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COUPES DU MONDE ET POLÉMIQUES – Une vieille histoire d’amour

COUPES DU MONDE ET POLÉMIQUES – Une vieille histoire d’amour

Quand on a entendu : « Et l’organisation de la coupe du monde 2022 est attribuée…au Qatar ».

D’abord, on a vécu le déni… « Non, ce n’est pas possible, ils se sont trompés. »

Ensuite, la colère : « Mais ils sont cinglés, corrompus, c’est une honte.»

Puis, la dépression : « On vit dans un monde pourri…tout est dégueulasse. »

Et enfin, le dernière phase du deuil…l’acceptation ! « Bon, ben c’est pas tout ça, mais pousse toi, j’vois pas le match…»

La coupe du monde de football 2022, au Qatar, se trouve au cœur de polémiques politiques, sociales, environnementales…le combo…

On débat, on s’indigne, on s’énerve…on s’étonne aussi. Comment un truc pareil peut-il arriver ?

On l’oublie mais…c’est déjà arrivé…au moins 4 fois !

4 coupes du monde disons…discutables !

1934.

Un frisson traverse le continent européen. L’Italie. L’Italie fasciste de Mussolini…organise la coupe du monde…

Bénito Mussolini est au pouvoir en Italie depuis 1924.

Il a instauré un régime fasciste qui glorifie un état puissant, conquérant, et un homme neuf, patriote, un homme pur !

Depuis 10 ans, Bénito Mussolini a créé son personnage, le Duce ! 

Le fascisme italien repose sur son culte.

Le Duce a une posture sévère, autoritaire, martiale, …Il porte des tenues militaires. Il est charismatique, bon orateur et…sportif.

Le sport est un des ingrédients du fascisme.

On y arrive.

Le nouvel homme créé par le fascisme italien est sain, viril, musclé. Il aime son corps qu’il considère comme son pays. Sa chair est italienne.

Pratiquer du sport devient un acte idéologique.

Mussolini se met en scène, comme Poutine récemment. Benito fait du ski, Benito à cheval, Benito pratique l’escrime…il excelle en tout…

Avec lui, les dictateurs découvrent le sport qui est bien pratique pour deux raisons : Un, il galvanise les foules autour d’un sentiment patriotique et deux, il offre une belle image du fascisme qui produit des êtres sains et beau !D’ailleurs, Mussolini le dit clairement, je le cite : « Un sportif est un soldat qui défend l’honneur et le prestige de son pays sur la scène diplomatique internationale ».

La première coupe du monde s’est déroulée en 1930, en Uruguay.

Mussolini va tout faire pour organiser la suivante, prévue en 1934.

Il veut clairement profiter de l’événement pour unifier son peuple tout en brandissant l’étendard fasciste sur la planète.

La FIFA se laisse convaincre.

Pourquoi ?

Mussolini débloque beaucoup d’argent et promet des stades innovants, des moyens de communication modernes, des transports publics, une sécurité absolue…

Côté FIFA, on a pour ambition de faire de la coupe du monde un événement mondial aussi important que les jeux olympiques.

Grâce à Mussolini, les retombées seront importantes.

Certes on fait la promotion du fascisme, mais on fait aussi celle du football…alors allons-y…la coupe du monde est attribuée à l’Italie.

C’est un succès.

250 journalistes affluent du monde entier pour couvrir l’événement.

13 des 16 nations sélectionnées retransmettent les matchs en direct à la radio.

Du 27 mai au 10 juin 1934, l’Italie est le centre de l’univers. La coupe du monde est une scène formidable où s’épanouit le fascisme italien.

Le président de la fédération italienne l’a clairement déclaré :

« Le but ultime de la manifestation sera de montrer à l’univers ce qu’est l’idéal fasciste du sport dont l’unique inspirateur est le Duce. »

Fin de citation. Au moins les choses sont dites…

Mais ce n’est pas tout, il faut aussi gagner !

L’Italie doit être victorieuse, là encore pour prouver la supériorité de ses hommes et donc de l’idéologie qui les anime.

Et l’Italie gagne la coupe du monde.

Avec un petit coup de pouce…disons-le clairement, Mussolini a payé pour gagner…

C’est Mussolini lui-même qui décide de tout durant cette coupe du monde. Il a pris les rênes. 

C’est lui notamment qui désigne les arbitres.

Et par deux fois, dont la finale, il choisira le suédois Ivan Eklind pour arbitrer des matchs avec l’Italie.

Il l’a rencontré en tête à tête, il a même diné avec lui.

Aujourd’hui, on en est certain, Eklind était corrompu. Mussolini l’a manipulé et payé. 

Le 10 juin 1934, devant le stade de Rome rempli de 50 000 spectateurs en délire, Mussolini jubile…pari réussi.

1966.

La FIFA organise les coupes du monde à venir.

70 ce sera le Mexique.

74, l’Allemagne et

78, l’Argentine.

L’agenda est rempli.

Tout va bien.

Mais…le monde change…et en 76, un coup d’État secoue l’Argentine.

La présidente Isabel Peron, est destituée par une junte militaire dirigée par le général Vidéla, soutenu par les États-Unis.

Pourquoi les États Unis ? Et bien nous sommes en pleine guerre froide entre les États Unis et l’Union soviétique. Capitalisme d’un côté, communisme de l’autre. Cette guerre est une guerre d’influence, chacun tente d’attirer le plus de pays possibles dans son camp.

Or, le gouvernement d’Isabel Peron penche dangereusement à gauche. Dangereusement pour les États Unis qui ont déjà le régime communiste de Castro, à Cuba, juste à leur porte. Pas question de voir l’Amérique du Sud tomber dans l’escarcelle de Moscou. Donc, on vire Peron et on installe un dictateur aux ordres, le général Vidéla.

Rapidement, Vidéla met le pays au pas.

Il instaure une dictature militaire.

Il lance la chasse aux opposants, journalistes, universitaires, syndicalistes, prêtres, simples opposants…ils sont emprisonnés, torturés, assassinés…aujourd’hui, on estime que 30 000 personnes ont été tuées…un massacre.

La coupe du monde est donc prévue dans une Argentine transformée en dictature sanglante…

En Europe, les appels au boycott se multiplient.

Surtout en France où la gauche se lève comme un seul homme.

Une pétition réunit 150 000 personnes. Elle demande que l’équipe de France ne se rende pas en Argentine.

De nombreuses manifestations sont organisées.

C’est aussi l’occasion de dénoncer l’impérialisme américain qui soutient des régimes militaires.

Amnistie internationale lance une campagne d’affichage. On y voit un ballon entre des rangs de barbelés. Les slogans ?

« Pas de football entre les camps de concentration ».

Ou encore :

« Quand vous applaudirez l’équipe de France, vos acclamations couvrirons les cris des torturés. »

Mais rien n’y fait.

La FIFA, malgré les pressions, décide de maintenir la coupe du monde en Argentine.

Il faut dire que les enjeux financiers sont énormes, et la FIFA n’est pas connue pour son éthique…

Et surtout, personne ne recule. Pas même les sponsors.

Cette année-là, Coca Cola fait un chèque de 8 millions de dollars à la FIFA pour être le premier sponsor officiel de la compétition.

Tout se passe donc très bien à Buenos Aires.

Le général Vidéla peut présenter au monde une Argentine en fête, un peuple heureux et dynamique, redorer le blason de son régime aux yeux du monde.

Et en plus…l’Argentine gagne.

Comment ? Corruption et promesse d’assassinat.

Pour accéder à la Finale, l’Argentine doit battre le Pérou. Et pour rattraper son retard de points, elle doit gagner avec au moins 4 buts d’écart !

Les Argentins remportent le match…6/0…

Comment ?

Et bien…corruption.

Le Pérou de l’époque est aussi une dictature. Et entre dictateurs, on peut s’arranger.

Le Pérou envoie 13 opposants en Argentine charge aux Argentins de les faire disparaître…en échange, les joueurs péruviens perdront.

Les 13 opposants sont effectivement enfermés en Argentine, mais l’affaire s’ébruite, et la France intervient. Elle fait sortir les 13 hommes et les sauve…

On parle aussi de corruption simple, des joueurs péruviens auraient touché 50 000 dollars…

L’Argentine gagne donc sa coupe.

Elle est sacrée championne du monde devant les 70 000 supporteurs en liesse du stade Monumental de Buenos Aires…situé à peine à un kilomètre du bâtiment où l’on torture les opposants au régime…

Et effectivement, comme le prédisait Amnistie Internationale, les applaudissements de la foule ont couverts les cris des Argentins torturés.

L’organisation de la coupe du monde 2014 est attribuée…au Brésil !

Le pays du football…30 millions de licenciés, 5 coupes du monde remportées, des légendes du foot comme Pelé, Neymar, ou Ronaldo…au Brésil, le football est plus qu’un jeu, c’est une identité…alors cette fois, la compétition sera forcément une fête !

Et bien non.

C’est la catastrophe…les Brésiliens manifestent contre cette coupe du monde…

Pourquoi ?

En 2014, le Brésil traverse une des crises les plus graves de son histoire. L’inflation, le chômage, les salaires qui stagnent, le système de santé en déroute, la fonction publique ruinée, l’insécurité, la corruption…

Le pays est au bord de l’insurrection.

Si les dirigeants brésiliens pensent étouffer la contestation avec une grande fête du football…il mettent à côté.

Au contraire.

Elle est vue comme une provocation.

Selon les sondages, entre 50 et 70% des Brésiliens se disent choqués.

Le peuple ne suit pas. Des milliards de dollars vont être investis dans cette coupe du monde. On parle de 11 milliards !

11 milliards dépensés dans les stades, les routes qui y mènent, les hôtels…et rien pour les enseignants, les étudiants, les travailleurs, les hôpitaux, les pauvres…rien…

On parle d’une coupe du monde sans le peuple…voir carrément, d’une coupe du monde sur le dos du peuple !

Une loi cristallise les mécontentements.

Elle se nomme « la loi de la coupe ».

Il s’agit d’une série de mesures imposées par la FIFA qui instaure notamment ce que l’on nomme « des zones d’exclusion commerciale », autrement dit, les abords des stades sont réservés aux partenaires de la FIFA. Interdiction aux petits commerces brésiliens de gagner de l’argent grâce à l‘événement ! 300 000 d’entre eux doivent fermer boutique !

Autre aberration qui rend les Brésiliens fous de colère, les partenaires de la FIFA sont exonérés de taxes ! La bière Budweiser, marque américaine, par exemple, peut donc vendre ses canettes aux abords des stades sans concurrence, mais en plus ne paiera pas de taxes ! Et ce alors que les caisses de l’Etat sont vides !

Et la cerise sur le gâteau, attention tenez-vous bien, porter atteinte à l’image de la FIFA ou de ses partenaires, devient un crime fédéral ! Vous serez puni d’une amende, voire de prison, si vous critiquez la FIFA !

Et la FIFA a même un droit de regard sur les autorisations données aux événements organisés pendant la coupe du monde ! Elle peut interdire une manifestation qui lui déplait…

Et ce n’est pas encore fini…

Il y a aussi les expulsions…des dizaines de milliers d’habitants des favelas sont expulsés sans ménagement. On rase les habitations pour construire des équipements sportifs et des routes.

150 000 expulsions selon des ONG.

Des gens qui se retrouvent relogés 50 voire 70 kilomètres plus loin…

On chasse les pauvres pour cause de football…

Enfin, la corruption…

Si les budgets de construction ou rénovation de stades explosent, c’est à cause d’une corruption massive.

Les grandes entreprises de BTP du pays surfacturent les coûts de construction des stades, ils multiplient par exemple le prix du ciment par trois. Et pour faire passer la pilule, ils arrosent largement des maires et des sénateurs. In fine, on apprendra que 8 ministres, 24 sénateurs, 37 députés, les présidents du Sénat et de la chambre des députés et les dirigeants des principaux partis, sont impliqués dans des affaires de corruption…

S’en est trop…le Brésil est dans la rue.

Des manifestations monstres se déroulent dans toutes les villes brésiliennes dans les mois qui précèdent l’événement.

Les ouvriers, les fonctionnaires, les enseignants, le personnel des hôpitaux, les chauffeurs de taxis, les camionneurs…même les policiers ! Toute la société brésilienne bat le trottoir.

On verra ce slogan : « Un enseignant vaut plus que Neymar ».

Finalement, la compétition se déroule…

Les Brésiliens parviennent en finale mais perdent 1 à 0 face à l’Allemagne.

Les commentateurs sportifs racontent une édition exceptionnelle avec un record de buts, des coups d’éclats, des matchs magnifiques, …

En revanche, la coupe du monde 2014 consacre l’emprise des lobbies de l’industrie du football, bien plus puissants que les États eux-mêmes.

28 Octobre 2014.

Conférence de presse mondiale à Moscou au Théâtre Bolchoï.

C’est en effet la Russie qui organisera la prochaine coupe du monde, en 2018.

Ce jour-là donc, les organisateurs présentent le futur logo.

Pendant la conférence de presse, on projette une carte de la Russie. Et cette carte englobe la Crimée.

28 Octobre 2014.

Conférence de presse mondiale à Moscou au Théâtre Bolchoï.

C’est en effet la Russie qui organisera la prochaine coupe du monde, en 2018.

Ce jour-là donc, les organisateurs présentent le futur logo.

Pendant la conférence de presse, on projette une carte de la Russie. Et cette carte englobe la Crimée.

Scandale international.

Scandale, car quelques mois auparavant, en février 2014, Vladimir Poutine avait annexé la Crimée.

Envahit la Crimée. Coloniser la Crimée disent les opposants…

La communauté internationale ne reconnaît pas l’annexion.

On vote des sanctions contre Poutine.

Le monde vit une crise diplomatique et économique. Les bourses sont à la baisse, les céréales, le blé et le gaz augmentent…

Et dans ce contexte, Moscou s’offre une provocation. Sur sa carte officielle, elle intègre la Crimée…

Et ce n’est pas tout !

On reproche aussi à Poutine de soutenir la Syrie et de lui fournir en armes alors que sur le terrain, l’armée syrienne massacre des civils.

Et puis, la question des droits de l’homme en Russie est posée.

La liberté d’expression restreinte, des journalistes sous les verrous, la censure d’Internet.

Les homosexuels harcelés.

Il y a aussi le non-respect de la législation du travail. Sur les chantiers des stades, les ouvriers travaillent dans des conditions épouvantables et on compte une vingtaine de morts.

Les salaires sont versés en retard voir pas versés du tout…

Ça fait quand même beaucoup…

En Europe et aux Etats Unis, le débat sur le boycott est lancé.

On parle de Boycott diplomatique, autrement dit, ni les chefs d’États ni leurs représentants ne seront présents.

Les débats s’enflamment dans les médias et finalement…la coupe du monde se déroule sans heurts et sans boycott.

Seuls les gouvernement anglais et les Islandais n’enverront pas de représentants.

Et pour mémoire, c’est la France qui gagne !

On se souvient de la photo d’Emmanuel Macron, exultant dans les gradins lors de la finale…

Petit retour en arrière pour conclure ces histoires sans fin de dictateurs et de football…

Nous sommes en 2014.

Les débats font rage autour de la compétition qui se déroule au Brésil.

Le secrétaire général de la FIFA est alors Jérôme Valcke.

Lors d’une conférence de presse au siège de la FIFA à Zurich, il déclare, aux journalistes, je le cite :

« Je vais dire quelque chose de fou, mais un moindre niveau de démocratie est préférable pour organiser une Coupe du monde.

Quand on a un homme fort à la tête d’un État, c’est plus facile pour nous les organisateurs qu’avec un pays où il faut négocier à plusieurs niveaux. »

Texte & Voix : Eric Lange

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