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BEE GEES & DISCO – PUTAIN, COMME C’ÉTAIT BIEN !

BEE GEES & DISCO – PUTAIN, COMME C’ÉTAIT BIEN !

Le 16 décembre 1977, John s’en souvient comme si c’était hier. 

Pour épater Kate (qui deviendra d’ailleurs sa femme) il l’avait invitée à la première du film « SATURDAY NIGHT FEVER » à New York. LE film qui a consacré la musique disco.

Rien que d’y penser, il pousserait bien les meubles pour transformer son salon en dance floor. 

Il fallait qu’il tombe aujourd’hui sur le vinyle de la bande originale ! 

Des années qu’il n’avait pas mis la main dessus. 

Ah les Bee Gees ! Les 3 frères (Gibb), quel phénomène ! 

Avant la sortie du film, tout le monde connaissait déjà leurs singles par cœur. 

Alors quand sur l’écran, Travolta a commencé à danser sur « You should be dancing », quelle folie ! 

Et sur « More than a woman », ah là là dans son costume blanc, sous la boule à facettes, il montrait au monde entier que le disco, ce n’était pas que de la musique. C’était une attitude. Une façon de voir la vie. 

Quand Kate et lui sortaient en discothèque, dès qu’ils étaient sur la piste, ils mutaient littéralement tous les deux. Ils n’avaient plus de limite.  

Dance sexe and fun. 

C’était ça les années disco. 

Début des années 70.  

Après le premier choc pétrolier, les Etats-Unis sont touchés par la crise économique. La guerre du Vietnam n’est toujours pas terminée.

La nouvelle génération est en quête de sens, de tolérance et de légèreté. L’effervescence de Woodstock est encore dans les esprits. Un vent de libération sexuelle (et de libération tout court) souffle sur une Amérique écrasée par les discriminations. 

A New York, par exemple, la police vous arrête si vous dansez avec quelqu’un du même sexe, dans un lieu qui sert de l’alcool ! Une loi va bientôt y mettre fin, mais c’est dans cet état d’esprit que vit la jeunesse. 

Pourtant, c’est grâce à la musique et la danse que les mœurs et la société vont évoluer.

Le mouvement part des communautés afro américaines, latino-américaines et homosexuelles, qui ont tant de mal à trouver leur place dans cette société.

Sur une piste de danse, les inégalités ne sont plus un sujet. On peut s’oublier. On peut lâcher la bride sans craindre d’être jugé. 

Après « faites l’amour pas la guerre », avec le disco on va : « Danser d’abord et faire l’amour après ».

Les influences musicales de ces minorités ont tout pour créer un rythme contagieux et plus efficace que jamais.  Et quelles influences !

La musique latine, sa richesse rythmique bien sûr.

La musique soul, qui vient du gospel et du rhythm & blues. Celle de Détroit, du label Motown, mais aussi la soul plus rythmique de Philadelphie : Diana Ross, The Supremes, les Jackson 5…  Et puis, bien sûr, la musique funk, plus accélérée. La mélodie est moins essentielle, les instruments parlent plus au corps. Rappelez-vous James Brown et son « Sex Machine » ou encore Earth Wind and Fire .

Les DJ ont à portée-de-main toute la matière première d’un genre musical qui va bientôt bouleverser le monde. 

Leurs platines vont devenir des machines à danser, à s’évader. Ils comptent bien n’accorder aucune pause à celles et ceux qui entreront dans leur royaume : leur discothèque. 

Dans ces discothèques, place à une musique binaire, énergique, qui fait bouger les corps au rythme des temps et des contretemps.  

Place, surtout, à une musique qui ne tolère aucun silence. Pas question d’arrêter le son entre deux titres.  Ils doivent se fondre les uns dans les autres, pour que l’énergie jamais ne retombe. 

C’est la naissance du MIX qui à l’origine signifie « enchaîner sans pause des morceaux les uns après les autres ». Conséquence, dans les discothèques, on entend des sons qui ne passent pas en radio. Une première, déstabilisante pour les labels qui ne contrôlent plus tout ce qui se produit et qui plait.

Certains DJ, arrangeurs, futurs producteurs, deviendront des stars dans leur milieu, comme Tom Moulton. On lui doit d’ailleurs le premier mix disco commercialiser, l’invention du maxi 45 tours. Une étape majeure pour faire durer le plaisir. 

Inévitablement arrive le moment où les labels entrent dans la brèche. 

Le mouvement, venu des discothèques, s’appellera « DISCO ». 

Les albums produits sont pensés pour plaire aux DJ. La meilleure façon de s’assurer une grosse part du gâteau. C’est la période de « Rock your baby » de George McCrae, de « Voulez-vous coucher avec moi » des filles du groupe Labelle, de Barry White, sa voix sensuelle et ses arrangements de violon à l’unisson, typiques du disco, de l’album phare « Never Can say goodbye » de Gloria Gaynor !

A partir de 1975, le disco s’installe confortablement dans les classements radiophoniques. 

Pour replonger dans ce monde-là ou s’en faire une idée, écoutez, réécoutez Donna Summer et son jouissif “Love to love you baby”. 

Giorgio Moroder, son mentor, figure mythique, en sortira une version longue de 17 mn. 17 mn d’orgasme simulé par la chanteuse.

Ecoutez les Bee Gees et leur premier titre disco : « You should be dancing » (on y reviendra !) ! 

Boney M, avec « Daddy Cool » et « Raspoutine » ! 

Le groupe pop Abba qui vire disco avec « Dancing Queen » ou « Gimme Gimme Gimme »…« I feel love » de Donna Summer ! L’arrivée des synthétiseurs dans les grosses productions crée des sensations hypnotiques et fait monter la pression d’un cran sur les dance floor.

Les discothèques se multiplient, certaines ouvrent même le jour, d’autres s’improvisent dans des lieux improbables.

Début 1977, le club 54, un ancien théâtre, ouvre ses portes à New York, dans le quartier de Broadway. On en parlera comme de « La plus grande boîte de nuit de tous les temps ». Le royaume de la drogue, de l’alcool et du sexe aux balcons, pendant qu’on s’éclate en bas. 

Tout le milieu underground et VIP du moment s’y presse. Mais pour entrer, un dress-code est exigé. Il faut de la folie, de l’excentricité. Et le mot d’ordre vaut autant pour les célébrités que pour les anonymes. Andy Warhol dira « c’est une démocratie sur le dance floor, mais une dictature à la porte d’entrée ! ».  

Les systèmes de sono ont gagné en puissance, l’électronique ouvre un champ de possibles infinis pour les DJ. La culture club est née, et ce n’est que le début.

Il manque encore le détonateur pour que le disco entre de plein-pied dans la vie du grand public, pour qu’il séduise massivement le marché blanc et s’ouvre à l’international.Ce détonateur, c’est la sortie du film Saturday night fever, fin 1977.

Le film, réalisé par John Badham, est un immense succès. Mais ce qui va propulser le disco en tête des charts, dans le monde entier, ce sont les chansons des Bee Gees. « Staying alive”! “Night Fever”! “You should be dancing”! “More than a woman”! “How Deep is your love » ! 

Tous ces titres, qui ont fait la légende, viennent de Saturday Night Fever.

Le film, en deux mots, c’est l’histoire d’un new yorkais italo américain, dénigré par sa famille. Tous les samedis soirs, il change de peau et devient le roi du dance floor à Brooklyn. Son rêve ? Remporter le premier prix du concours de danse. Vous imaginez la suite. 

Qui mieux que John Travolta, jusqu’ici acteur de télé, chanteur et danseur, pour incarner Tony Manero au cinéma. C’ est LA révélation du film. Indissociable des titres des Bee Gees sur lesquels il danse comme un Dieu. 

La bande originale rapporte beaucoup plus que les recettes du film. L’album se vendra à plus de 40 millions d’exemplaires !

Saviez-vous qu’à l’origine, Barry Gibb, l’un des 3 frères Bee Gees, n’avait pas du tout cette voix aiguë qui le caractérise? Flash back sur l’histoire de ces 3 frères, Barry, Maurice et Robin Gibb, dont le destin a basculé avec le disco.

Les Bee Gees, c’est un groupe australien de pop. Après de jolis succès en Australie puis en Angleterre, ils font une rencontre, déterminante, avec le manager Robert Stigwood. 

Ils partent à NY pour ressentir les vibrations de la musique soul, affinent leur style et s’imposent dans les charts. 

C’est l’époque de « I started a Joke », de Massachusetts. On est encore loin des disco vibes mais leur talent de mélodiste n’est plus à prouver. 

Après une période de rupture, – rivalités fraternelles oblige-, le groupe remonte en selle. Succès, drogues et alcool, essoufflement… ils ne sont plus en phase avec le groove qui monte des clubs underground. Pour certains, ils seraient presque devenus « has been ». 

Et puis un jour, Eric Clapton, dont Robert Stigwood s’occupe aussi, les contacte de Miami où il enregistre un album. 

Il est convaincu que les Bee Gees ont une carte à jouer, il y a ici des bonnes vibrations, qui peuvent changer la donne.

Les 3 frères traversent à nouveau l’Atlantique. 

Cette fois, on leur assigne un producteur qui sait parfaitement de quoi parle son temps. Et ça donne le titre « Jive Talking ». 

Vient ensuite cette session incroyable qui va changer leur destin : pour un nouveau titre, il faudrait faire quelques essais pour les voix des chœurs, « Barry, est ce que tu peux te lâcher un peu dans les aigus, proposer quelque chose ? »  Barry Gibb sort un son improvisé, un « truc » complètement dingue. Lui-même ignorait être capable de sortir une voix aigüe pareille : Ce qu’on appelle le « falsetto ».  `

Le groupe s’accorde, il faut exploiter ce miracle : le Falsetto. Les Bee Gees ont trouvé leur nouvelle marque de fabrique.

Le disco est maintenant sur toutes les ondes. 

1976, leur nouveau producteur artistique, – Albhy Galuten, (un génie du son au look hippie) leur explique gentiment qu’un album, aujourd’hui, ça doit faire bouger ! Comme toujours, ils s’adaptent, sans renoncer pour autant à leur talent mélodique à 3 voix, qui fait aussi leur différence. 

Direction le château d’Hérouville en France, chaudement recommandé par Elton John. 

Alors qu’ils travaillent sans enthousiasme à leur nouveau projet, coup de fil de Robert Stigwood, leur manager. Il a lu un article du NY Magazine titré « les rites tribaux du nouveau samedi soir ».

« Il faut monter un film sur cet univers ! » 

Stigwood a besoin de quelques maquettes et pense déjà à Travolta pour le rôle principal. Le groupe suit son inspiration comme elle vient et compose sans même lire le scénario. Après tout, on ne leur demande que des chansons, ça n’ira pas bien loin.

Quelques semaines plus tard, sur une seule K7 audio, Stigwood découvre ébahi une succession de titres qui, tous, deviendront mythiques.  

Coup de génie commercial, il décide de sortir les singles avant la sortie du film, pour faire monter le public en pression. 

La suite, on la connait. La moitié du top 10 des ventes, ce sera les Bee Gees et tous les titres de Saturday Night Fever.

Leur musique crée le pont qu’il manquait entre le disco et le grand public, au sens le plus large du terme. Désormais, noirs, blancs, hétéros et homos s’éclatent en paix sur les tubes de Village People, de Boney M, Chic, Abba, Sister Sledge et son tube « We are family ! », Donna Summer et son « Hot Stuff », Gloria Gaynor et son cultissime « I will survive » !!!

Les radios pro rock ne résistent pas à l’assaut disco et somment leurs DJ de s’adapter.

La vague atteint même les stars de la pop et du rock, qui n’hésitent pas à faire un pas de côté pour sortir un titre spécial dance floor ! 

“Miss you” des Rolling Stones, 

“Call me” de Blondie, 

“Da Ya think I’m sexy” de Rod Stewart, “Another one bites the dust” de Queen.

Dans le monde entier, les labels demandent à leurs artistes nationaux d’arranger leurs albums à la mode disco. 

En France, Claude François avait déjà tout compris avec « Cette année-là », dès 1976,  suivi de Patrick Juvet et son inoubliable « Ou sont les femmes », 

Cerrone, génie incontournable du disco parti vivre aux USA, dont le titre « Supernature » se vendra à 10 millions d’exemplaires…. 

Patrick Hernandez et « Born to be alive », son unique mais immortel succès,  

Sheila et le tube “Spacer” écrit spécialement pour elle par le groupe Chic.  

La planète tourne sous une boule à facettes.

Mais la fin des années 70 annonce aussi la fin de la fête. 

Les voix anti disco, encouragées par un « trop plein » de produits bas de gamme enrobés de paillettes, sortent du bois. Le disco a de plus en plus d’ennemis : 

Tous ceux qui suivent le mouvement punk et restent fidèles au rock et sont aux antipodes des dance floor et de leurs artifices. 

L’Amérique conservatrice, elle aussi entre en guerre contre le disco : on ne veut plus de cette musique dont les excès sont un danger pour la jeunesse. Il faut se mobiliser contre un mouvement sorti de minorités qu’il est temps de remettre à leur place.

Pendant que les Bee Gees remplissent les stades, un certain Steve Dahl, qui ne jure que par leur perte, s’apprête à faire la une des journaux. 

Fervent défenseur de l’âme rock de son pays, ancien DJ viré par une radio car il avait refusé de diffuser du disco, Steve Dahl monte au créneau. 

Disco Sukes (le disco pue) ! c’est son leitmotiv. 

Il organise des manifestations, parodie Rod Stewart dans un « Da ya think I’m disco », il imite les Bee Gees après avoir respiré de l’hélium. Il ouvre une porte aux discours homophobes et racistes. 

Le 17 juillet 1979 est son jour de gloire. 

A l’occasion d’un match de baseball à Chicago, l’équipe des White Sox lui demande un coup de main pour faire venir du monde.  Son idée : venez avec un disque disco à détruire et vous aurez un ticket à tarif réduit !  

Bienvenue à la « Disco Demolition Night » (la Nuit de destruction du disco) !A la mi-temps, Steve Dahl fait exploser un énorme conteneur rempli de disques, en plein centre du terrain. La foule envahit la pelouse, les débordements font la une de la presse qui titre « Disco is dead ! » Le disco est mort.

Une nouvelle ère est en marche. 

Le second nouveau choc pétrolier fait sombrer le pays dans une profonde crise économique, et l’apparition du sida jette un froid glacial. Ronald Reagan devient président des Etats-Unis. Un vent de puritanisme balaye toute légèreté sur son passage. 

Les lumières des dance floor s’éteignent. 

Le Club 54 ferme ses portes en 1986. 

C’est fini. 

Les Bee Gees, quant à eux, se réinventent, comme ils l’ont toujours fait. Ils écrivent pour d’autres. « Chain Reaction » de Diana Ross, « Woman in Love » de Barbra Streisand, « Immortality » de Céline Dion, eh oui, ce sont eux. 

Après la mort de ses frères, Barry Gibb renonce à la création. Mais ça, c’est une autre histoire.

40 ans plus tard, nous enregistrons ce podcast en 2022, nous savons que le disco n’est pas mort, n’en déplaise à ses détracteurs. Ce qui lui restait de vie s’est glissé dans de nouveaux sons underground comme la house, la techno qui, elles aussi, se sont ouvertes au grand public. 

Aujourd’hui, on entend parler de Disco House, de Disco Électro, de Disco Funk. 

Il circule dans les chansons de Jamiroquai et des Scissor Sisters. 

Mika, Madonna, et les Daft Punk lui ont rendu hommage. 

Il est indissociable du monde de la nuit et de la culture club.

Et John dans tout ça ? Il laisse son vinyle sorti, posé sur la table du salon. Quand la nuit sera tombée, il allumera la petite lampe rouge près de l’ampli, il mettra les Bee Gees, ou peut être “Love to love you baby”, à fond. 

Et les voisins, sans doute, toqueront au plafond. 

Avec un peu de chance, peut-être qu’ils toqueront à la porte, et ça finira en fiesta jusqu’au bout de la nuit. On n’a qu’une vie, à priori.

Texte : Marine Guez Vernin / Voix : François Berland

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