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SUPERSTITIONS, POURQUOI ON Y CROIT ?

SUPERSTITIONS, POURQUOI ON Y CROIT ?

Jennifer Aniston entre dans l’avion du pied droit et tapote plusieurs fois l’extérieur de l’appareil avant d’embarquer.

Penélope Cruz se frotte la tête pour chasser les mauvaises ondes. Heidi Klum garde toujours sur elle une petite trousse contenant ses dents de lait. Brad Pitt ne se sépare jamais d’un collier porte-bonheur : une dent de requin. 

Emily Blunt ne peut s’empêcher de toucher les arbres ou les lampadaires sur lesquels son chien urine…

Les présidents aussi sont superstitieux, François Mitterrand consultait Elizabeth Tessier avant de prendre de grandes décisions et Donald Trump qui avait remporté l’Etat du Michigan en 2018, avait décidé d’y revenir pour son dernier meeting de campagne en 2020, persuadé que ça lui porterait bonheur…

Croyance surnaturelle et irraisonnée, fondée sur la peur du malheur, la superstition donne un caractère sacré aux phénomènes. Elles naissent de la crainte disait Spinoza.

Garder précieusement un trèfle à quatre feuilles, avoir un numéro fétiche, ne pas retourner le pain, ne pas ouvrir un parapluie à l’intérieur, fuir les chats noirs, faire un vœu à la vue d’une étoile filante, tout cela fait partie des superstitions. Mais comment sont nées toutes ces croyances qui traversent les siècles, les cultures et qui touchent toutes les classes sociales ? 

On peut différencier une religion d’une superstition. L’une engage toute une collectivité alors que l’autre n’engage que sa personne.

Les rituels populaires subissent, au Moyen Âge, l’opprobre de l’Église qui les attribue au diable et les assimile à la sorcellerie. Les philosophes du XVIIIe siècle prennent ensuite le relais en déclarant que ces traditions sont contraires à la raison. Et ils ajoutent que les religions ne sont rien d’autre que des superstitions, elles aussi ! 

Dès le XXe siècle, les scientifiques décrètent que, finalement, ce qui n’est pas rationnel relève de la croyance.

Et pourtant, dans le monde entier, les superstitions ont la vie dure ! Par exemple, on touche du bois pour conjurer le sort et lorsqu’on n’en trouve pas, on touche sa tête ! 

Pourquoi ?

Tout commence 600 ans avant Jésus-Christ chez les Grecs. Pour eux, les arbres, et particulièrement les chênes, abritent le feu sacré de par leur grande taille, car ils attirent la foudre. Or, pour les Grecs, les éclairs sont la manifestation de Zeus, le dieu suprême. Toucher du bois, c’était donc en quelque sorte mettre Zeus dans sa poche ! 

Au fil du temps, la relation entre le bois des arbres et la chance s’est progressivement transmise aux Romains et aux Gaulois. Au Moyen Âge, cette symbolique païenne a été reprise par les chrétiens qui l’ont rattachée au supplice de Jésus crucifié sur une croix en bois ! Toucher du bois pourrait donc porter bonheur ! 

Et pourquoi se touche-t-on la tête quand on n’a pas de bois ? Parce que certaines personnes sont têtues et ont donc une tête de bois ! 

En France, lorsqu’on marche dans une déjection canine du pied gauche, on se console en se disant que ça porte bonheur. 

Pourquoi du pied gauche ? Parce que la gauche, c’est le symbole de la déraison et de la trahison donc si l’on marche dans une crotte de chien du pied gauche, on humilie le Mal ! 

En revanche, il faut que ce soit fortuit : ne faites pas exprès de marcher dedans !

Au Mexique, pour avoir de la chance, on préférera se promener avec une valise vide à la Saint-Sylvestre ! Pas de panique, si votre chéri sort sa valise du placard ce n’est pas parce qu’il vous quitte ! Ne cassez pas de rage le miroir de la chambre ça vous vaudra 7 ans de malheur ! 

Pour comprendre d’où vient cette superstition du miroir brisé, il faut remonter à l’Antiquité, au Ier siècle, sous l’Empire romain. À l’époque, on croyait que les miroirs renvoyaient l’image des âmes. Casser son reflet, c’était donc casser son âme. La durée de sept ans est quant à elle liée aux cycles de la vie. Les Romains estimaient qu’une personne évoluait par paliers de sept ans, chaque étape forgeant sa personnalité. Si quelqu’un brisait un miroir, la malédiction devait courir jusqu’à la fin de son cycle, soit au maximum 7 ans. Elle ne pouvait être levée qu’au commencement d’un nouveau cycle.

21 % des français sont « triskaïdécaphobiques ». Si vous êtes superstitieux, vous savez peut-être ce que ça veut dire : la triskaïdékaphobie, c’est la peur du nombre 13. 

Cette crainte est associée à la Cène, le dernier repas de Jésus. 13 personnes sont attablées, Jésus est entouré de ses 12 apôtres. Judas est le treizième convive et il va trahir le Christ qui est arrêté et crucifié juste après le repas, un vendredi ! 

Manger à treize à table, provoquerait la mort d’un des convives ! On raconte que Victor Hugo a fait retarder un repas, car il y avait 13 convives. Il invita donc une quatorzième personne. 

La peur du nombre 13 est si répandue que certains hôtels n’ont pas de chambre 13. Des immeubles aussi ne possèdent pas de 13e étage. On passe directement du 12 au 14e étage. Mais ce n’est pas pour autant que nous les monterons à pieds ! La compagnie Air France n’a pas de rangée 13 dans ses avions afin de ne pas contrarier les clients superstitieux. 

Le vendredi 13, a des conséquences sur l’activité économique. On constate une perte de 650 millions d’euros pour l’économie chaque vendredi 13, car les gens modifient leurs habitudes, ne prennent pas l’avion, ne vont pas travailler. 

Le vendredi est aussi un jour néfaste. Il ne faut rien faire le vendredi et surtout ne pas se couper les ongles ou les cheveux ! 

Mais avec le développement des jeux, on a associé le vendredi et le nombre 13 comme un jour de chance ! 

2 millions de joueurs tentent leur chance un jour normal contre près de 5 millions les vendredis 13 ! 

Certaines superstitions ont une explication historique. Par exemple, durant la Première Guerre mondiale, les soldats français et allemands se tenaient les uns en face des autres à quelques mètres de distance. Si un soldat passait l’allumette à son voisin pour allumer sa cigarette, la flamme indiquait l’endroit précis où ils se trouvaient et l’ennemi pouvait tirer.

Cette superstition s’est étendue aux bougies et bien qu’il n’y ait plus d’ennemi, on n’allume jamais les bougies d’un gâteau d’anniversaire avec une seule et même bougie !  

Et si par malheur ça arrivait, on ferait un vœu après avoir soufflé nos bougies pour tout annuler ! 

Pour beaucoup d’entre nous, les superstitions sont davantage des habitudes culturelles que des croyances conscientes. 

Si nos parents changent de trottoir pour ne pas passer sous une échelle, on ne va pas conjurer le sort ! 

Même si on n’y croit pas, on se dit que ça ne coûte rien de contourner l’échelle ! 

Mais pourquoi dit-on que passer sous une échelle porte malheur ? Parce qu’on risque de recevoir un pot de peinture sur la tête ? Pas du tout ! 

Selon Laurence Caracalla dans son livre aux origines des 100 superstitions qui hantent ou réjouissent notre quotidien, cette croyance est associée à l’image de la Sainte-Trinité. Si on observe la figure géométrique que forme une échelle contre un mur, on y voit un triangle. Or, les croyants associaient le triangle à la Sainte-Trinité, c’est-à-dire, « le Père, le Fils et le Saint-Esprit ». Franchir, ce triangle serait une profanation ! 

C’est également avec une échelle que le corps de Jésus a été hissé sur la croix, ce qui fait une deuxième bonne raison d’en avoir peur ! 

Mais les astuces pour forcer la chance sont nombreuses ! On peut tenter de passer sous une échelle en croisant les doigts ! 

Mais d’où vient cette curieuse tradition ?

Le sens premier du verbe « croiser » est un dérivé du mot « croix » Les premiers chrétiens persécutés se devaient de rester sur leur garde. Pour échapper à la mort, ils avaient imaginé un signe de reconnaissance. Si l’un d’eux entrelaçait ses doigts en forme de croix, l’autre savait qu’il faisait partie des siens.  

Mais c’est aux Britanniques que l’on doit l’expression « croiser les doigts ». « To cross one’s fingers », était la formule fréquemment employée pour éloigner le Diable au Moyen Âge.

De nos jours, la formule « croiser les doigts » s’emploie surtout pour forcer la chance. 

Et qu’en est-il de la peur des chats noirs ? 

Les superstitions autour du chat débutent au temps de l’Égypte ancienne.

 Les yeux du chat qui reflètent la lumière, étaient le symbole du pouvoir du dieu du Soleil, Râ. Mais paradoxalement, les égyptiens considéraient le chat noir comme un animal maléfique.Une légende raconte le décès d’un homme très riche dans son château. Au moment de décéder, il est entouré de plusieurs personnes dont une qui voit des scènes invisibles. Elle aperçoit alors plusieurs chats noirs entourant l’homme agonisant qui demande à ce que ces animaux soient enlevés. Au même moment, un homme noir vient arracher l’âme du mourant avec un crochet. Depuis, dans l’Égypte ancienne, cet éthiopien est perçu comme étant le diable qui a pour serviteur les chats noirs. 

Ils sont aussi très souvent associés à la sorcellerie. On disait que les sorcières avaient une troisième mamelle qui leur permettait de nourrir leur animal. Elles partageaient avec lui des pouvoirs diaboliques. 

Au Moyen Âge, la légende dit que ces sorcières avaient la possibilité de se transformer 9 fois en chat noir. C’est pour cette raison que le chat aurait 9 vies. Une des histoires les plus connues à ce sujet est celle qui s’est déroulée à Vernon. 

Dans un vieux château, des femmes se métamorphosant en chat noir se réunissaient pour des maléfices. Un soir, des jeunes ont pénétré dans le château et ont été attaqués par des chats noirs. Ils ont réussi à en blesser plusieurs d’entre eux. Le lendemain, certaines femmes présentaient des blessures infligées aux chats, la veille. 

Pour conjurer le sort, en tout cas, une seule solution : cracher au sol ! Winston Churchill, lui, préférait caresser les chats noirs pour amadouer la chance ! 

Parfois, une petite voix rationnelle en nous, nous chuchote que tout ça, ça ne marche pas, mais nos petites croyances nous rassurent et surtout nous donnent des repères. En croyant, on prédit ce qu’il nous arrivera. Les superstitions nous donnent donc un mode d’emploi, des clefs qu’on peut utiliser pour savoir ce qui va arriver. Quand on n’arrive pas à se projeter, on ne se sent pas bien, car on ne maîtrise pas les événements. Les rituels et les superstitions nous rassurent, elles sont une réponse à l’angoisse, elles ont un effet thérapeutique.

Tous les matins, un illustre collectionneur pratiquait le même rituel : il saluait un vieux magot chinois du XIXe siècle, posé sur son bureau. Une petite sculpture avec une tête démesurée ; ce collectionneur, c’est Sigmund Freud ! 

André Bonaly, psychanalyste et mathématicien, explique que si les superstitions ont résisté au temps, c’est qu’elles sont, avant tout, une démarche individuelle et qu’elles jouent un rôle important dans l’équilibre de la psyché humaine. 

Certaines personnes créent elles-mêmes leur rituel ou attribuent un pouvoir particulier à un objet. Il suffit que celui-ci soit associé, un jour, à une situation heureuse pour qu’il devienne magique. Marilyn Monroe s’habillait toujours en rouge lors de galas en souvenir de son premier succès. 

Avoir un rituel ou un objet magique, permet de cristalliser une force intérieure qui rendra certaines actions plus efficaces. Dans le monde du sport, il y a beaucoup de superstitions, on se souvient des baisers déposés sur le crâne du footballeur Fabien Barthez, devenu un objet de culte ! 

Le point commun de nos rituels est de croire que l’esprit pénètre la matière et que la matière a un pouvoir magique. La superstition prend donc ses racines dans l’animisme : tout élément est doté d’une âme et interagit avec les hommes.

À notre époque, si, éclairée, 52 % des français se disent superstitieux.

41 % des français croient à l’astrologie et 29 % aux lignes de la main. 

Seuls 15 % des européens ont peur du vendredi 13. En revanche, leurs superstitions peuvent nous laisser perplexes.

Par exemple, en Suède, les éternuements ne propagent pas seulement des microbes, ils signifient surtout que si vous avez un ennemi, il a mentionné votre nom. 

Les italiens eux, suivent de près la recommandation suivante : “célibataires, ne laissez pas un balai toucher vos pieds quand quelqu’un nettoie le plancher. Si cela vous arrive, vous ne vous marierez jamais“. 

Au Portugal, on ne verra jamais quelqu’un marcher en arrière, car c’est synonyme de montrer le chemin au diable alors pas de moonwalk durant vos vacances au Portugal ! 

Au Royaume-Uni, pour convoquer la chance, il faut prononcer “lapins blancs, lapins blancs, lapins blancs” le premier jour du mois avant de dire quoi que ce soit d’autre. White rabbit, White rabbit, White rabbit ! 

Dans le monde, il y a des superstitions qui peuvent nous surprendre aussi : 

En Malaisie, s’asseoir sur un oreiller donnerait des furoncles.

En Uruguay, si l’on fait un rêve (ou un cauchemar) et qu’on le raconte à voix haute avant de manger, il deviendra réalité ! 

Ok, ça sent très fort, mais en Bosnie, on place toujours une gousse d’ail dans ses bagages avant de partir en voyage. Une bonne manière de porter chance pour arriver à bon port.

En Serbie, si vous vous mordez la langue, cela signifie que votre grand-mère envisage de faire un gâteau pour vous ! 

En Turquie, quand quelqu’un parle de bonnes choses, les autres disent qu’il faut se gratter les fesses afin d’éviter que de mauvaises choses arrivent. 

Au Yémen, pour connaître le sexe de l’enfant, pas d’échographies : il suffit juste de jeter sur le ventre de la future mère un serpent mort : s’il retombe sur le dos, c’est une fille et sur le ventre un garçon ! 

Enfin, on raconte que discuter de superstition porte malheur… Il convient donc… De se taire !

Texte : Isabelle Giami / Voix : Eric Lange

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