PICASSO, SALAUD !
Louise se fige, ses yeux s’écarquillent et sa bouche s’ouvre grand… “Euh maman… tu savais que ton Picasso là … c’était un gros batard ?”
Hardy-Dutronc, un couple mythique de la chanson française. Mais en creusant cette histoire, on se rend compte que les rapports étaient loin d’être équilibrés… Story d’une dépendance amoureuse.
Texte : Inès Barbier Voix : Sophie Kaufmann
Août 69.
Françoise entre dans son appartement à toute vitesse. Elle referme la porte, lâche ses valises, et enlève ses babies en cuir noir avant de se précipiter dans la salle de bain pour prendre une douche.
Ce voyage à Londres l’a épuisé. Pour être honnête, ce ne sont pas les interviews qui l’ont le plus fatiguée, non. Même si Françoise n’a jamais aimé cet exercice, elle s’en accommode.
Mais elle a passé 5 heures sous la pluie à courir les disquaires de la ville, pour trouver les disques de Jazz demandés par Jacques.
C’est cette course qui l’a achevée…
Françoise, c’est Françoise Hardy.
Elle forme à cette époque, avec le désinvolte Jacques Dutronc, un couple mythique des années 70. Un couple qui fait rêver les jeunes de leurs âges mais qui pour elle, vire au cauchemar.
Je vais vous raconter l’histoire d’une dépendance. Celle de Françoise pour Jacques. Celle de Hardy pour Dutronc.
Lire la suitePour Jacques, Françoise est prête à tout.
Par amour pour lui, elle peut tout supporter, même l’idée de le partager.
Pour quelques heures à ses côtés, elle attend des jours.
Comme ce soir d’août 1969, en rentrant de Londres. Elle semble impatiente et excitée à l’idée de le revoir, même si elle appréhende un peu leurs retrouvailles après trois semaines d’éloignement. Comme à chaque fois d’ailleurs. Françoise ne vit presque que pour ces moments d’eux à deux, trop rares à son goût.
Vingt heures. Vingt-deux heures. Les heures passent…
Françoise s’assoupit dans son fauteuil Eames en bois et cuir noir près du téléphone gris. Quand il sonne, elle se réveille d’un coup. La nuit est tombée. Elle se lève, attrape le combiné, un peu tremblante. C’est l’assistant de Jacques au bout du fil. Il l’informe que Jacques ne viendra pas chez elle ce soir. Il a dû partir à un mariage avec son ami Jean-Marie à Clermont-Ferrand.
Françoise reste muette. Elle raccroche. Soudain, des larmes dévalent ses joues un peu creuses. Elle n’en peut plus de ses dîners avortés, de ses excuses incongrues.
Ce soir, c’est le soir de trop.
Sa tristesse se transforme en colère. Françoise arrache violemment la gourmette qu’elle porte à son poignet et la jette de l’autre côté de la pièce. Un cadeau de Jacques. Sûrement encore pour se faire pardonner.
Elle répète ce geste avec la broche que Jean-Marie lui avait offert à l’époque de leur histoire. Jean-Marie, c’est Jean-Marie Perrier, le photographe des vedettes françaises de cette période yéyé.
Ce soir, est le lapin de trop pour Françoise qui s’enfonce dans cette histoire à sens unique.
Elle est excédée, fatiguée et décide de fuir.
Elle part dès le lendemain se réfugier dans une maison dans le sud de la France sans en parler à personne. Elle veut faire comprendre à Jacques la sensation de manque. Elle veut qu’il ressente la souffrance du silence de l’autre.
Mais, même loin, elle l’attend… Elle attend un signe de sa part, un appel… Les jours défilent et son moral est au plus bas.
Pendant ce temps, Jacques continue sa vie. Il sort avec les copains tous les soirs. Il a toujours aimé être entouré de sa bande pour sortir, boire, fumer des cigares… Françoise s’enferme et Jacques a besoin de beaucoup de liberté. Françoise reste seule pendant plusieurs semaines. Et finalement…elle revient.
Quand elle arrive à Paris, elle pose un ultimatum à Jacques. Soit elle le quitte, soit il lui fait un enfant.
Comment Françoise Hardy a-t-elle pu en arriver là ?
Il faut remonter six ans plus tôt. En mai 63. Françoise est déjà connue. Elle a rendez-vous avec son directeur artistique. Quand elle entre dans le bureau, elle voit un adolescent assis sur une chaise. Un assistant apparemment. Elle ne remarque que ses grosses lunettes aux verres épais et ses boutons d’acné. Elle ne lui adresse pas la parole.
Jacques, lui, tombe immédiatement sous le charme de cette beauté fragile. Mais comment la séduire, lui qui n’est encore qu’un inconnu ?
Durant les quatre années qui suivent, Françoise et Jacques se croisent à plusieurs reprises sur scènes ou lors d’enregistrements d’émissions de télévision…
Jacques est sorti de l’ombre. De simple assistant, il devient l’interprète du tube Et moi, et moi, et moi. Et d’autres encore.
Le jeune homme est plus mûr. Son physique ingrat devient plaisant, son allure a changé.
Françoise aime ses cheveux blonds, elle découvre ses yeux en même temps que son talent.
Elle vient de se séparer du photographe Jean-Marie Périer à qui elle reprochait ses absences répétées. Françoise est triste. Jacques lui, enchaîne les conquêtes. C’est un coureur et tout le monde le sait.
Mais Françoise, c’est autre chose.
Avec ses copains, il s’amuse à dire qu’il y a trois femmes à croquer dans sa vie, Brigitte Bardot, une hôtesse de l’air et Françoise Hardy.
Dès que les deux idoles des jeunes se retrouvent, Jacques redonne le sourire à Françoise qui aime son humour son esprit. La chanteuse lui propose d’être son guitariste. Il refuse et ne montre pas plus d’intérêt pour elle. Il semble distant… En réalité, c’est un grand timide.
Lui timide, elle pudique et peu sûre d’elle.
Un jour, alors qu’il est en vacances, Jacques écrit à Françoise une carte postale qui commence par : Ma chère et future épouse, et se termine par : signé ton fiancé.
Cet élan de romantisme n’est pas pour déplaire à sa destinataire. Mais une fois les vacances terminées, il ne se passe rien…
En 1967, lasse d’attendre un signe de la part du chanteur, Françoise Hardy force le destin et l’invite à passer quelques jours à Monticello, dans sa maison en Corse.
Jacques accepte l’invitation à une condition : venir avec ses amis.
Il est intimidé, il a peur. La présence de sa bande de copains le rassure. Une bande ravie d’être là puisqu’ils sont tous un peu amoureux de la chanteuse. Françoise accueille la joyeuse troupe pendant une semaine.
Nous sommes au mois de septembre, les journées sont à la bonne température, la mer aussi. Il y a comme un air de colonie de vacances dans la maison. Quand le dernier soir arrive, Françoise est un peu triste.
Elle a imaginé mille fois la scène d’un premier baiser.
Rien. Il ne se passe rien. Pourtant, tous les amis de Jacques sont convaincus de l’évidence du couple Hardy-Dutronc.
Le séjour touche à sa fin. Jacques et sa bande repartent le lendemain.
Pour leur dernière soirée, Françoise invente un jeu. Il faut inventer des cocktails en mélangeant des alcools improbables. Tout le petit monde est assis autour de la table sur la terrasse qui donne sur la mer.
Ce soir-là, Jacques porte un pull rouge autour de la taille. Il est en train de le resserrer quand l’un de ses amis lui murmure à l’oreille que si ce soir il ne se passe rien entre les deux chanteurs, lui tentera sa chance avec Françoise.
Amusé par la situation et par l’alcool, Jacques répond à son ami que si demain au petit-déjeuner, il porte son pull rouge sur les épaules, c’est qu’il aura passé la nuit avec Françoise…
Au bout de quelques heures et de nombreux cocktails, les copains vont se coucher. Françoise et Jacques restent seuls. Elle, qui a tellement attendu ce moment, a le cœur qui bat vite. Ses mains sont moites. Elle continue de préparer des cocktails et ils parlent, ils parlent. Ils parlent des heures.
L’appréhension de chacun est palpable dans l’air. Ils avoueront plus tard qu’ils étaient tellement pétrifiés qu’ils se sont enivrés toute la nuit à tel point de ne se souvenir de rien au réveil…
Au petit matin, seuls Françoise et Jacques manquent à l’appel du petit-déjeuner. Les amis lancent des paris et tentent de deviner le dénouement de la soirée. Quand Jacques arrive au loin en sautillant, il n’y a plus de doutes : il porte son pull rouge noué sur les épaules. C’est ainsi que débute une idylle torturée qui durera près de vingt ans.
A cet instant-là, Françoise ne s’imagine pas qu’être en couple avec Jacques, dont la carrière est en train d’exploser, signifie ne jamais vraiment être avec lui et ne jamais vraiment être sans lui.
Jacques part en tournée. Elle supporte mal les premiers éloignements. Quand il rentre, il passe son temps avec sa bande de copains dont Jean-Marie Périer. Il est dans l’excès de tout.
Commence alors pour elle les premières attentes, les premières déceptions, les annulations, les semaines sans nouvelles… C’est quand Jacques le veut.
C’est quand il le désire, à son rythme. Deux à trois fois par mois pas plus et jamais de rendez-vous prévu trop à l’avance.
Françoise rentre dans une spirale.
Elle veut passer du temps avec lui et fait donc en sorte de se rendre disponible tout le temps. Elle ne sort plus, ne voit plus sa famille ni ses amis au cas où… Pendant ce temps, Jacques, malgré son amour pour Françoise, continue d’avoir des aventures. Beaucoup d’aventures. Ce n’est qu’au bout de six mois que Françoise s’en rend compte. Ses amis à lui ne comprennent pas son attitude et quand ils osent lui demander pourquoi il reste en couple avec Françoise, il répond avec un sourire au coin des lèvres, une cigarette à la bouche et les lunettes de soleil au bout de son nez :
Je commence par la fin. Tous les hommes trompent leurs femmes au bout de cinq ans. Et bien moi, dans cinq ans, je serai un homme fidèle.
Jacques Dutronc est presque comme la muse de Françoise Hardy. Quand il s’échappe, et qu’il revient, puis qu’il repart avant de réapparaître, Françoise souffre au plus profond de son être. Elle est frustrée par l’absence, cette même absence qui est un puit sans fond pour sa créativité. La plupart de ses chansons sont des messages personnels et sont inspirées par Jacques, ou plutôt par son absence.
L’œuvre de Françoise Hardy serait-elle la même sans les absences de Jacques Dutronc ?
1973. Françoise est enceinte. Quand elle apprend la nouvelle, elle se rend chez Jacques. Elle reste des heures derrière la porte sans jamais oser frapper. Elle a peur de lui annoncer qu’il va être papa. Elle craint sa réaction lui qui ne trahira jamais sa liberté.
Après plusieurs jours d’hésitation, elle l’informe de son état, mais par téléphone. Pendant sa grossesse, elle et Jacques se voient par intermittence, une à deux fois par mois.
Françoise guette chacune de ses apparitions.
A la naissance de son fils, Thomas, Françoise se consacre à lui.
Elle et Jacques ne vivent toujours pas sous le même toit. Elle attend le jour du premier anniversaire de Thomas pour lui imposer de vivre ensemble. C’est ça ou la séparation.
Jacques entretient alors une relation amoureuse avec Romy Schneider rencontrée sur le tournage du film L’important c’est d’aimer. Mais il fait quand même ses cartons et emménage chez Françoise.
Chacun a son propre étage.
Françoise est au courant de la liaison. Elle hésite à rompre, mais n’en fera rien. Elle est incapable de quitter Jacques, encore une fois. Contre toute attente et toutes leurs convictions, le couple aux multiples blessures se marie en 1981. La raison ? Françoise craint la maladie. On lui conseille donc le mariage pour protéger au mieux leur fils unique.
En 1988, celle qui a sacrifié tant d’heures à porter un couple, seule, n’en peut plus. Ce qui était acceptable jusque là devient inacceptable. Elle l’a tellement attendu, tellement désiré, tellement aimé passionnément qu’elle n’en peut plus. Elle craque et les disputes sont incessantes.
C’est une rencontre qui la bouleverse. Un homme avec qui elle entame une liaison secrète. Elle revit et se rend compte de tout le manque qu’elle a enduré… Françoise demande le divorce. Jacques refuse. Il sombre. Elle ne peut pas le laisser. Il reste peut-être encore quelque chose de leur amour… Il va mal, de plus en plus mal.
Il ne peut pas vivre sans elle, en fait, il ne peut pas vivre seul.
Elle abandonne l’idée de divorcer, mais elle continue à vivre secrètement son histoire.
Jacques est malheureux de se séparer de Françoise
Cependant, Jacques est heureux de ne pas divorcer.
Mais, Est-ce une manière de la garder ?
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