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WHATSAPP : 60 MILLIARDS DE MESSAGES PAR JOUR…

WHATSAPP : 60 MILLIARDS DE MESSAGES PAR JOUR…

Jan Koum, l’inventeur de WhatsApp, a appris l’informatique dans des livres… L’histoire de l’homme, de l’idée, d’une fortune improbable !

Auteur : Philippe Husson Voix : Pierre-Alain de Garrigues

Février 2014.  Jan Koum, le créateur de Whatsapp, vient de vendre sa société à Facebook pour plusieurs milliards de dollars – une partie en cash et la plus grosse partie en échange d’actions.

Quand on signe un contrat de cette ampleur, on imagine facilement une immense salle luxueuse dans un prestigieux cabinet d’avocats.

Et pourtant… Pour signer le document de vente, Jan Koum, toujours en jean et baskets, prend sa voiture et se rend dans une zone de bâtiments désaffectés.

Il se gare tranquillement devant un vieil immeuble abandonné. L’édifice n’est plus entretenu depuis bien longtemps et sa couleur blanche a viré au gris sale. On arrive, difficilement, à lire ou plutôt à décrypter, un écriteau d’une autre époque sur lequel est écrit :

« Services sociaux » 

Cet endroit, Jan Koum le connaît bien. Après son arrivée aux Etats-Unis, et pendant toute son adolescence, c’est là que ce fils d’immigré ukrainien devenu millionnaire, venait avec sa mère chercher ses bons d’alimentation.

On connaît tous Whatsapp, on est beaucoup à avoir participé à une réunion où on écoute d’une oreille assoupie ses collègues de travail…

Et comme on n’est pas passionné par le speech du boss, on jette discrètement un œil sur son Whatsapp…

184 messages non lus et des dizaines de groupes thématiques…

La famille, les potes, les anciens du lycée, les copains du foot, les collègues du boulot…

On a tous installé Whatsapp !

Presque tous en tout cas : 

Nous sommes plus de 2 milliards à l’avoir, 1 milliard à l’utiliser tous les jours pour envoyer 55 milliards de messages, échanger 4 milliards et demi d’images et 1 milliard de vidéos.

Whatsapp est disponible en 60 langues. On l’utilise dans 180 pays.

Whatsapp est aujourd’hui l’application de messagerie instantanée la plus utilisée dans le monde. 

Et cette idée géniale nous vient de cet homme.

Jan Koum est né le 24 février 1976 à Kiev en Ukraine.  Il grandit à Fastiv, une petite ville de 48 000 habitants où son père travaille dans le bâtiment.  Sa mère complète les maigres revenus du foyer en faisant des ménages. 

Tous les trois vivent dans un petit appartement où il n’y a même pas l’eau courante.

En ce début des années 80, la vie est de plus en plus dure dans tout l’empire soviétique.

Les parents décident alors d’économiser tout ce qu’ils peuvent, c’est-à-dire pas grand-chose, pour se payer un aller simple aux États-Unis.

Le projet de déménagement prend deux ans.

Jan Koum utilise ce temps pour apprendre l’anglais avec les livres de l’école et de la bibliothèque municipale. 

Mais ces deux ans ne suffisent pas. Faute de moyens suffisants et d’autorisation de quitter le territoire, le père reste en Ukraine et Jan quitte le pays seul avec sa mère.

Le projet des parents est en marche, et il est simple : il faut tout tenter pour offrir une  vie meilleure à leur fils !

Jan Koum a 16 ans et ne parle pas très bien anglais quand il débarque avec sa mère aux États-Unis. Ils s’installent en Californie, à Moutain View, au cœur de la Silicon Valley, dans un petit logement social de deux pièces.

La mère enchaîne les petits boulots, le fils fait le ménage dans une épicerie. Le soir il faut faire la queue pour récupérer des coupons d’aide alimentaire. Le rêve américain semble bien loin. 

Jan va à l’école avec des cahiers et des stylos qui datent de l’époque soviétique, sa mère n’a pas les moyens d’acheter des fournitures scolaires plus récentes.

Mais ça ne le gêne pas. Il peut enfin dévorer des centaines de livres sur le sujet qui le passionne le plus au monde : l’informatique.  Jan aime particulièrement les ouvrages qui expliquent le codage. Des manuels qu’il achète d’occasion pour quelques centimes et qu’il revend aussitôt.

C’est à cette époque que les médecins décèlent une tumeur maligne chez sa mère, qui ne peut plus travailler.  Les Koum reçoivent quand même quelques aides sociales mais Jan doit multiplier les jobs pour ramener quelques dollars à la maison.

Il continue malgré tout d’étudier le codage informatique, seul, uniquement avec ses lectures. Il dévore tout ce qui peut lui apporter la moindre connaissance en informatique. 

Ce génie du codage doit attendre ses 19 ans pour avoir les moyens de s’acheter son premier ordinateur. Il avait, jusque-là, seulement pu toucher les ordinateurs de la fac.

Jan Koum va à l’université.  Seulement les petits boulots l’empêchent de réviser autant qu’il le devrait. Il ne sera jamais diplômé. Pourtant c’est là que se jouera la première scène de la success story Whatsapp…

Ce jour-là, Jan est en plein milieu d’un cours quand son téléphone sonne. Il se dit alors que ce serait pas mal d’avoir un système qui permet de prévenir son interlocuteur qu’on a vu son appel et qu’on ne peut pas répondre. Il sent qu’il y a une vraie idée à creuser. Jan Koum vient d’avoir un déclic.

Le “wOOwOO” est un groupe de hackers. Ce collectif a un objectif, un seul : trouver les failles des systèmes et proposer des solutions aux sociétés visées. Jan Koum les rejoint pour se perfectionner. 

Peu de temps après, il entre chez Ernst & Young en tant qu’auditeur de la sécurité. Ce travail serait anecdotique s’il ne rencontrait pas l’homme qui va grandement influer sur sa vie : Brian Acton.

Brian Acton est l’un des premiers employés embauchés chez Yahoo et en 1997, il persuade Jan Koum de le rejoindre.  A l’époque Yahoo n’est pas encore un géant d’internet.  Les deux hommes se lient de plus en plus et ont beaucoup de passions en commun : ce sont des geeks, des intellos, ils ont leur franc-parler, ils aiment le ski mais surtout, surtout, ce sont des passionnés d’ultimate-freesbee, du freesbee qui se joue en équipes.

Jan est très apprécié chez Yahoo ! Par ses compétences, son honnêteté et sa sympathie. Trois ans plus tard, en 2000, tout va bien. Trop bien. En Ukraine son père meurt, et le cancer emporte finalement sa mère. Jan se retrouve seul.

Mais pas tout à fait seul, Brian Ecton, le prend sous son aile et les deux hommes nouent alors une amitié indéfectible.

En 2006, Jan est muté au développement publicitaire de Yahoo. 

Mais,: il a horreur de la publicité ! Comme il le dit lui-même, je cite : « La publicité est une insulte à l’intelligence ! » On y reviendra…

Dans la foulée, ils essaient donc tous les deux d’intégrer deux jeunes entreprises, Facebook pour Jan et Twitter pour Brian, mais échouent à se faire embaucher.

En 2007, Jan et Brian se rendent compte qu’ils ne prennent définitivement aucun plaisir dans leur travail. Ils gagnent bien leur vie mais s’ennuient.

Et Jan Koum cherche la bonne idée ! Tout le temps ! Inlassablement !

Finalement, les deux amis démissionnent et décident de partir en Amérique du Sud où ils rencontrent d’autres génies du codage.

2009, selon la légende, l’illumination vient sur une plage.

Un après-midi, Jan et Brian jouent au freesbee ! Ils s’envoient et se renvoient le disque de plastique avec la dextérité de ceux qui maitrisent l’exercice. Jan récupère le freesbee mais ne le renvoie pas.  Brian le regarde, de loin, attend quelques secondes en se demandant ce que fait son ami.

Brian appelle Jan :

« Mais qu’est-ce que tu fais, t’en as marre ? »

Jan est figé. Puis il fait quelques pas en direction de Brian jusqu’à le rejoindre.

« Brian, je vais créer ma société, c’est une application de statut téléphonique et ça s’appellera Whats Up » . Oui Whats Up et pas encore Whatsapp.

L’idée est là mais le développement n’est pas encore fait. Jan Koum n’a, pour l’instant, aucune idée de qui, quoi, comment…

Et petit détail : il faut de l’argent ! Comment trouver de l’argent quand on ne connaît personne, qu’on n’a pas fait d’études et qu’on s’habille comme un geek ?

Très simple, il va faire le tour de la communauté ukrainienne mais aussi russophone de sa ville. Il n’a pas des millions mais suffisamment pour lancer son projet.

Brian Acton met lui aussi la main à la poche.

Pour le remercier, Jan Koum lui donne 20% de Whatsapp.

Les deux amis vont travailler ensemble.

Pour créer Whats Up, il ne faut pas beaucoup de monde, il faut juste des gens compétents. Ca tombe bien, Jan et Brian en connaissent quelques-uns.

Mais pour être embauché, il ne suffit pas d’être un génie de l’informatique, il faut également adhérer à la philosophie des patrons.

Cette philosophie est simple :

Sécurité et préservation de la vie privée pour les usagers.

Et…Pas de pubs ! Surtout, pas de pubs !

Enfin très important : que l’appli fonctionne sans réseau avec simplement du wifi.

Au fait, pourquoi Whats Up est devenu Whatsapp ?

Tout simplement parce que la sonorité est proche et le « app », « a suivi de 2 p » est aussi la contraction de « app », « application » !

Jan et Brian s’entourent de développeurs. Pas n’importe quels développeurs : des pointures. Certains ont carrément participé au développement du premier Iphone, ils ont mis au point le fameux ios.

Le 24 février 2009, jour de son anniversaire, Jan Koum enregistre en Californie la société whatsapp inc. C’est le jour de la naissance de Whatsapp. Le bébé se porte bien, les deux papas aussi.

Souvenons-nous qu’à cette époque, il y a sur le marché plusieurs services de messagerie, notamment aux États-Unis : Line, Kakao Talk, We Chat, Kik, Facebook Messsenger ! Évidemment, on ne se souvient que de Facebook Messenger. Quant aux autres, paix à leur âme.

Vous vous souvenez ? Jan Koum déteste la publicité ! Donc il n’en fait pas.

Il compte sur le bouche-à-oreille.

L’application Whatsapp est enfin disponible.

Le succès est en marche !

Mais c’est un flop.

Personne n’en veut.

Jan Koum est désespéré.

Il faut préciser qu’au départ, Whatsapp est une application qui permet d’indiquer votre statut au moment présent quand vous ne voulez ou ne pouvez pas répondre directement. L’appli indique « Je suis en réunion », « Je fais du sport ».

Mais quelques mois plus tard, une nouveauté sur l’Iphone va tout changer.

Apple introduit les notifications push sur l’Iphone. En résumé, on est maintenant prévenu quand il se passe quelque chose sur une appli.

C’est ce qu’il manquait à Jan Koum !

Mais l’affaire ne décolle toujours pas.

Non seulement les gens ne sont pas séduits par Whatsapp mais le peu qui l’ont s’en servent comme d’un tchat.

Jan Koum les suit : il transforme son application en un service de messagerie tel qu’on la connaît aujourd’hui.

Et l‘identifiant est un numéro de téléphone qui est dans votre répertoire.

Simple, basique.

Pour les premiers tests, Jan et Brian s’installent dans la cuisine de Brian et s’envoient des messages via Whatsapp. 

Tout fonctionne parfaitement !

Et ça marche. Ca décolle même !

10 000 nouveaux utilisateurs les rejoignent chaque jour.

Mais il faut encore de l’argent.

Ils font un premier tour de table et récupèrent 250 000 dollars via des anciens collègues de chez Yahoo. C’est bien mais pas assez.

Ce qui leur coûte le plus cher est quelque chose qu’on a oublié aujourd’hui. A l’époque, pour chaque nouvel utilisateur, Whatsapp envoie un SMS de confirmation. Le SMS coûtait alors entre 2 et 65 centimes selon les pays. Une fortune.

Ils ne sont que 4 développeurs dans la société et à eux 4, en quelques mois, ils vont rendre Whatsapp accessible depuis toutes les plateformes : Androïd, Iphone, Blackberry, Nokia S40, Symbian et Windows Phone.

Mais il faut toujours plus d’argent pour développer, héberger et surtout suivre l’évolution de l’appli qui commence à vraiment avoir du succès.

En avril 2011 un fonds d’investissement met 8 millions de dollars en acceptant les directives de Jan Koum : pas de pubs et pas de reventes des données personnelles.

En 2011-2012, malgré ses 200 millions d’utilisateurs, la société Whatsapp ne compte que 50 salariés. 

Et une étude révèle que Whatsapp est envié : non seulement elle a de plus en plus d’utilisateurs mais surtout, les gens s’en servent ! Et s’en servent beaucoup !

Avril 2012, un mail arrive dans la boîte de Jan Koum :

« Hello Jan,

Bravo pour Whatsapp, ton appli est impressionnante, le travail de tes équipes est phénoménal !

Aurais-tu un moment pour échanger avec moi ? »

C’est signé : Mark Zuckerberg !

Jan Koum et Mark Zuckerberg se rencontrent dans un café, Jan arrive en retard habillé comme d’habitude : sweat à capuche et jean ! Mark Zuckerberg est en tee-shirt et jean ! Bienvenue dans la geek-fashion-week !

Zuckerberg est admiratif du travail accompli par Jan et lui propose assez rapidement une association entre les deux entreprises.

Jan Koum hausse les épaules. Non…il n’est pas intéressé.

Malgré tout les deux hommes se lient d’amitié et se voient régulièrement pour dîner ou jouer au poker ! Et le deal proposé par Zuckerberg reste mort-né malgré, de temps en temps, quelques relances…

Nous sommes maintenant en août 2013 et Whatsapp compte 300 millions d’utilisateurs.

Mais pourquoi Whatsapp plaît autant et aussi vite !

C’est simple !

Oui c’est exactement ça ! Ca plaît parce que c’est simple !

Surtout : il n’y a pas de pubs.

Et vos données personnelles ne sont pas revendues.

2 arguments que ses concurrents n’ont pas.

Whatsapp met 4 ans à atteindre les 300 millions d’utilisateurs.

En octobre 2013, il y a 50 millions d’utilisateurs en plus !

En décembre, ils sont 400 millions !

En février 2014, 450 millions !

Tous les spécialistes du web suivent cette ascension. Et tout le monde pense que le chiffre d’affaire doit être dingue.

Courant 2014, avec 500 millions d’utilisateurs, Whatsapp fait un chiffre d’affaires de : 20 millions de dollars.

Oui, seulement 20 millions de dollars.

Jan Koum et Brian Ecton s’en satisfont. Ils sont restés fidèles à leurs principes de départ : pas de pubs, pas de revente des données personnelles.

L’entreprise est un succès. Tout le monde dans la société gagne bien sa vie.

Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Mais pourquoi sont-ils aussi réfractaires sur les données personnelles ?

Rappelez-vous que Jan Koum vient de l’ancienne URSS où tout le monde était surveillé. Il a encore le souvenir de ses parents n’osant pas parler librement au téléphone de peur d’être écouté. Un traumatisme. Son rêve est d’offrir un moyen de communication sûr et sécurisé. Ce qu’il fait avec Whatsapp !

Il sait que sur le net, tout le monde peut épier tout le monde avec un minimum de connaissances en informatique. Donc Whatsapp est chiffré, bref, on peut converser en toute sécurité avec qui on veut !

Mais pourquoi Jan Koum est-il si opposé à la publicité ?

Comme il le dit lui-même :

« La publicité est une insulte à l’intelligence ! »

Tout simplement .

Dans le capitalisme américain, on a brûlé des hérétiques pour moins que ça.

Pour résumer, Jan Koum nous a épargné sur Whatsapp, le pire de l’URSS et le pire de l’occident.

Nous sommes le 10 février 2014, Jan Koum et Mark Zuckerberg se voient toujours mais le boss de Facebook vient avec une proposition impossible à refuser : un rachat et une place au board de Facebook.

Le jeudi suivant, Jan Koum présente Brian Acton à Zuckerberg pour la première fois. Le lendemain, les trois hommes signent le deal.

22 milliards de dollars !

Dont 17 milliards en échange d’actions Facebook.

!

Au moment de la vente, Zuckerberg accepte les directives de Jan Koum : pas de pubs et protections de la vie privée.

Promesse de Gafa…

18 mois plus tard, Mark Zuckerberg, force Whatsapp à changer ses conditions générales. 

Mark Zuckerberg a trahi sa parole. Que ce soit sur le partage de données via Facebook, le niveau de chiffrement donc de protection de la vie privé ou encore la publicité qui d’après ce qu’on lit, devrait finir par arriver !

Mark Zuckerberg a un achat à 20 milliards de dollars à rentabiliser…

S’estimant, à juste titre, trahis, Jan Koum et Brian Acton démissionnent.

Jan, le jeune ukrainien qui débarque fauché en Californie, aura mis une vingtaine d’années à devenir milliardaire.

Le rêve américain se porte bien, merci pour lui.

Aujourd’hui, le magazine Forbes estime la valeur nette de Jan Koum à 10 milliards de dollars.

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