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FIFA MAFIA

FIFA MAFIA

Mercredi 27 mai 2015, le soleil se lève doucement sur les bords du lac de Zurich.  

Quelque 300 officiels de la Fédération Internationale de Football sont attendus à l’occasion du Congrès annuel. 

Sous les lustres scintillants de la majestueuse salle de réception du luxueux hôtel “Baur Au Lac“, certains des plus hauts responsables du football mondial sont déjà là.   

Entre les grandes embrassades et les éclats de rires, les bouteilles de champagne s’ouvrent à tour de bras.

Mais le petit déjeuner festif va prendre une tout autre allure… 

À travers les immenses baies vitrées qui longent le canal, les lumières de plusieurs gyrophares bleus viennent éclabousser le somptueux plafond du salon. 

Mandatés par le FBI, des dizaines de policiers du Canton font irruption dans le hall et exigent la présence immédiate de plusieurs hauts responsables présents dans l’hôtel.

Coup de tonnerre à la FIFA ! 

La justice américaine inculpe 14 dirigeants, neuf élus et cinq fonctionnaires. Ils sont soupçonnés de corruption en lien avec l’attribution de Coupes du monde, de droits marketing et de télévision.

Pas moins de 150 millions de dollars de pots-de-vin pour des faits s’étalant sur les 24 ans. Entre autres…

Ce matin-là, 7 d’entre eux sont présents.

Immédiatement arrêtés, ils sont placés en détention et doivent faire l’objet d’une procédure d’extradition vers les Etats-Unis.

Ce coup de filet spectaculaire résonne dans le monde entier. 

Enfin…Disons qu’il résonne en silence, tout comme les nombreux scandales qui éclaboussent régulièrement la FIFA depuis plusieurs décennies. 

Podcast Story déclare officiellement ouverte : la Coupe du Monde de la corruption.  

La FIFA n’a pas toujours été pas une mafia, c’était même plutôt le contraire. 

Au début du 20e siècle, le ballon rond rassemble déjà des foules de passionnés à travers le monde. 

Dans plusieurs pays, les matchs de foot remplissent les gradins des stades.

Écharpes, drapeaux, maillots…S’habiller aux couleurs de son équipe est essentiel pour aller au stade. 

Et puis à la mi-temps, la buvette remplit les caisses en un rien de temps. 

Le foot attire les supporters et il rapporte! 

Chaque week-end, les billets s’arrachent comme des petits pains et l’engouement que suscitent ces rendez-vous ne cesse de progresser. 

Au point qu’il est maintenant urgent de gérer son développement et d’y imposer des règles communes à tous.  

Les représentants de plusieurs pays européens se rassemblent à Paris, le 21 Mai 1904, pour fonder: La fédération sportive internationale du football. »

La FIFA est née. 

Passionnés de ballon rond, les premiers dirigeants guidés par l’esprit universaliste qu’offre le football. Rien de plus. 

La FIFA est une simple association à but non lucratif, où une petite douzaine d’employés s’activent dans de petits locaux au centre de Paris. 

Elle ne génère aucune rentrée d’argent, et personne ne s’en plaint.

Côté terrains, même esprit ! 

Le football est un loisir pour gentlemen, et la raison d’être des clubs reste purement sociale, culturelle et sportive. 

Ça ne va pas durer…

Les premiers championnats nationaux sont organisés. 

Les stades se remplissent, des groupes de supporters se forment et les matchs de football deviennent incontournables. 

Le football passe du statut de sport amateur à celui de discipline ouverte aux professionnels.

Dans les années 30, le premier évènement sportif mondial est organisé.

13 nations venues des 4 coins du globe se retrouvent en Uruguay pour participer au premier championnat du monde de l’histoire. 

Son succès est immédiat ! 

Et les premiers bénéfices engendrés sont considérables.

L’événement est donc reconduit, tous les 4 ans, dans un pays différent, choisi en fonction du vote des membres de la Fédération.

Le football rentre dans une autre dimension…

Pour bien comprendre comment l’instance suprême du football mondial est devenue une véritable organisation de type gangster, je vous propose un petit voyage dans le temps, un retour au début des années 70.

Oui parce que c’est bien l’année 1974 qui déclenche la période la plus sombre de l’histoire de la FIFA. 

Bon, allons-y ! À cette époque, partout où le ballon rond s’agite, les foules s’amassent et les caisses se remplissent. 

Et l’arrivée de la télévision dans les foyers est propice aux “bonnes affaires“.

Bientôt, les matchs de foot se regarderont depuis le canapé du salon, à la maison ! 

Une aubaine pour les opportunistes avides de pouvoir et de grandes richesses.

D’ailleurs, parmi ceux-là, deux semblent bien plus motivés que les autres…

En marge de la Coupe du monde 1974 en Allemagne, de nouvelles élections sont organisées pour élire le prochain président de la Fédération.

João Havelange, un homme d’affaire Brésilien, fils d’un immigrant belge qui a fait fortune dans le commerce d’armes à Rio de Janeiro, présente sa candidature. 

Bien qu’il n’ait aucun lien avec le football, l’homme d’affaire annonce son plan : 

Une FIFA plus « inclusive“: Élargir le quota de participants à la coupe du monde en menant une guerre d’influence contre les méchants Européens ex-colonisateurs qui mettent à l’écart les pays africains et sud-américains.

João surfe sur cette guerre entre pays riches et anciennes colonies.

En revanche, il se garde bien d’expliquer la manière dont il souhaite y parvenir…

Parce qu’il le sait: Pour remporter le graal, il a besoin d’un parrain…

Le brésilien ne fait pas directement partie de l’élite du football mondial, européen en règle générale.

La passation de pouvoir n’a donc aucune raison d’arriver entre ses mains.

Surtout qu’il n’a pas grand-chose à voir avec ce sport et son passé est déjà trouble…

C’est là qu’arrive son sauveur…L’Allemand Horst Dassler, le fils du créateur de la marque de sport Adidas. 

Il connaît le business comme sa poche, il baigne dedans depuis sa naissance. 

Et ça tombe bien parce qu’il s’intéresse aussi de prêt au juteux business qu’engendre le football.

Ensemble, ils gèrent les élections et se débarrassent du chef de la FIFA de l’époque, l’Anglais Stanley Rous.  

Mais comment ont-ils fait ? 

Facile ! En remportant la majorité des voix : Celles qui appartiennent aux fédérations des pays africains et sud-américains. 

Dassler leur promet des équipements Adidas et du matériel de sport.  

Havelange, lui, a une bonne liasse de billets sous la table, et pour certains, une présence à la prochaine Coupe du monde en Espagne.

En bref, le deal est simple : de l’argent contre des votes.

Et le système fonctionne parfaitement, les dirigeants de tous ces pays sont ravis. 

Le Brésilien João Havelange est donc élu à la tête de l’institution.

Depuis ce jour, le contrôle de la FIFA est entre les mains d’hommes d’affaires véreux…

Très vite, l’amour du jeu est dévoré par l’opportunisme, l’argent l’emporte. 

Et le football se transforme en un véritable empire financier:  

plus aucun contrat n’est signé sans que des pots-de-vin ne soient versés aux dirigeants.

La corruption sportive est née. 

Dans le petit monde du football, Joao Havelange est rapidement rebaptisé…le Parrain. 

De son côté, l’allemand Horst Dassler se révèle être un homme d’affaires redoutable. 

En comprenant qu’il est possible de mettre la popularité mondiale du football au service des intérêts des grandes fortunes, il met en place un modèle commercial révolutionnaire pour l’époque. 

Il propose aux grandes marques  un contrat de parrainage. 

Les 1ers investissements ne tardent pas à tomber… 

Coca-Cola se laisse convaincre. Pour 8 millions de dollars, la firme américaine devient le premier sponsor mondial exclusif de l’histoire du sport.  

L’investissement du géant de la boisson permet donc à Havelange de tenir ses promesses. 

Le nombre de participants à la Coupe du monde double, avec davantage de places pour l’Afrique, l’Asie et l’Océanie.

Sans scrupules ni aucune limite, Dassler et Havelange jouent aux marionnettes et manipulent le petit monde du business. 

Au modèle économique, s’ajoutent les droits de diffusion télévisée, qui deviennent un actif très précieux en raison des progrès des technologies de diffusion.

Avec des prêts bonifiés, des paiements illicites et mal contrôlés, des millions de dollars en pots-de-vin en échange de contrats de droits de télévision et de marketing, la machine à fric est en roue libre ! 

La FIFA reçoit des sommes d’argent monstrueuses.

Mais…un problème se pose rapidement. 

Comment maintenir une activité qui brasse des milliards de dollars par le biais d’une organisation à but non lucratif ?! 

Horst Dassler a déjà sa petite idée… 

Dès 1982, il crée une société de marketing sportif qui achète en gros tous les droits commerciaux des événements de la FIFA. 

Ensuite, il les revend au coup par coup à des sponsors, avec une importante marge bénéficiaire intégrée. 

Ils peuvent donc continuer à brasser des centaines de millions et garantir aux dirigeants de la FIFA de recevoir tranquillement leurs pots-de-vin. 

Surtout qu’à l’époque, en Suisse, la corruption commerciale n’est pas considérée comme un crime.  

Aucun des fonctionnaires n’a jamais été inculpé, ni même inquiété. Leur identité est même gardée secrète. 

Bref, personne ne va en prison, tout le monde est tranquille et la FIFA continue à couler des jours heureux… 

Quant à João Havelange, il est systématiquement réélu à chaque nouvelle élection. 

Pour gérer le développement du Football aux 4 coins du monde, le Président Brésilien fait très vite appelle à un jeune Suisse plein d’ambition.  

Diplômé d’HEC Lausanne, Joseph « Sepp » Blatter est introduit à son tour dans le business des instances du football mondial par le parrain lui-même. 

Il commence en tant que promoteur, distribuant du matériel dans les coins les plus retranchés du globe, avant de devenir secrétaire général en 1981. 

Et tous les 2 scellent un pacte : 

« je décide, tu exécutes » dit le maître João. 

Sans mot dire, l’élève acquiesce. 

La fédération mondiale du football est désormais tenue par une seule main. 

Et la machine à fric ne va pas tarder à faire exploser les compteurs :  

Droits télé, sponsoring, marketing, publicité, ils diversifient les sources de revenus et permettent à l’organisation d’engranger des bénéfices considérables : Des centaines et des centaines de millions de dollars. 

J’imagine votre question…Et tout ça légalement ? 

Et bien non, pas vraiment. Mais peu importe ! 

Au sein de la FIFA, tout le monde prend sa part et c’est bien là l’essentiel : 

Corruptions, pots-de-vin, élections truquées, opposants écartés, la liste des malversations est considérable. 

Et ce serait bien trop compliqué de l’énumérer une par une…

Bref, les années passent et 24 ans de corruption plus tard, la Fifa continue son histoire mais échange les 1ers rôles.   

En 1999lors de nouvelles élections, l’élève Sepp Blatter déboulonne son maître brésilien.

Un scrutin totalement truqué qui propulse le Suisse au sommet. 

Et c’est reparti pour un tour ! 

Quand je me suis plongé dans les affaires qui ont touché la FIFA ces dernières années, j’arrivais à peine croire ce que je lisais. En fait, ça ne s’arrête jamais ! Je vous assure que même un résumé n’est pas possible…

Sur la planète foot, une affaire en chasse une autre. C’est surréaliste ! 

Les scandales s’enchaînent et la corruption latente au sein de la Fifa est connue de tous.

Des millions de pots-de-vin, des milliers de contrats illicites, des matchs achetés, des élections truquées, un vaste trafic de billets, ou encore : blanchiment d’argent, détournements de fonds, gestion déloyale. J’en passe !  

Pas de quoi inquiéter pour autant les hautes instances du football mondial, “au courant de rien“. 

À elle seule, la FIFA démontre l’ampleur des dérives que connaît le monde du sport.

Peu importe la morale, les règles ou la loi, l’argent coule à flot.

Au-delà de la fraude, ce qui salit définitivement l’image du football, c’est la sensation que tout le monde, au sommet de la FIFA, est soupçonné. 

Chaque dirigeant est mouillé dans une affaire et aux yeux de tous, la fédération de football apparaît clairement comme une organisation corrompue. 

Cette délinquance en col blanc s’explique évidement par le sentiment d’impunité.

Grâce au pouvoir de l’argent dont ils disposent, les dirigeants sont au-dessus des lois.

Seules quelques petites sanctions ont été prises :  

Des amendes pour certains, des mises au placard pour d’autres. Et presque rien pour la plupart, “fautes de preuves suffisantes“.

Alors franchement, pourquoi se priver ? 

Et puis surtout, qui pour les arrêter ?

Les sponsors ? Certainement pas ! 

Ni Coca, Visa ou Mastercard n’ont souhaité un jour se retirer.

Au contraire, à la suite de toutes ces affaires, ils ont profité de la situation pour renégocier les contrats…à la hausse.  

Non vraiment, j’ai beau chercher je ne trouve aucune réelle intégrité au sein des institutions du football.

Même notre Platini footballeur honnête et capitaine emblématique de l’équipe de France.

Oui, même Michel Platini qu’on pensait au-dessus de tout soupçons s’est retrouvé sur les bancs de la justice…

Suite à un versement litigieux de 2 millions de francs suisse de la part du patron de la Fifa, Sepp Blatter, le Français, Président de l’UEFA* est suspendu depuis plus de 7 ans de toute activité liée au football. 

Mais l’ex-patron des bleus s’est défendu. Il a assuré  avoir seulement été rétribué pour une prestation de conseiller “spécial“ entre 1998 et 2001. 

À 2 millions de francs suisse, ses conseils devaient être précieux…

Michel Platini a été finalement acquitté mais dans la foulée a annoncé qu’il ne reviendrait pas à la FIFA.

Depuis 2016, c’est  le juriste Italo-Suisse Giovanni Vincenzo Infantino (dit Gianni Infantino) qui est président de la FIFA. 

Mais bien sûr, avec lui aussi l’histoire se répète. 

Un mois seulement après son élection, son nom est cité dans l’affaire des Panama Papers. 

L’année suivante, il est de nouveau impliqué dans la fameuse enquête Football leaks sur le contournement des règles du fair-play financier. 

Mais au sein de l’organisation, rien de tout ça ne porte atteinte à sa réputation : 

Il reste à la tête de la FIFA jusqu’en 2023.

Bis repetita. 

L’organisation des compétitions et de leur sponsoring ont fait de la FIFA l’un des empires financiers les plus puissants de la planète. 

Tellement puissant que malgré sa réputation peu flatteuse et ses multiples déboires judiciaires, aucune de ses implications frauduleuses n’a eu de réelles conséquences sur son fonctionnement.

    Comment est-ce possible ?!!  

« Parce que les affaires sont les affaires, et elles se règlent en famille ! »

Non, ceci n’est pas une réplique du Parrain; c’est bien des couloirs de la FIFA que vient le mot d’ordre.

Telle une véritable organisation mafieuse, c’est comme ça que sont gérés les scandales au sein de la fédération. 

João Havelange a fait du football une mafia universelle. 

Il n’a pourtant jamais été poursuivi pour les nombreux crimes qu’il a commis. 

Il est mort paisiblement à son domicile de Rio de Janeiro à l’âge de 100 ans.

Blatter, lui, n’a pas eu cette chance.

Contraint de démissionner en 2015 lors d’une énième affaire de corruption, il est aujourd’hui encore sous les feux des projecteurs pour avoir profité d’un vaste réseau d’exploitation sexuelle en Haïti. Des arbitres et joueuses de la fédération haïtienne de football ont été forcés de coucher avec des officiels de la FIFA et ce pendant 20 ans…

La FIFA, toujours plus loin, toujours plus glauque, jamais inquiétée…

Devant notre télévision, nous sommes tous les trois petits singes, on n’a rien vu, on n’a rien entendu, on ne dira rien…

Bon match.

Texte : Laurent Latappy / Voix : Eric Lange

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