MAISON CLOSE, UNE TRÈS VIEILLE HISTOIRE.
Faut-il les rouvrir ou les garder fermées ? Pour comprendre, écoutez l’histoire des bordels !
Voici l’incroyable histoire d’un véritable génie de la fausse monnaie, qui fut peut-être le plus grand faux-monnayeur du XXème siècle !
Venu de Pologne où il avait fait de brillantes études, il était arrivé en France pendant la dernière guerre. Membre d’un réseau de résistance contre les Allemands. Il s’était découvert un véritable talent de faussaire… en faux papiers !
Ce monsieur discret, dont rien ne pouvait laisser supposer les coupables activités, a fabriqué par la suite 300 millions d’anciens francs, dans la cave de son pavillon de Montgeron en Seine et Oise.
Une fortune de près de 45 millions d’euros !
Dans le milieu des numismates et des collectionneurs on dit aujourd’hui encore, « un Bojarski » comme on dirait dans le monde de la peinture un « Cézanne » ! Voici son histoire.
A la fin du mois de janvier 1964, les policiers de l’office de répression contre le faux monnayage encerclent un banal pavillon de la petite ville de Montgeron. L’enquête avait commencé 13 ans plus tôt, en 1951, à la suite d’une alerte de la Banque de France qui signalait avoir reçu, cette année-là, un nombre important de fausses coupures de 1.000 francs, des billets bleus en circulation depuis 1945.
Ces billets provenaient de presque toutes les régions de France, y compris de la région parisienne. Ils étaient remarquablement imités et seuls les spécialistes de la banque de France avaient été capables de les identifier…
Quelques années plus tard, en 1958, apparaît une nouvelle contrefaçon de la même qualité. Cette fois, ce sont des billets de 5.000 francs, de la série que les experts appellent « Terre et mer ». Les policiers font le rapprochement avec la vague de 1951. Ils sont persuadés qu’il s’agit du même faussaire.
Mais, là encore, impossible d’en trouver l’origine, car les billets proviennent à nouveau de toutes les régions de France.
Peu à peu la source des faux billets semble se tarir, lorsqu’en 1963 apparaît une nouvelle épidémie de faux, qui concerne cette fois des billets de « 100 Nouveaux Francs », à l’effigie de Bonaparte. Même qualité de papier et de dessin, même difficulté pour les non-spécialistes de les repérer. Le faussaire est un artiste !
Pendant plusieurs mois, ces faux Bonaparte arrivent toujours à la Banque de France, isolés au sein d’une liasse de « bons » billets. Mais, un jour, les experts de la banque nationale appellent la police, pour dire qu’on vient d’en recevoir une liasse complète, ce qui ne s’était jamais produit jusqu’alors !
Cette liasse avait été remise à l’administration des PTT. La somme avait servi à l’achat de bons du Trésor. Et l’enveloppe de remise portait le cachet d’un bureau de poste de la rue Turgot, à Paris, où s’était présenté un homme d’une trentaine d’année, 1m75, cheveux clairs …
Les enquêteurs, qui attendaient cette erreur depuis de longues années, planquent immédiatement sur les lieux, attendant une éventuelle nouvelle visite du faussaire. Les employés des PTT du 17ème, du 16ème et du 9ème arrondissement, ainsi que ceux de quelques bureaux de banlieue, sont également mobilisés et briefés par la police sur la conduite à tenir au cas où quelqu’un se présenterait pour acheter des bons du Trésors avec de faux « Bonaparte ».
Le 10 décembre 1963, un homme correspondant au signalement diffusé dans tous les bureaux de poste, se présente à nouveau à un guichet de l’agence du 17ème. A sa sortie, les policiers le voient monter dans une « Floride » Renault, coupé-cabriolet très à la mode à l’époque, dont ils notent soigneusement le numéro d’immatriculation…
Le service des cartes grises révèle que la voiture appartient à un nommé Alexis Chouvaloff, d’origine russe, domicilié à Clichy. Au fil de l’enquête, il s’avère que Chouvaloff fréquente assidûment son beau-frère, Antoine Dowgrierd, d’origine polonaise.
Les deux hommes sont interpellés le 17 janvier 1964. La perquisition de leurs domiciles permet aux policiers de retrouver de nombreux autres billets de 100 NF. Certains numéros correspondent d’ailleurs à la série des fausses coupures utilisées pour acheter les bons du Trésor également saisis sur place. Interrogés, les deux hommes passent rapidement aux aveux, et ils dénoncent un certain Ceslaw Bojarski comme étant le cerveau de l’opération, le faussaire, qui a vendu les billets à 40% de leur valeur à son vieil ami et compatriote Dowgrierd.
Quelques jours plus tard, les policiers se rendent donc au domicile du faussaire, 33, avenue de Sénart à Montgeron. Ils attendent que Bojarski sorte de chez lui pour le ceinturer à la grande surprise de ses voisins et aussi de sa femme et de ses deux enfants qui, diront-ils, ne se doutaient de rien !
Personne ne semble comprendre ce que la police peut bien vouloir à cet homme, aussi tranquille que respectable, officiellement voyageur de commerce. Perquisition. Et ouverture d’un coffre-fort qui contient 72 millions de l’époque en « vrais » bons du Trésors, dont certains ont bien été achetés avec de fausses coupures. Mais aucun faux Bonaparte ne s’y trouve.
Les enquêteurs passent alors la maison au peigne fin sans oublier les combles, la cave, ni le garage…
8 heures plus tard, ils n’ont toujours rien trouvé lorsque, comme dans les meilleurs romans policiers, le hasard leur permet enfin de découvrir l’atelier secret du faussaire !
Un inspecteur maladroit renverse sur le linoléum de la cuisine, la tasse de café que l’épouse du suspect vient de lui offrir. A sa grande stupéfaction, le liquide disparaît par une fente du revêtement. On arrache aussitôt le lino et on découvre une trappe, ainsi qu’un bouton secret qui déclenche son ouverture. Les inspecteurs découvrent un escalier de bois qui les amène à l’atelier de fabrication où ils trouvent des centaines de billets inachevés, tout le matériel nécessaire à les fabriquer, ainsi que deux petites caisses en carton, contenant 30 millions de coupures toutes neuves et pas encore vieillies.
Les hommes de l’Office central pour la répression du faux monnayage (OCRFM), pensaient être confrontés depuis plus d’une dizaine d’années, à un important réseau de faux-monnayeurs disposant d’une logistique sophistiquée. Ils découvrent que l’auteur des faux billets exceptionnels qui les avait mis en échec, était en réalité un homme seul et insoupçonnable !
Bojarski était un bricoleur de génie qui avait fabriqué lui-même tout le matériel nécessaire à son entreprise. Il obtenait le faux papier-monnaie grâce à un mixeur où il mélangeait des feuilles de papier à cigarettes OCB et du papier calque. Il vieillissait ensuite les coupures en les mettant dans une machine à tambour, puis en y insufflant du noir de fumée et de la terre de Sienne.
Pendant 12 ans, il avait sillonné la France en train, sans jamais prendre de chambre d’hôtel. Il faisait, selon la saison, le tour des marchands de muguet pour leur acheter un brin avec un gros billet, ou il achetait, à Paris, à Marseille, à Lille, à Nantes ou à Strasbourg, des stylos, des briquets, des cigarettes, des journaux…
La mise en circulation homéopathique des faux billets n’avait jamais permis pendant 12 ans de le faire repérer. Mais alors, pourquoi, les bons du Trésors, pourquoi le vieil ami polonais et le beau-frère ? Pourquoi la faute fatale qui avait menée à son arrestation ? Tout simplement parce que, l’âge étant venu, lassé de ses voyages incessants, il avait décidé pour la première fois de sa vie de faire confiance à ses deux proches, à qui il avait vendu directement les faux billets à 40% de leur valeur.
Il les avait pourtant mis en garde : « Ne changez jamais deux fausses coupures chez le même commerçant ! » Et il leur avait donné cet ultime conseil : « Si vous achetez des bons du Trésor au porteur, faîtes-le toujours avec de vrais billets. » Il savait, lui, que les sommes versées à la Poste par les épargnants allaient directement ensuite à la Banque de France, et que les billets étaient régulièrement scrutés par des experts, pour, justement, détecter d’éventuels faux billets !
Ceslaw Bojarski a été condamné à vingt ans de prison. Il en a purgé treize, avant de retrouver la liberté pour « bonne conduite ». Ses deux complices, Chouvaloff et Dowgrierd avaient été pour leur part, exempté de peine, parce qu’ils l’avaient dénoncé !
Mais l’histoire ne s’arrête pas là ! En 1978, pendant que Bojarski et son épouse sont en vacances dans le Massif-Central, une fuite d’eau se produit dans le studio qu’ils occupent à Évry depuis sa remise en liberté. Les pompiers interviennent à la demande des voisins. En déplaçant la cuisinière, ils découvrent 10 lingots d’or et 797 Louis d’or ! Le nouveau procès de Bojarski aboutit à la confiscation de ses biens….
Le Cézanne de la fausse monnaie est décédé le 2 mai 2003, dans sa quatre-vingt-onzième année. Il est enterré en Isère. Depuis lors, les collectionneurs de billets de banque et les numismates, s’arrachent les faux « authentiques » de Bojarski dans les ventes aux enchères !
En mai 2015, l’un des rares « 100 Nouveaux Francs Bonaparte – 1961 » de Bojarski, s’est vendu 7.173 euros, au cours d’une vente à Paris !
La cote du même billet « Banque de France » de la même date, n’était que de 250 euros… à condition qu’il soit dans un état de qualité maximale !
Texte & Voix : Jacques Pradel
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