus jamais celui qu’elle suivait dans les coulisses de l’opéra du Caire où il était violoniste. C’est un père différent qui s’apprête à la rejoindre.

Une voiture noire se gare devant la maison. 

Lolanda hurle « Le voilà, le voilà ! »

Elle dévale les escaliers. Son cœur bat fort. 

Elle rejoint sa mère dans la cuisine, lui prend la main et l’entraîne à toute vitesse sur le pas de la porte. 

Pietro est là, en chair et en os. 

Enfin, plus en os qu’en chair. Il est méconnaissable. 

Son regard puissant est devenu vague, errant. Ses quatre ans de détention dans le désert l’ont anéanti. 

Le rêve de ces retrouvailles vire au cauchemar. 

L’homme se révèle dur, violent, distant et instable. 

Le traumatisme de la guerre le hante. Pietro est revenu mais Pietro est reparti un an après, et pour toujours. 

Âgé à peine de quarante et un an, il décède des suites d’une congestion cérébrale. 

Lolanda perd une seconde fois son père. 

Elle a 12 ans.

Texte : Inès Barbier

Voix : Micky Sebastian

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