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SEX N’ SECTE – Le gourou Rajneesh

SEX N’ SECTE – Le gourou Rajneesh

Elle s’est décidée à quitter sa Californie natale. On lui a vanté les mérites d’un ashram en plein cœur de Poona, une petite ville de 5 millions d’habitants, au nord de L’Inde. Un ashram, c’est l’équivalent indien du monastère où l’on se rend pour méditer, prier, s’extraire du monde…

L’Inde, ce n’est pas comme chez elle. La foule, la misère, le brouhaha incessant de la ville, c’est un véritable choc culturel auquel elle n’est pas préparée. Elle a hâte de se réfugier dans l’ashram. 

Tout au fond d’une petite ruelle, elle pénètre dans ce havre de paix de 11 hectares. La nature y est flamboyante. Le silence a repris sa place. La vie semble s’être arrêtée.

Elle ne le sait pas encore, mais elle rejoint une des communautés les plus scandaleuses des années 70 / 80

Une secte qui va réunir, pendant plus de 20 ans, des centaines de milliers d’adeptes dans le monde autour d’une idée : l’élévation spirituelle passe par une liberté sexuelle absolue.

La salle est immense et lumineuse. Une centaine de personnes s’approchent d’elle et l’encerclent. Tous sont vêtus de rouge ou d’orange. Les couleurs du soleil. 

Elle se tient au centre de la pièce. 

Ils tournent autour d’elle. Dans le sens des aiguilles d’une montre, ils ne s’arrêtent plus de tourner. Le rythme est soutenu et entêtant. Pas un bruit, excepté celui des centaines de pas. 

Soudain, elle est prise de vertige. Elle ne sait plus où elle est, ni ce qu’elle fait ici. Elle pousse un cri de rage et se met à pleurer, à hurler tellement la colère cherche à s’évacuer. Tout devient blanc.

À son réveil, elle croit s’être évanouie pendant des heures mais son absence n’a duré que quelques minutes. 

Les disciples sont au- dessus d’elle. Ils la dévisagent comme un nouveau-né. Des posters géants du « maitre », accrochés sur les murs, l’entourent. C’est lui, « Rajneesh ».  Il la fixe de ses profonds yeux noirs.Un des membres du groupe pointe du doigt les photos du maître et lui ordonne : « Donne-lui ta vie. Soumets-toi à Rajneesh et tu seras illuminée pour toujours ! »

Rajneesh Chandra Mohanesh Jainn. Il voit le jour en Inde le 11 décembre 1931. Son père et sa mère se marient à l’âge de 10 et 17 ans. Il est l’aîné d’une fratrie de 11 enfants. 

Très vite, il est confié à ses grands-parents et grandit dans un village isolé. La grand-mère refuse de le scolariser. 

Rajneesh passe le plus clair de son temps près d’un lac, dans le silence et la solitude de la nature. Il apprend à ne dépendre de personne, à se suffire à lui-même. Durant les 8 premières années de sa vie, il grandit à l’écart du monde. C’est à 9 ans seulement qu’il retrouve le contact avec la civilisation en retournant habiter chez son père. Il entame alors sa scolarité et se passionne pour le savoir et la lecture. On dit de lui qu’il est un enfant « obstiné, intelligent mais difficile ».

À 24 ans, Rajneesh obtient un premier diplôme en philosophie. Deux ans plus tard, il décroche son master. Il peut enfin enseigner au Raipur Sanskrit college. Mais son caractère effronté et radical ne fait pas l’unanimité. 

Ses premières conférences défendent le capitalisme. Il est opposé au socialisme et pense que l’Inde ne peut prospérer que grâce au marché, à la science, à la technologie et au contrôle des naissances. 

Il critique les religions et les rituels traditionnels indiens. 

Et surtout, il défend l’idée que le sexe est la première étape vers la croissance spirituelle. 

Il est nommé à l’université de Jabalpur. Ses conférences suscitent toujours de nombreuses critiques mais attirent également les foules. 

Rajneesh est nourri d’un ego surdimensionné. Il est attiré par la célébrité, motivé aussi par le pouvoir et l’argent, il quitte l’enseignement en 1964. Il parcourt l’Inde et diffuse sa doctrine dans des ashrams. Il en est certain, il peut sauver le monde.

Très ouvert d’esprit et franc, il est différent des autres chefs spirituels qui se comptent par milliers en Inde. 

Ses discussions autour du sexe scandalisent les dirigeants Hindous. 

D’ores et déjà, la société Indienne le surnomme le « gourou du sexe ». 

Il rassemble un public large et surfe avec talent sur le courant « new age » qui se répand à l’époque. Son discours prône l’amour de la vie, la joie et la liberté́ sexuelle comme voie spirituelle d’éveil de la « super-conscience ». Il promet l’éclosion de l’homme nouveau.

En 1966 Rajneesh s’installe à Bombay. 

Dans son appartement modeste, il accueille de petits groupes d’élèves indiens et étrangers, tous fascinés par son aura. 

Quatre ans plus tard, il dit avoir enfin trouvé la « clef du développement spirituel du « New Age» et met en place sa propre méthode qu’il baptise « méditation dynamique »

Il s’agit de méditer dans l’action et non en restant assis des heures en tailleur. À travers la danse, le secouement des corps et une respiration irrégulière et « chaotique », on laisse sortir les cris, les pleurs, les rires, les émotions. On entre dans une sorte de transe cathartique. Ainsi, la personne se décharge de toutes les tensions et du stress accumulés.
Il initie ses 6 premiers élèves à qui il donne le nom de : « Sannyasins ». Ils doivent porter la tenue orange traditionnelle hindoue. Ces jeunes étudiants deviennent peu à peu des « disciples ».

Quatre ans plus tard, en 1970, Rajneesh est à la tête d’un mouvement qui compte déjà 400 disciples. Leur nombre ne cesse d’augmenter chaque jour. Il surprend, il attire, il promet une vie meilleure. Désormais, il se fait appeler : Bhagwan, autrement dit « le Béni ». 

En 1974, ses adeptes lui achètent un parc de la banlieue de Poona. Cet endroit devient très vite l’Ashram d’une communauté́ florissante. Il attire de nombreux routards  venus d’Occident en quête d’une vie spirituelle et sans doute d’une sexualité plus libre…Bagwan est un « gourou », doué pour s’exprimer en public et véhiculer ses idées. Selon certains, il hypnotise par la parole. Les adeptes abandonnent famille et travail pour intégrer son ashram et devenir « Sanyasin ». 

En 1981, alors qu’il n’a que 50 ans, sa santé décline. Il souffre d’asthme et de diabète. Les médecins lui prescrivent de fortes doses de valium. 

Il fait ses conférences assis sur un fauteuil de dentiste et prend des bouffées d’oxygène ou de gaz hilarant, ponctuant son discours de blagues graveleuses. Il n’est plus tout à fait lui-même. 

Sagement, il décide alors d’entrer dans une période de plusieurs années de silence. Il n’apparaît plus que pour être « vu ». Ce qui ne fait qu’alimenter son mystère, auprès d’une communauté déjà totalement éprise. 

C’est à ce moment-là que Ma Anand Sheela entre en scène. 

Elle est jeune, belle et complètement éprise du Bhagwan. Cet homme au regard profond et intense lui fait penser à son père. 

Elle lui voue un culte sans borne. Il la nomme « secrétaire particulière ». Ça tombe bien, Sheela a soif de pouvoir.

Désormais, tout doit passer par elle. 

Bhagwan lui fait confiance et la laisse diriger la communauté. Il a trouvé sa meilleure représentante et peut désormais se reposer sur elle.

En Inde, Bhagwan est de plus en plus controversé. Son discours est immoral. Le gouvernement local tente de réduire son influence en contrôlant ses comptes. Un matin, en recevant un rappel d’impôt, le gourou perd son sang-froid. Il détruit la comptabilité de l’ashram et prend la fuite, au volant de sa Rolls Royce. 

Ce qu’il veut, c’est la conquête des États-Unis. Là-bas, il sait qu’il pourra parler plus librement et voir plus grand. 

Sheela est tenace et soumise. Pour lui, elle est prête à tout. Elle réussit à acheter un vaste Ranch de presque 6 millions de dollars en plein cœur de l’Oregon, près de la petite ville d’Antelope. Le vœu du maître est exaucé : il va s’installer aux États-Unis pour y bâtir une communauté. 

Après des mois de travail et d’efforts, les adeptes sont fiers de lui présenter son nouvel ashram, s’étendant sur une parcelle de 26 hectares. Bhagwan est aux anges. Il est sur le sol Américain. Il a eu ce qu’il voulait. Le meilleur reste à venir.

En quatre ans, Rajneeshpuram devient une véritable ville auto-suffisante. Un lac artificiel de 17 hectares, des cultures, des Rajneesh Boutiques, une école, 8000 m2 de salles de réunions, un Rajneesh hôtel de luxe, un casino, une piste d’atterrissage, une compagnie aérienne « Air Rajneesh », une centaine d’autobus. 

Rajneeshpuram devient LA plus grande communauté spirituelle jamais crée en Amérique.

Dans le village, Bhagwan et Sheela imposent des règles de vie exigeantes. Il faut :

  • Méditer chaque jour, 
  • Porter le Mala : un collier en bois rose avec le portrait du maître comme symbole de dévotion,
  • Ne porter que des vêtements couleur du soleil : orange ou jaune. 
  • Changer de nom. 
  • Quitter sa famille et son passé pour se vouer entièrement à la vie de l’ashram 
  • Se soumettre aux volontés du gourou et subvenir aux besoins de la vie en communauté. 
  • Et bien sûr, assumer une liberté sexuelle totale…

Chaque matin, le maître prend place dans le Bouddha Hall pour prononcer un discours d’une heure devant un parterre de 6000 disciples, totalement émerveillés.

Il est sorti de son silence. 

Il parle lentement et calmement. Il s’exprime sans tabou et aborde des thèmes tels que la spiritualité, le capitalisme et la sexualité. Il fait de l’amour un de ses thèmes favoris. Son but : créer un « homme nouveau », libéré ​ de tous ses blocages psychologiques et sexuels. Il se dit révolutionnaire et sa communauté boit chacune de ses paroles. Pour les Sannyasins, Bhagwan a l’envergure d’une « rock star ».

La liberté́ sexuelle devient d’ailleurs un réel problème à Rajneeshpuram. Le maître prend plaisir à faire et défaire les couples, pour se « détacher de tout sentiment négatif ». Il incite à regarder certains conjoints faire l’amour avec une autre personne. 

Les viols individuels ou collectifs ne sont pas rares. Pour lui, ils ont une valeur thérapeutique ou le symbole de « passage d’une frontière ». 

Dans son monde idéal, les mères devraient « initier » leurs fils à la sexualité et les pères, leurs filles. Cette idéologie est prise à la lettre par certains disciples. La pédophilie n’est plus un tabou. Les enfants sont couramment sollicités avant l’âge de 10 ans.

Parallèlement, Rajneesh pense que le monde est surpeuplé. Il faudrait cesser de faire des enfants pendant 20 ans. 

Des milliers de femmes boivent ses paroles et acceptent de se faire stériliser. L’avortement, la stérilisation et la vasectomie deviennent des actes courants à Rajneeshpuram. 

Dans la région, on commence à dénoncer une atmosphère malsaine.

L’Amérique est puritaine, cette sexualité débridée, sans tabou ni morale, choque les citoyens. Le voisinage se plaint d’entendre des cris de jouissance à proximité du ranch. Les adeptes sont logés dans des tentes hébergeant une dizaine de personnes. Si tout le monde reçoit un amant dans son lit, il arrive parfois qu’une vingtaine de personnes ait des rapports sexuels sous une même tente. Un ancien disciple s’en amuse. Il dira : « C’était un peu comme une chorale… ou se promener dans un marais où tu entends toutes les grenouilles coasser à l’unisson ».

Près de 30 000 visiteurs se déplacent chaque année pour rencontrer le gourou. De nombreux psychothérapeutes, curieux, viennent aussi expérimenter ses techniques.

Méditer en travaillant, rire continuellement, se saouler en groupe, respecter des périodes de silence et pratiquer des exercices traditionnels comme le yoga tantrique ou le Kundalini, qui permet d’atteindre un stade supérieur de conscience…

La réputation de Rajneesh se répand à travers le pays. Les médias américains pointent du doigt le phénomène et le surnomment à leur tour le « sex gourou ». 

Quant aux habitants des alentours, ils se braquent et n’approuvent plus sa présence. Le mode de vie de la communauté effraie.

Sheela continue d’assurer son rôle de gérante. Chaque soir, elle ne manque pas de s’entretenir avec le maître pour lui faire le point sur la vie au ranch. Celui-ci continue de s’affaiblir. Ses apparitions en public se font de plus en plus rares. Mais il a son mot à dire sur tout et s’exprime à travers sa fidèle secrétaire. 

Dès 1982, la communauté de Rajneeshpuram est menacée d’expulsion par les habitants du comté. Selon Bhagwan, la meilleure façon d’y remédier est d’étendre la communauté aux villes voisines. Plus de fidèles…plus de pouvoir !

En septembre 1984, la commune d’Antelope est dépassée. Les membres de la secte sont maintenant plus nombreux que les habitants. Ils prennent le contrôle de la ville qu’ils renomment « Rajneesh ». 

Sheela, assoiffée de pouvoir, tente de remporter les élections municipales de The Dalles, une ville voisine, en rapatriant à Rajneeshpuram 3000 sans-abris, dans le but de multiplier le nombre de votants. Mais l’opération échoue.

Bhagwan s’isole. Sheela saisit sa chance. Elle prend une place encore plus importante au sein de la communauté. On l’appelle désormais « la Reine ». Elle ne manque aucune interview, s’exprime sans langue de bois, provoque et dévoile aux médias un caractère intraitable. Elle défend le maître. Elle devient son meilleur porte-parole et se dit prête à tout pour protéger sa communauté. 

Avec l’arrivée des sans-abris et les menaces perpétrées par les habitants des villes voisines, l’ambiance n’est plus la même à Rajneeshpuram. 

Sheela prend les devants et décide de sévir en exigeant des règles plus strictes, voire « militaires ». 

La délation est encouragée. Des listes de gens dits « négatifs » sont affichées. Plusieurs centaines de gardes sont entraînés et suréquipés. Le camp de méditation devient peu à peu un camp où règne la peur. Seule la liberté́ sexuelle subsiste. La violence et les actes de folie se multiplient. Les abus sexuels se multiplient, en particulier sur les enfants, trop livrés à eux-mêmes. 

Bhagwan commence à perdre la tête. Il annonce une Apocalypse avant 1989 ce qui intensifie la paranoïa au sein de la communauté. 

Heureusement, Sheela garde le contrôle sur les affaires. Elle supervise les 600 centres de méditation dispersés dans 32 pays. Elle en ferme certains, notamment ceux qui s’éloignent trop de ses idées, ou qui ne rapportent pas assez d’argent. En 1984, il n’en reste plus que 19, dont 7 en Allemagne.

La soif de pouvoir de Sheela est insatiable. La police découvre que la communauté serait à l’origine de l’intoxication alimentaire à la salmonelle de 751 citoyens de la ville The Dalles, au moment des élections municipales. Tout aurait été orchestré pour diminuer le nombre de votants et remporter les élections. Les autorités d’Oregon et le FBI réagissent. Une enquête s’ouvre et met Rajneeshpuram en péril.

Peu à peu, Bhagwan semble se détourner de Sheela. Leur relation se délite. Il la met à l’écart et s’entiche d’une nouvelle arrivante, productrice richissime de Los Angeles. Sheela se sent tour à tour trahie, puis menacée. Elle décide de quitter Rajneeshpuram, escortée par quelques fidèles disciples.

L’enquête du FBI se conclut par 35 chefs d’accusation contre Bhagwan, Sheela et 6 autres adeptes. 

Bhagwan décide de coopérer avec le FBI pensant que cela le disculpera. Il se sert du départ de Sheela pour lui faire endosser la faute. Elle ne conteste pas ses dires et plaide coupable. Elle est condamnée à 4 ans et demi de prison ferme, à la suite desquels elle est renvoyée en Allemagne par avion. 

De son côté, Bhagwan passe une semaine en prison où il geint et hurle comme un enfant. Il convient d’un arrangement avec la justice et règle une amende de 400 000 dollars. Accusé de fausse déclaration sur son visa d’entrée aux Etats-unis, il aurait aussi organisé plus de 400 mariages blancs. Il est relâché mais doit quitter le pays. 

La ville de Rajneeshpuram est démantelée en 1986, sur décision du juge de Portland. 

La collection des 90 Rolls Royce du maître est revendue à un représentant texan. 

Bhagwan quitte le ranch à bord de son jet privé. Il est successivement refoulé de Katmandou, de Crète, de Suisse, de Suède, de Hollande, d’Allemagne, d’Angleterre, d’Irlande, d’Italie, de Jamaïque, d’Uruguay et du Portugal. Il regagne finalement l’Inde et l’ashram de Poona dès 1987. La boucle est bouclée.

En 1989, Bhagwan devient Osho qui signifie « conscience élargie ». Sentant sa fin arriver, il se constitue un « cercle intérieur » de 21 Sannyasins pour perpétuer son œuvre

Pendant cette période, la drogue prend de plus en plus de place dans sa vie.

Osho devient paranoïaque. Ses propos, de plus en plus racistes et antisémites.

Le 19 janvier 1990, à 59 ans, il décède d’une insuffisance cardiaque. Certains parlent de sida. Sur sa tombe est inscrit : « Jamais né jamais mort, a simplement visité la planète terre entre le 11 décembre 1931 et le 19 janvier 1990. »

Aujourd’hui, presque 45 ans plus tard, la philosophie Osho continue d’exister à travers des livres vendus dans le monde entier, des sites internet en tous genres, des centres de méditation promettant une vie meilleure.

L’ashram de Poona existe toujours. Il est devenu « le plus grand centre de transformation de la conscience du monde ». Un lieu touristique avec hôtel de luxe, centre de bien-être, pratiques « psycho-spirituelles » et médecines alternatives.

Des centaines de groupes « Osho Friends » pratiquants des techniques Osho dans le monde continuent de fleurir sans aucune censure.

Osho aimait l’argent. Sa volonté d’exister dans les consciences n’était pas que spirituelle. 

C’était un véritable businessman assoiffé de pouvoir. Au moment de sa mort, sa fortune était déjà estimée à un milliard de dollars…

Texte & Voix : Delphine Benattar

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