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BEYONCÉ – CA$H MACHINE !

BEYONCÉ – CA$H MACHINE !

« Beyoncé est belle, Beyoncé chante comme une diva, Beyoncé danse comme une déesse, Beyoncé est une reine…Tout le monde aime Beyoncé et Beyoncé aime…l’argent ! »

Festival de Coachella en Californie, 14 avril 2018.

Elle arrive tout en haut d’une immense pyramide, dans une explosion de projecteurs. Les jambes écartées, le regard déterminé balaye la foule, elle est au somment de son règne, et elle le sait.

Elle porte une coiffe à la manière d’un grand vizir, une cape plus pailletée que le King à Vegas, elle a même un sceptre avec lequel elle se dandine en toisant ses fans. Derrière elle, une armée de danseuse reproduit le moindre de ses gestes. 

Les fans hurlent à s’en décrocher la mâchoire, certains pleurent… Devant eux, une parade sous stéroïdes avec une fanfare, des comédiens, des danseurs : 200 personnes assurent le spectacle. 

Dans une mise en scène digne des plus grands dictateurs, Beyoncé a orchestré elle-même le culte de sa personnalité. Elle a tout mis en œuvre pour que son show défraye la chronique, pour qu’il entre dans les annales. Elle veut marquer les esprits, elle veut être une super star, celle qui surpasse les autres, celle qu’on ne peut pas détrôner… Queen B !

La petite fille aux cheveux bouclés est dans le salon cossu d’une belle maison des quartiers chics de Houston au Texas. On écoute quoi au tout début des années 80 ? On regarde qui ? Michael Jackson. Le chanteur est en pleine gloire. Assise en tailleur, le visage à quelques centimètres du téléviseur, Beyoncé Giselle Knowles passe et repasse les cassettes VHS de son idole. The King of Pop. Il arrive sur scène comme un seigneur, le monde entier l’acclame. 

C’est ça qu’elle veut. Être une reine, être adulée. 

La vérité c’est que la petite fille cherche l’approbation de son père. Il le sait mais il la frustre. Il la félicite peu, elle pourrait toujours faire mieux… Ce cadre qui occupe une position confortable chez Xérox applique sur sa fille une vraie stratégie de management. Il manipule ses sentiments pour la pousser jusqu’au sommet. Il a observé la success story du benjamin des Jackson. Il va faire comme le père de Michael. Il va quitter son job et entraîner sa fille pour qu’elle devienne une super star, mondialement connue. Et au passage, ils vont faire du fric, des tonnes de dollars.

À la maison, Beyoncé est quand même entourée par la douceur des femmes : sa petite sœur Solange et sa mère qui possède un salon de coiffure réputé et qui la met en valeur très jeune. Mais le regard perçant du père est omniprésent et Beyoncé veut lui plaire. Elle fait tout comme il faut, elle obéit. 

Elle chante à la chorale de leur église méthodiste. À 5 ans, elle fait payer 5 dollars aux amis de ses parents pour animer leur dîner. À 8 ans, son père forme un groupe pour elle : les Girl’s Tyme, elles sont 7. À 12 ans, elles sont quatre et deviennent les Destiny’s Child. Elles surfent sur la vogue du R’n’B. Elles chantent, elles dansent. Elles se produisent dans des télé-crochets, des supermarchés, partout où c’est possible. 

Alors qu’elles ne sont même pas adolescentes, elles signent avec leur première maison de disques. C’est parti.

Le père monte un vrai camp d’entraînement. 

Pompes et abdos dès le réveil, alimentation surveillée, révision des chorégraphies devant le miroir. On ne rigole pas chez les Knowles. On est là pour bâtir un business. 
Beyoncé est docile, elle travaille dur et à 16 ans, ça paye. Son girls band signe avec Columbia en 1997. Une fenêtre s’ouvre. La production a besoin de remplir la bande originale du blockbuster Men In black. Elle veut propulser ses nouveaux talents et choisit les Destiny’s pour enregistrer un single. C’est un premier pas. Très vite Columbia décide d’aller un cran plus loin. Ils font enregistrer au girls band le single No, no, no en featuring avec le rappeur Wyclef Jean, une vedette à l’époque. Le groupe est adoubé.

Le monde découvre quatre jeunes femmes noires américaines : une plastique irréprochable, des mouvements suaves en vêtements moulants mais pas trop, elles doivent rester très sages. Elles sont si jeunes…et l’idée est de plaire à l’Amérique puritaine. Le son est entraînant, elles sont superbes certes mais soyons honnête…  Il y en a une qui sort du lot. 

Beyoncé est toujours placée au milieu, elle chante les meilleures parties et physiquement elle est différente, elle a la peau plus claire, ses cheveux sont blonds… On ne voit qu’elle. Finalement les autres membres du groupe sont ses faire-valoir. De toute façon, c’est papa Knowles qui est le manager. C’est lui qui décide. Beyoncé est déjà en train de monter vers le firmament et si on regarde bien, on sait déjà que ses trois acolytes seront à un moment ou à un autre… sacrifiées. 

C’est la loi du plus fort… et la plus forte ? C’est elle.

Été 1999. La radio assène le message sans répit : « Say my Name, Say my Name » : Dis mon nom, dis-mon-nom ! 

On commence justement à le retenir ce nom : « Beyoncé ». Les tubes s’enchaînent. En 1999, Bills Bills Bills. En 2000, le titre Independent Women devient dès sa sortie numéro 1 des ventes. En 2001, Survivor est un triomphe mondial. On a que ce refrain à la bouche : « Je suis une survivante, je vais y arriver » ! Enfin… Elles n’y arriveront pas toutes car en cours de route, une des choristes est évincée. Elles ne sont plus que trois.

Entre 1998 et 2001, Les Destiny’s Child ont lancé quatre albums et sont devenues le groupe féminin le plus vendeur de tous les temps. Des disques de platine, des millions de copies vendues, des récompenses aux Grammy Awards… Le groupe devait propulser Beyoncé sur orbite : la mission est accomplie.

Hollywood lui fait de l’œil et elle entame en parallèle une carrière au cinéma. Elle commence à s’émanciper de ses copines et à montrer qui est la star du groupe. En 2001, elle joue dans Carmen, un opéra hip hop. En 2002, elle décroche un rôle important dans le film Austin Powers aux côtés de Mike Myers. En 2003, elle donne la réplique à Cuba Gooding Junior dans le film The Fighting Temptation

Papa Knowles est satisfait, les choses se passent exactement comme il l’espérait, peut-être mieux qu’il l’espérait. 

Ce qu’il ne sait pas en revanche, c’est que son plan va si bien marcher qu’il va lui-même être évincé. Il a créé une machine, un monstre de scène, et elle s’apprête à prendre son essor… sans lui.

Le petit prodige de la famille Knowles a été préparé à cette carrière depuis son plus jeune âge. Beyoncé n’a pas eu d’enfance. Pas vraiment. Toute sa vie a été basée sur un plan. Celui du père. Seulement le plan s’essouffle. Les Destiny’s Child doivent se dissoudre. Il y a trop de conflits au sein du groupe et surtout, Beyoncé brûle de faire ses armes. Elle veut sortir un projet en solo. Elle sait que l’attention est sur elle et elle compte bien en profiter.  

Depuis 1999, la chanteuse a fait la rencontre d’un producteur très influent dans le monde du rap : Jay Z. 

Mathew Knowles a tenté d’empêcher cette nouvelle fréquentation. Il a tout fait pour construire à sa fille une image saine de bonne fille texane. Ce Jay Z est un voyou, il a un passé de dealer. Il n’est pas du même milieu que les Knowles. Papa sent peut-être que sa fille pourrait lui échapper. Il a raison de s’inquiéter.

Beyoncé n’écoute pas les recommandations de son père. Elle se laisse séduire par ce charismatique mentor. Il est à la tête d’une importante maison de production, il peut faire beaucoup de choses pour elle. Elle sort avec cet homme de plus de 10 ans son aîné et va se débarrasser de l’influence de son manager de père. Elle doit passer au niveau supérieur, et ce sera avec Jay Z. 

La belle et le bad boy gardent leur relation secrète pendant plusieurs années. En 2002, quand le couple se montre au grand jour, ce n’est pas n’importe comment. Ils sortent le titre : Bonnie & Clyde. Le message est clair. Fini la jeune fille des Destiny’s Child, fini la fille à papa. Dans le clip, elle apparaît en bikini aux côtés d’un cheval : sauvage et indomptable. 

Une femme est née et elle va exploiter ce filon qui a toujours fait vendre : 

le sexe. 

La diva est prête à faire monter la température. Le 18 mai 2003, un nouveau clip sort. Sur l’écran Beyoncé entame la chanson Crazy In Love et pose la question : Are you ready ? Le monde est-il prêt à découvrir cette bombe sexuelle ? Elle arrive droit devant la caméra, défilant comme un mannequin. Cheveux lisses au vent, débardeur sans soutien-gorge, le short en jean le plus court possible sur des jambes les plus longues possibles, des talons très hauts, très rouges. Et la belle se jette au sol pour une chorégraphie très suggestive. 

Le ton est donné et à partir de ce titre la charge sexuelle ne diminue jamais. Le morceau se hisse en tête des charts du monde entier. Le single s’écoule à plus de 8,5 millions d’exemplaires. Le clip enregistre sur Youtube plus de 600 millions de vues depuis sa mise en ligne en 2009. En bref c’est un tube, un mega tube. 

Maintenant qu’elle a la formule, une longue liste de clips dans la même veine verra le jour. 

En 2007, elle se produit avec Shakira car quoi de mieux qu’une fille sexy ? Deux filles sexy ! Aux côtés de l’experte de la danse du ventre, Queen B ondule comme un serpent hypnotique. 

Toujours plus explicite, le clip Partition sort en 2014. La reine de la pop donne un show torride sur une scène du Crazy Horse, elle ouvre son manteau sous les phares d’une voiture et découvre une lingerie en dentelles, des portes jarretelles… Sur la banquette arrière, la séance de caresses laisse suggérer qu’elle fait l’amour avec son mari. Une voix française demande même sans équivoque : « Est-ce que tu aimes le sexe ? » tandis que la chanteuse lèche une rampe cylindrique. Brûlant. 

Pourtant cette attitude dénote avec le personnage. Beyoncé s’est mariée avec Jay Z en 2008 dans le plus grand secret. Avant lui, on ne lui connaît aucune aventure. Pas de sex tape, pas de drogue, aucun dérapage. Alors qui est cette bad girl que l’on ne rencontre que dans ses clips et sur scène ?

Beyoncé a deux visages. Deux personnalités qui semblent opposées. On a d’un côté la texane qui prie Dieu avant chacun de ses concerts et se rend encore aujourd’hui à l’église méthodiste de son enfance.

De l’autre côté on a cette créature qui met en scène son corps et qui en fait même son emblème.  
Comment fait-elle pour concilier cette morale dans laquelle elle a grandi et cette conduite sulfureuse ? En 2008, sur le plateau d’Oprah Winfrey, elle avoue faire appel à un alter ego, un double imaginaire. Elle lui a même donné un nom et lui a consacré un album : I Am Sasha Fierce, Je suis Sasha Fierce.

Selon les dires de l’artiste, ce personnage fantasmé entrerait en scène chaque fois qu’elle se prépare pour un show, chaque fois qu’elle apparaît dans la lumière, sous les cris de ses fans. Sasha Fierce se produirait à sa place parce qu’elle aurait davantage confiance en elle et qu’elle pourrait faire preuve de toutes les audaces. 

La gentille Beyoncé Knowles, elle serait plutôt timide, réservée. 

Un aveu étonnant qui révèle un conflit entre la petite fille surprotégée par son père et la femme puissante qui règne sur l’industrie musicale. Avons-nous affaire à un cas de schizophrénie ou à un coup de marketing ? Une ruse pour vendre son album et faire encore parler d’elle ?

Beyoncé tend de toutes ses forces vers la perfection. Elle a été entraînée pour ça, comme une sportive de haut niveau. De quoi cherche-t-elle à se préserver ? De quoi a-t-elle peur ? D’avoir des faiblesses ? D’être trop humaine ? 

Malheureusement pour elle, la perfection n’est pas de ce monde. Du moins, elle n’est pas acceptée dans ce monde. Ce que ses détracteurs vont lui reprocher, c’est tout simplement de ne pas avoir d’âme.

La diva du R’n’B est au cœur des théories du complot les plus folles. 

Certains voient dans son alter ego, la fameuse Sasha Fierce, une entité maléfique, un esprit qui prendrait possession du corps de la chanteuse. 

On trouve sur Internet des pages Youtube où les utilisateurs tentent de démontrer que l’artiste est possédée par cet esprit maléfique. Des haters analysent ses concerts image par image pour révéler ses expressions les plus démoniaques. On dit encore qu’elle ferait partie des Illuminatis, ces maîtres du monde. Pour preuve : les messages subliminaux que l’on croit déceler dans ses textes et ses nombreuses utilisations du motif de la pyramide. 

Beyoncé, reine des Ténèbres ?

En 2012, sur le plateau des MTV Awards, la chanteuse est particulièrement radieuse. À la fin du morceau Love on Top, elle lâche le micro, déboutonne sa veste et caresse son ventre ostensiblement. Elle est enceinte. Un heureux événement mais c’est aussi l’occasion de nouveaux soupçons. 

Une rumeur circule sur le net. La star simulerait sa grossesse, en réalité elle aurait fait appel à une mère porteuse. Il n’a suffi que d’une petite étincelle pour que ce feu prenne. Invitée sur un plateau de télévision, en se penchant pour s’asseoir, son ventre a paru s’affaisser sous sa robe l’espace d’un instant mais un instant suffisant pour libérer tous les fantasmes.  

Mieux, ou pire, on l’accuse encore d’avoir assassiné la chanteuse de R’n’B Aaliyah parce que celle-ci lui faisait de l’ombre. Un politicien répand même une allégation encore plus insensée. Beyoncé ne serait pas vraiment noire. Elle se serait appropriée la culture afro-américaine pour asseoir sa notoriété sur cette communauté. En réalité, il s’agirait d’une italienne du nom de Ann Marie Lastrassi. Et cette femme existe ! Mais si elle aurait aimé être Beyoncé…ce n’est pas la cas…

Pourquoi la réussite de Beyoncé dérange-t-elle autant ? Elle a sans doute voulu trop maîtriser son image. Depuis ses débuts, elle a pris soin de conserver sa vie privée sous cloche. On ne lui connaît aucun faux pas sinon cette histoire d’ascenseur en 2014. Une vidéo de surveillance révélait des images perturbantes : la sœur de la chanteuse qui frappe violemment Jay Z, l’impassibilité de la Queen B… Cette scène avait fait couler beaucoup d’encre. L’opinion publique conclut à l’infidélité du producteur. Possible. Mais quelques temps après Mathew Knowles a laissé entendre qu’il ne s’agissait que d’un coup médiatique pour booster les ventes de l’album Limonade.

Beyoncé se sert de sa vie privée comme un outil de marketing. Et elle va loin. En 2013, après avoir subi une fausse couche, avant son premier enfant Blue Ivy, elle produit et réalise le documentaire Life is but a dream. Un film intimiste où la chanteuse se confie face caméra et où elle partage sa douleur. Elle s’épanche sur sa nouvelle grossesse : avec images de son ventre, échographie… la totale. Elle parle aussi de sa rupture avec son père. Elle verse des larmes et œuvre au passage à la promotion de sa prochaine tournée : Mrs Carter World Tour

Beyoncé, ses joies, ses peines… On pourrait penser que la star se met à nue mais ce que l’on perçoit c’est plutôt une tentative de paraître plus humaine et un parfait contrôle de son image. Le documentaire laisse même un sentiment de malaise, jugé comme une « autoglorification pompeuse » selon le magazine les Inrocks.

Queen B réussit tout et n’en finit pas d’agacer. 

En 2013, elle chante pour la cérémonie d’investiture du président américain Barack Obama. La même année, elle se produit à la mi-temps du Super Bowl. Un show d’envergure bien sûr. Elle donne tout et dans l’effort elle montre un visage effrayant. Un visage qui dit peut-être la férocité de sa carrière. Malgré les efforts de son attaché de presse pour faire disparaître les clichés, l’hideuse expression qu’arbore son visage quelques secondes,  inonde la toile. On trouve cette image facilement, il suffit de taper « Beyoncé Super Bowles » dans n’importe quel moteur de recherches.

En 2017, elle déclenche un séisme médiatique quand elle publie une photo d’elle enceinte. Elle pose en madone impériale sur les réseaux sociaux. Elle tape fort car elle souffle le monde entier en annonçant qu’elle attend des jumeaux. Encore une fois, c’est elle qui donne les informations. Rien ne fuite. Elle s’arrange toujours pour faire de sa propre vie une opération de communication et asseoir un peu plus le culte de sa personnalité.

En 2021, pour l’enseigne de bijoux Tiffanys, Beyoncé tient le rôle d’égérie dans une campagne publicitaire qui met encore en scène sa vie privée. On est dans une vision idéalisée et irréaliste de son quotidien. Des images léchées, une villa de luxe, une coiffure montée en choucroute, une robe et des bijoux somptueux, et Jay Z en personne qui participe au spot jouant le rôle d’un mari fou amoureux… 

Comme une soirée banale dans la vie de Beyoncé, la vie d’une reine parfaite.

Texte : Gaëlle Le Scouarnec / Voix : Nathalie Karsenti

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