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FORMULE 1. MONACO 1996. LE SACRE DE PANIS.

FORMULE 1. MONACO 1996. LE SACRE DE PANIS.

Pluie diluvienne, circuit légendaire et un duel à 200 KMh : Panis contre Coulthard ! Story d’une course incroyable qui se termine sur un écart de 3 secondes !

Texte : Laurent Latappy Voix : David Gonner

Dimanche 19 mai 1996. 

Dans le ciel de Monaco, les nuages grondent et la pluie menace.

Face aux tribunes qui surplombent la place du Casino, l’horloge du somptueux bâtiment de Monte Carlo affiche 16h24.

 
 Il ne reste plus que 5 minutes de course, et deux coureurs, le français Olivier Panis et le britannique David Coulthard, sont toujours au coude à coude !

1 seconde et 5 centièmes séparent les 2 pilotes.

 
Après 250 kilomètres de course et 2 heures d’un combat acharné dans les rues étroites de la ville, ce 75e tour sera le dernier. Les yeux fixés sur la piste, les 2 mains fermement accrochées au volant de sa Ligier, Panis transpire à grosses gouttes. Dans son rétroviseur, la McLaren rouge et blanche de Coulthard le menace de près. 


D’un coup, l’averse s’intensifie et la pluie inonde à nouveau la piste.

Dans les tribunes, les parapluies s’ouvrent les uns après les autres.
Sur le circuit, des flaques se forment. Les monoplaces sont à peine pilotables. Les virages transforment les pilotes en funambules. Et malgré cette pluie diluvienne Olivier Panis continue d’attaquer !


Entre les 2 coureurs, l’écart se creuse dans le virage serré de la Rascasse. 

Avec maintenant trois secondes et demie de retard sur la Ligier, David Coulthard sait qu’il ne reviendra plus sur le français. 

Au même instant, à travers la buée de son casque, le français aperçoit au loin le drapeau à damier se lever. Un dernier coup d’œil dans le rétro et le pilote exulte !
Il est 16h30, Olivier Panis, 29 ans, file à plus de 200 kilomètres à l’heure vers la première victoire de sa carrière…

Comme chaque année, au mois de Mai, la Côte d’Azur est en ébullition. 

Après le festival de Cannes, c’est au tour de la Principauté d’attirer sur son rocher, les regards du monde entier.  

Tracé au cœur même de la glorieuse ville de Monaco, le Grand Prix, dont la première édition remonte à 1929, est aujourd’hui un évènement incontournable sur la scène sportive mondiale. 

3 jours de fête pendant lesquels vitesse, émotions et glamour se mélangent le temps d’une course unique en son genre, organisée comme chaque année par l’Automobile Club de Monaco.  

Parce que sur ce circuit, plus que partout ailleurs, tout se joue sur le talent. Une simple erreur de pilotage ou un dépassement mal négocié peut être fatale… Entre les virages serrés et les glissières de sécurité trop proches, les dépassements en course sont quasiment impossibles.   

Alors chaque année, nombreux sont ceux qui s’y pressent pour avoir le privilège d’y assister. 

En provenance de toute la Méditerranéenne, les yachts jettent l’ancre par centaines ; En ville, les immenses terrasses des palaces et des cafés sont bondées. Dans les tribunes qui bordent les 3 kilomètres de piste, pas une seule place n’est libre. Tous veulent voir ces 22 bolides dévaler à pleine vitesse les rues étroites et tortueuses de la plus prestigieuse des courses automobiles ! 

Et pour cette 6e manche de la saison 1996, les 260 kilomètres de course s’annoncent encore passionnants… Les essais qualificatifs de la veille ont placé Mickaël Schumacher en pole position, juste devant les deux autres grands favoris de l’épreuve : Le leader du championnat Damon Hill et le français Jean Alesi.

Dimanche … Jour de course… Étroitement assis dans l’habitacle de sa Ligier, Olivier Panis a les yeux fermés. Mentalement il parcourt le tracé. Chaque obstacle est identifié. Chaque virage est passé dans le bon rapport…. Chaque point de freinage visualisé.

Malgré sa 14e position sur la grille de départ, le pilote français est serein.

Il a, avec son équipe, décidé de tenter un pari : celui de remplir la Ligier jusqu’au goulot…145 litres de carburant ! Une centaine de kilos qui alourdit considérablement le véhicule mais qui pourrait bien éviter tout ravitaillement pendant la course. Car avec les grosses averses tombées en fin de matinée les cartes ont été définitivement redistribuées. Olivier Panis le sait, sur le mouillé, la vitesse est réduite et la consommation de carburant n’est plus tout à fait la même.

Après le tour de chauffe les voitures s’immobilisent. Les moteurs résonnent dans toute la ville. La sonnerie retentit enfin et les 5 feux rouges s’éteignent d’un coup. Dans le ciel obscur, l’immense drapeau vert s’agite dans tous les sens. Aussitôt, l’odeur de la gomme brûlée des pneus qui patinent sur l’asphalte se mélange à l’épaisse fumée blanche qui se dégage des moteurs.  

Il est 14h30, les 22 voitures s’élancent à plus de 250 km à l’heure dans les rues de la Principauté…

Même si l’averse s’est arrêtée, la piste humide complique les conditions de la course.   

 
Dès la première courbe, le redoutable virage de Sainte Devote, les accrochages s’enchaînent les uns après les autres.   

 
Schumacher, lancé à toute allure, maintient sa pole position. 

Mais l’entrée du tunnel qui mène au port lui est fatale.  

Le pilote allemand opte pour une trajectoire plus élargie et freine brusquement. Après seulement quarante secondes de course, la Ferrari dérape et s’encastre à pleine vitesse dans le rail. 

 
Damon Hill prend la tête de la course, suivi de près par Alesi, Berger, Irvine et Barrichello.  

 
Au même instant, Jos Verstappen tire tout droit au freinage et s’écrase à son tour dans la barrière de pneus. Fisichella lui, abandonne sa machine dans la montée du Casino et Barrichello part en tête-à-queue dans le virage (en épingle à cheveux) du Fairmont.  

 
À l’issue de cette première boucle, cinq pilotes sont déjà out !  

 
Derrière, malgré les kilos de carburant qui affaiblissent la Ligier du français, Olivier Panis déborde Brundle dans la montée de Beaurivage. 

Les tours s’enchaînent au rythme des accrochages et des abandons.  

Au onzième passage, la moitié du plateau est déjà éliminée.  

 
Au Portier, juste avant l’entrée du tunnel, Olivier Panis, en grande forme, se défait d’Herbert et grimpe en septième position. C’est le troisième concurrent que le jeune Français réussit à doubler depuis le coup d’envoi… Et si la stratégie mise en place était la bonne ? 

 
Peu à peu, la piste s’assèche, la trajectoire s’éclaircit et les chronos commencent à tomber. 
Au même instant, plusieurs voitures s’arrêtent à leur stand pour changer de pneus et ravitailler. C’est au tour du français de rentrer au stand…  Parti avec le plein, Panis change seulement de pneus et exécute un arrêt-éclair qui lui permet de remonter comme un boulet de canon sur le peloton de tête composé de Damon Hill, Jean Alesi et Eddy Irvine.

Désormais 4e, Panis se jette à l’assaut d’Irvine qui braque instantanément vers la gauche.  Les roues des deux monoplaces s’entrechoquent violemment.  Mais le français freine sèchement et réussit à bloquer la Ferrari du Nord-Irlandais face au rail.  

 
Olivier Panis entame alors le 37e tour en 3e position !  

 
Devant, Damon Hill compte toujours vingt-huit secondes d’avance sur Jean Alesi.  Plus pour très longtemps…Alors qu’il s’engage à plus de 220 km à l’heure sous le tunnel, le voyant rouge de son V10 clignote sans arrêt.

D’un coup, le moteur explose. l’anglais immobilise le véhicule et se dégage in-extremis de sa Renault.  

 
Jean Alesi passe premier ; Olivier Panis, deuxième. Les 2 français ont pris les premières places de la course! À Monaco, le public exulte. David Coulthard, lui, revient sur leurs talons. 

 
Entre les accrochages, les “tapes-rails“ en solo, et les nombreuses défaillances mécaniques, une dizaine de voitures accidentées stationne autour du circuit. En bord de piste, les pilotes furieux jettent violemment leur casque au sol et regagnent leur stand.  
Sur les 22 voitures positionnées sur la grille de départ, Il n’en reste plus que 9…

Malgré les gros nuages noirs qui assombrissent de nouveau le Rocher, la piste est désormais complètement sèche. Panis, survolté, réduit son retard avec Alesi à vingt-huit secondes. Coulthard lui, est semé. 

 
Au 59e tourultime coup de théâtre ! 

L’arrière-droit de la Benetton de Jean Alesi vibre de plus en plus. 

Le leader n’a plus le choix, il doit rejoindre son stand.  

Dans une cadence effrénée, les mécaniciens examinent la barre de torsion de sa suspension et relâchent aussitôt leur pilote. La Benetton n’ira pas bien loin…2 tours plus tard, Jean Alesi, dévasté, abandonne lui aussi.  

 
On approche des deux heures de course, Olivier Panis est désormais premier devant David Coulthard et Johnny Herbert. 
Chez Ligier, tous les regards sont tournés vers les écrans de contrôle. Personne n’ose encore croire à une victoire…

Peu après 16h, les 7 derniers pilotes encore en course, entament le 69e tour du circuit. Le ciel gronde sans arrêt et la pluie inonde à nouveau la piste.  

En raison des mauvaises conditions, Le circuit n’ira pas au bout de la distance. La direction de course annonce officiellement la fin de l’épreuve au 75e tour.

Le compte à rebours est lancé ! 

 
Coulthard accroche toujours Panis à moins d’1 seconde. 

Mais les rues tortueuses du circuit et les conditions de visibilité épouvantables empêchent définitivement le Britannique d’anticiper un dépassement.  

Derrière, Irvine part à son tour en tête-à-queue et barre l’accès au tunnel. Mika Salo et Mika Häkkinen, surgissent à pleine vitesse. L’hécatombe continue, trois nouveaux pilotes sont éliminés.  

 
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Au loin, le drapeau à damier s’agite dans tous les sens.   

Pour Olivier Panis, le jour de gloire est arrivé. 

 
Dans le box de l’écurie Ligier, l’équipe laisse enfin éclater sa joie.   

15 ans qu’elle attendait une victoire…Oui, 15 ans !

 
Une main sur le volant, l’autre brandissant un grand drapeau tricolore, le français salue la foule et rejoint son stand. À peine sorti de son habitacle, le pilote est porté en triomphe par son équipe et quelques spectateurs euphoriques. 

En haut des gradins, toute la famille Princière, debout, applaudit l’exploit du pilote français. Vainqueur inattendu, Olivier Panis remporte son 1er grand prix à Monaco au terme d’une course folle ! Parti 14e, il est l’auteur de la plus belle remontée de tous les temps à Monaco. Cette victoire est la 9ème et dernière victoire de l’écurie en tant que constructeur.   

 
Avec seulement 3 voitures qui franchissent la ligne d’arrivée, cette sixième étape de la saison 1996 est l’une des plus mémorables de l’histoire de la formule 1. 

Voilà pourquoi aujourd’hui, une victoire sur ce circuit reste encore et toujours, le plus grand rêve de tout pilote automobile…