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PRÉDATEURS – STORY D’UN SYSTÈME

PRÉDATEURS – STORY D’UN SYSTÈME

Octobre 2017. Une bombe médiatique s’apprête à exploser à Hollywood. Après des années de recherches et d’investigations, de refus et d’intimidation, Jodi Kantor et Megan Twohey sont enfin prêtes à livrer leur dernier article. 

Devant leur ordinateur, elles se remémorent les nombreuses recherches, les milliers d’appels, toutes ces femmes qui ne voulaient pas témoigner, l’omerta qu’elles ont dû détricoter jour après jour, les preuves qui s’accumulent au fur et à mesure, l’impression d’enfin tenir quelque chose et puis cette grande actrice qui accepte enfin de témoigner … 

Elles sont sur le point d’appuyer sur “publier”. 

Elles ne le savent pas encore, mais elles sont sur le point… de changer la face du monde.

Le 5 octobre 2017, Le New York Times et le New Yorker rapportent qu’une douzaine de femmes accusent Harvey Weinstein, l’un des plus gros producteurs d’Hollywood, de harcèlement sexuel, agression sexuelle ou viol. 

Les journalistes brossent le portrait d’un prédateur abusant de son pouvoir à Hollywood pour faire du chantage sexuel sur de nombreuses actrices. 

Elles racontent comment, pendant des années, le pouvoir et l’argent de cet homme lui permettaient d’acheter le silence de ses victimes.

Au fil des jours, ce sont plus de 90 femmes qui annoncent publiquement avoir subi les agressions de Weinstein. Les langues se délient enfin. L’omerta est partie en fumée.

Selon de nombreux témoignages, le producteur invitait les jeunes actrices dans une suite d’hôtel ou dans son bureau pour discuter de leur carrière et exigeait d’elles un massage ou un rapport sexuel. Il pouvait ensuite les aider dans leur carrière ou au contraire, si elle refusait, stopper ici toute ambition cinématographique. 

Mais le producteur n’agissait pas seul. Ces pratiques étaient rendues possibles par son entourage et les personnes associées qui organisaient ces rendez-vous, ainsi que par les avocats qui supprimaient les plaintes à l’aide de menaces et arrangements financiers. 

Malgré cela, les agissements de Weinstein étaient connus de tout Hollywood. De nombreuses blagues y font référence au fil des ans, comme Gwyneth Paltrow en 98 qui explique dans un Late Show que Weinstein « peut vous obliger à faire un truc ou deux ».

Mais à l’époque on plaisantait à propos d’une “promotion canapé”, on ne parlait pas de viol. La nuance est pourtant grande et laisse entendre que les femmes acceptaient d’avoir des rapports sexuels pour faire avancer leur carrière : qu’elles étaient consentantes. Ce qui était souvent loin d’être le cas.

Ces articles vont avoir un retentissement mondial sur la parole de la femme. Enfin, les yeux et les oreilles vont s’ouvrir pour voir et entendre ce que les femmes vivent au quotidien, au travail, dans les transports en commun, dans la rue … Sur Twitter, va exploser le hashtag “metoo” puis en France celui de “Balance ton porc”. 

Kevin Spacey, Bill Cosby, … de nombreux hommes sont ainsi accusés d’agression sexuelles, voire de viols, des décennies après avoir commis les faits.

En France, des têtes tombent dans chaque corps de métier. Politique, Médical, Sportif, Audiovisuel, Littéraire, le consentement est enfin au cœur des débats. L’affaire Gabriel Matzneff en 2020 nous ouvre les yeux sur ce qui a pu être accepté, voire encouragé, dans les années 70/80, mais qui ne l’est plus aujourd’hui. 

En Février 2021, c’est le scandale : Patrick Poivre d’Arvor est, à son tour, accusé d’agression sexuelle et de viols par plus d’une vingtaine de femmes. 

Pour les Français, le choc est énorme : celui qui a fait partie de la famille pendant 21 ans, le journaliste le plus connu, le plus aimé, celui qui était le gendre idéal, celui qui brillait par son charisme, sa plume, son intelligence serait en fait un dangereux prédateur sexuel. 

Dans les premiers temps il s’agit d’une seule accusation, celle de Florence Porcel. 

Dans son roman, l’autrice de 37 ans met en scène une narratrice qui lui ressemble beaucoup et invente le personnage d’un acteur célèbre, Jean-Yves Pandorini. 

Sur son Instagram, on peut lire, à la publication de son livre, que ce récit : c’est son histoire, qu’elle l’a transformé en fiction parce qu’elle ne peut pas donner le nom de cette personne, pour des raisons évidentes. 

Finalement, 1 mois après la publication de son livre, Florence Porcel porte plainte contre l’ancien présentateur du 20 Heures de TF1.

C’est le journal Le Parisien qui relate le contenu de la plainte. 

Les faits remonteraient à 2004 et 2009. Alors étudiante, la jeune femme est encore vierge quand l’ancien présentateur du 20 Heures de TF1 l’invite dans son bureau et l’agresse sexuellement. Après l’avoir pénétré violemment, il lui aurait dit « Est-ce que vous réalisez que vous êtes devenue une femme ? »

PPDA tente de se défendre en répondant aux questions de Yann Barthès dans Quotidien à une heure de grande écoute. Il explique qu’il n’a jamais eu de rapport non consenti de toute sa vie, qu’il n’aurait même pas eu de rapport sexuel avec Florence Porcel. 

Selon lui, ses accusations sont une quête de notoriété de la part de l’auteure. Enfin il annonce porter plainte pour dénonciation calomnieuse.

Ce qui apparaît comme une ligne de défense va mettre le feu aux poudres. 22 autres femmes décident de témoigner auprès de la justice puis publiquement dans le Monde et enfin dans une émission de Mediapart. 

La méthode du prédateur apparaît très clairement. Selon les victimes, le journaliste profite de sa notoriété pour rencontrer des jeunes femmes. Très rapidement, il leur pose des questions intrusives sur leur vie privée, et ensuite, sans aucune tentative de séduction et de façon brutale et rapide a lieu ce que l’on nomme juridiquement « un viol par surprise ». La surprise, dans ce cas, manifeste le défaut de consentement de la victime. Le « viol par surprise » peut être puni de 15 ans de prison.

Souvent la star de TF1 invite les jeunes femmes à assister à la grand-messe du journal de 20h. Une assistante l’installe dans l’ombre du studio, sur une chaise, seule. Royalement ignorée par son hôte, la jeune fille ne peut que regarder, observer, admirer le présentateur. 

A la fin du JT, elle sera emmenée dans son bureau pour, la plupart du temps, avoir un rapport sexuel … consenti ou non. 

Et comme Weinstein quelques années plus tôt, on découvre que ses actes ont duré des décennies et que tout le monde savait. 

Charmeur, dragueur, peut-être un peu lourd, toujours à l’affût, les qualificatifs ne manquent pas à la rédaction de TF1 pour décrire les penchants sexuels de PPDA … mais ils sont rares à assumer les termes de prédateur, d’agresseur.

Pourtant, de nombreuses jeunes filles avaient été mises en garde : “ne reste pas seule avec lui” “ne monte pas dans l’ascenseur s’il y est” “évite les décolletés, vient plutôt en jogging” … De quoi laisser penser à une totale impunité pour la grande vedette de TF1. 

D’ailleurs, 2 femmes racontent avoir alerté Patrick Le Lay et Robert Namias, les dirigeants de TF1 à l’époque. Elles expliquent que les 2 hommes n’avaient pas l’air étonné et pourtant n’ont rien entrepris pour mettre fin aux agissements de leur star du 20H. 

Catherine Lambret, ancienne Directrice d’une grande école de journalisme rapporte de son côté, que pendant 10 ans, elle n’a jamais envoyé d’élèves filles dans un médias ou une manifestation où se trouvait PPDA.

On l’avait prévenu qu’il ne fallait pas rester en fin de journée ou encore être la dernière à partir parce qu’il risquait de se jeter sur vous.

A la fin de l’année 2021, un nouveau scandale explose, avec en tête de proue une autre star de TF1 : Nicolas Hulot. 

Dans une enquête d’Envoyé Spécial, six femmes accusent le militant écologiste d’agressions sexuelles et de viol entre 1989 et 2008. Une des femmes était mineure au moment des faits.

En marge du reportage, l’animatrice Maureen Dor affirme elle aussi avoir été sexuellement agressée par Nicolas Hulot alors qu’elle n’avait que dix-huit ans.

A la veille de la diffusion, Nicolas Hulot nie les accusations et déclare quitter « définitivement la vie publique » pour protéger ses proches.

Cette enquête éclairent certains faits qui mettent encore une fois en lumière l’impunité des stars de TF1 : 

D’abord, certains faits dateraient de 1997 avec une plainte pour viol déposée en 2008 par la petite fille de François Mitterand. 

Bien plus tard, après médiatisation de l’affaire en 2021, Ninon Guinel raconte la réputation de Nicolas Hulot, alors qu’elle était toute jeune collaboratrice parlementaire : « Il se disait dans les couloirs du Sénat : ne te retrouve pas seule dans l’ascenseur avec lui’. C’était connu, mais personne ne faisait rien ».

Selon elle, il est peu probable qu’Emmanuel Macron n’ait pas eu conscience des faits au moment de l’engager en tant que ministre de l’Écologie. 

De la même manière, elle raconte qu’en 2011 une jeune militante écologiste a été écartée de la campagne du candidat des verts pour la raison “qu’elle l’excitait trop”.

Weinstein, PPDA, Hulot…Les 3 scandales se ressemblent tristement …  3 hommes qui profitent de leur pouvoir pour agresser sexuellement des jeunes femmes. Des hommes qui déterminent la carrière des femmes qu’ils croisent, qui brisent des ambitions quand on leur refuse des faveurs sexuelles et surtout, que la société protège pendant des années. 

Il a suffi d’un article pour que l’iceberg apparaisse enfin au monde … mais ce que l’on connaît aujourd’hui ne serait-il que sa face émergée ? Combien de prédateurs sont aujourd’hui encore protégés par leur entreprise au détriment de leur collaboratrice ? Et pour combien de temps encore ?

Texte & Voix : Cindy Féroc

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