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COMTESSE SANGLANTE – « Un bain de sang des vierges vous donnera la jeunesse éternelle »

COMTESSE SANGLANTE – « Un bain de sang des vierges vous donnera la jeunesse éternelle »

« Dieu…est-ce un péché de vouloir rester belle…et jeune ? »

La comtesse murmure dans l’ombre.

Une question qui sonne comme une prière.

Les ouvriers finissent le mur de pierres qui se dresse désormais à la place de la porte de sa chambre.

Dans quelques instants, elle sera emmurée.

Vivante.

Car ils vont la maintenir en vie.

Ils ont laissé une petite trappe dans le mur pour lui passer de l’eau et du pain.

Les fenêtres, elles, sont déjà condamnées.

Un minuscule filet de lumière subsiste timidement. Et encore, pas toute la journée, juste quand le soleil est du bon côté.

Sinon…c’est l’obscurité.

Le silence.

La mort à petit feu.

La comtesse a bel et bien péché.

Elle a torturé, tué, dévoré plus de 60 jeunes gens. Ou peut-être 300, voire 600…on ne sait plus, tellement il y en a… 

Surtout des filles. Surtout des filles vierges. 

Car c’est le sang des vierges qui offre la jeunesse et la beauté, et c’est dans ce sang que se baignait la comtesse.

La dernière pierre est posée.

On entend encore les derniers raclements de la truelle qui étale le mortier.

Et plus rien.

Seule, dans le noir, jusqu’à la mort.

Telle est sa peine.

La comtesse paye le prix de ses meurtres odieux.

Voilà comment se termine l’effroyable et véridique histoire, de la comtesse Bathory, morte en 1614, emmurée dans son château de Cachticé, (Tcharkitcé) en Slovaquie. Celle qu’on appellera « la princesse sanglante » aura passé trois ans à mourir.

Elle dont la vie est une histoire d’horreur.

Elle, qui a inspiré à l’écrivain Bram Stocker la légende de Dracula…

Celle dont on dit aujourd’hui qu’elle était une sérial killeuse…la première…la pire…

1560.

Le moyen âge se termine.

Un nouveau monde se dessine en Europe. A Londres, Paris, Vienne, une nouvelle période est en train de naître. Une période que l’on nommera l’époque moderne, le temps des rois, des grandes découvertes, les lumières, la Révolution française…

Mais au cœur de l’Europe centrale, on est bien loin de tous ces changements.

On vit dans un monde pétri de religion et de superstition, de violence, de nobles impitoyables et de paysans affamés. 

Un monde de guerre aussi, contre les Turcs qui menacent au sud. L’empire Ottoman gagne l’Europe. Il faut les contenir.

Le 7 août 1560, naît Elisabeth Bathory.

C’est elle la comtesse sanglante.

Les Bathory sont une grande famille hongroise. Une des plus anciennes et des plus puissantes du royaume. On possède des terres, des châteaux, des villages. On est princes, comtes, ducs, barons, dignitaires de l’église. On est influent à la cour du roi. D’ailleurs, on prête au pays des fortunes et on donne des soldats pour lutter contre les Turcs.

Elisabeth est donc issue de la noblesse.

Elle passe son enfance dans un château familial en Transylvanie où elle apprend le latin, l’allemand, le hongrois. Elle reçoit une éducation de qualité. Ce qui est rare, même chez les nobles et surtout pour les filles. 

Mais elle est fragile. Elle vit des moments de démence. L’enfant se jette au sol dans des crises d’hystérie. Elle bave, elle hurle, elle déchire ses vêtements.

On la soigne comme on peut mais on n’est pas surpris.

Ce n’est pas nouveau ce genre de comportement dans la famille.

Depuis quelques générations, on s’y marie entre soi, entre cousins, pour préserver la lignée, le sang bleu de la noblesse.

A force, on voit bien que cette consanguinité finit par produire son lot de dégénérés.

Autour d’Elisabeth, on trouve une tante meurtrière, des cousins fous, des oncles hystériques…

L’époque est dure, sanglante.

Soit on est noble et on fait la guerre.

Soit on est pauvre, on travaille dans les champs, pour les nobles, et on crève à trente ans de faim et d’épuisement.

On peut aussi cumuler les malheurs, être pauvre et envoyé à la guerre où l’on meurt rapidement, écharpé par les glaives ottomans.

La violence est quotidienne.

Un exemple ? Quand un paysan est reconnu coupable de vol, ou de malversation, il risque la peine suivante : le pauvre homme est enfoui vivant dans le ventre d’un cheval éviscéré, on recoud le tout et on abandonne homme et bête dans la forêt pour qu’ils soient dévorés par les loups…

C’est ainsi que l’on enseigne à la jeune Elisabeth comment faire régner la discipline sur les terres familiales…

Elisabeth est fille unique.

Gamine solitaire vivant dans un château de pierre, éclairé par des torches fumantes, entouré de forêts profondes.

Les hommes qu’elle croise dans les couloirs sombres, sont vêtus d’armures, ils sont lourdement armés. Ils reviennent de la guerre. Ils se frottent avec de la graisse de bouc pour camoufler le sang de leurs victimes dont ils sont couverts. Ils sentent fort, ils parlent haut, ils sont comme des démons puants et sanglants.

Pour la fillette, la violence et la mort sont la réalité. L’unique réalité de la vie.

Pas de douceur, d’amour, d’enfance innocente.

On la fiance à 11 ans avec un de ses cousins, le prince Ferenc (Ferents) Nadady, qui a 16 ans. 

Comme le veut la coutume, elle quitte sa famille pour le suivre chez les siens, sur ses terres hongroises.

Leur idylle est consacrée par une sordide histoire. Elisabeth couche avec un domestique et tombe enceinte. Peut-être était-ce un viol. On ne sait pas.

Furieux, Ferenc (Ferents) fait castrer le domestique avant de l’exécuter.

Notez le « avant ». Il faut souffrir avant de mourir. C’est la loi.

Elisabeth accouche mais personne ne sait ce qu’est devenu le nouveau-né. On n’en parle jamais.

L’affaire est scandaleuse. On laisse retomber la pression avant le mariage qui aura lieu 4 ans plus tard.

La famille Bathory est puissante, on l’a dit. Plus puissante que celle de Fernec (Ferents) qui décide de garder le nom de se femme. Il s’élève ainsi d’un cran dans la hiérarchie de la noblesse et le couple s’installe dans un fief des Bathory, le château Cachtiche. (Tcharkitcé)

Du haut de son promontoire, il domine un territoire immense, d’autres châteaux au loin, des vallées, des villages, des terres cultivables, des forêts, des hommes, des femmes…ils possèdent tout, ils sont riches…ils sont les rois chez eux…

Fernec (Ferents) paye le prix de son rang. Il part à la guerre. Régulièrement : Il s’absente de nombreux mois pour se battre contre les Turcs. Il gagne d’ailleurs une réputation de guerrier impitoyable.  On le surnomme « Le Prince Noir ». Un boucher. Doué pour le massacre.

Pendant ce temps, Elisabeth s’ennuie.

Elle a fait quatre enfants, la lignée est assurée et elle règne sur ses terres pendant que son mari fait la guerre.

Elle a le pouvoir.

Elle est libre, toute puissante.

Et elle est belle.

Elisabeth est grande, fine, musclée.

Ses longs cheveux noirs tombent sur ses reins.

Ses yeux verts dominent le monde.

Elle s’ennuie.

Et du fond de cet ennui, un monstre s’éveille.

Ce monstre est une femme qui aime la souffrance des autres. Qui aime lire l’effroi dans leurs regards, écouter leurs cris désespérés.

La bête qui monte en elle est folle, sadique, meurtrière.

Seule et toute puissante en son royaume, Elisabeth s’ouvre au mal et fait de la cruauté un passe-temps.

Elle commence par torturer doucement, du bout des doigts, par-ci par-là…Elle enfonce des aiguilles dans les fesses, les cuisses ou les bras de ses domestiques…pour voir …

pour regarder la souffrance et la peur, dans les yeux de la victime totalement soumise…

Une de ses servantes, qui la coiffe, a un geste un peu brutal, elle force sur le nœud dans les cheveux…alors Elisabeth frappe ! Le visage, le ventre, le dos, le sexe…Elisabeth frappe avec fureur, avec joie…le sang l’éclabousse…elle rit de sentir ces gouttes sur son visage…elle étale le sang sur son front, ses joues…elle se regarde dans le miroir.

Sa peau sous le sang qui s’écoule, est douce, brillante, satinée.

Elle est encore plus belle.

Et puis…Elisabeth passe à la vitesse supérieure.

La torture. La véritable.

Des gens disparaissent.

Des fermiers venus au château livrer des produits, des marchands, des paysans, des domestiques.

On sait qu’ils sont allés au château.

On est pratiquement certains qu’ils y sont entrés.

Depuis…plus de nouvelles.

Ça fait des jours, des semaines.

On s’inquiète. On jase. On parle d’odeurs pestilentielles qui s’échappent des caves, de cris de douleurs perçus dans les couloirs. On dit que la comtesse torture par plaisir. On dit qu’elle brûle les chairs au tisonnier, qu’elle arrache la peau, qu’elle découpe les doigts et les sexes…

On parle aussi de personnages mystérieux qui vont dans la forêt la nuit venue. Ils se débarrasseraient de cadavres en les livrant aux loups ou en les enterrant loin des chemins.

Mais la comtesse a du pouvoir.

On ne s’attaque pas comme ça à un personnage de haut rang. Respecté par le roi lui-même !

Il faudrait des preuves, des témoignages. On n’a rien.

Pas encore.

Alors on prévient son mari en espérant qu’il saura calmer toute cette folie.

Peine perdue.

Fernec (Ferents) est lui-même en train de massacrer des soldats turcs. Il torture aussi mais lui, c’est du haut vol ! Il empale, il écartèle, il décapite à tout va…alors les enfantillages de sa femme sur des domestiques et des paysans, il s’en moque.

Les terres sont bien gérées ? Le domaine est en paix ? Les paysans marchent au pas ?

Alors tout va bien.

Les méthodes d’Elisabeth sont peut-être un peu rudes, mais elles portent leurs fruits. Il écrit à sa femme, lui recommande de la mesure ou tout au moins de la discrétion. 

Et Fernec (Ferents) retourne à ses turcs.

Qui finissent par avoir sa peau.

Le prince noir est tué en 1604 sur le champ de bataille.

Elisabeth a 44 ans.

Elle est toujours aussi belle.

Et encore plus libre. Encore plus puissante.

Car une fois son mari enterré, Elisabeth hérite des terres et de tout ce qui vit dessus.

Elle est la maîtresse de son monde.

La folie va grandir. Une folie démesurée.

La page qui mène à l’épouvante, se tourne après une révélation : Elisabeth va vieillir.

L’histoire se déroule au cours d’une promenade. Elisabeth et l’un de ses cousins se baladent aux alentours du château. Ils croisent une vieille dame. Elle est courbée, ses cheveux grisâtres se font rares, sa peau est parcheminée, couverte de rides profondes et sales. Il ne lui reste que trois dents plantées dans une gencive noire.

Elisabeth se tourne vers son cousin, et lui dit : « Que ferais tu si je t’ordonnais de lui faire l’amour, là, maintenant ? ».

Le cousin répond en tremblant : « …ce serait horrible… »

La vieille a entendu l’échange.

Elle regarde Elisabeth de ses yeux noirs.

Elle la pointe du doigt
Et d’une voix ferme, sans concession, elle lui dit 

« Un jour, tu seras comme moi ».

Elisabeth est tétanisée.

Elle pourrait punir la vieille pour son insolence.

Elle n’en fait rien.

La vieille a raison, elle le sait. Un jour, elle va vieillir.

L’idée la ronge.

Elle est de plus en plus irritable. Un jour, pour punir une servante, elle fait enduire son corps de miel avant de l’abandonner dans un champ, à la merci des abeilles et des fourmis…

La comtesse se rend à Vienne. Elle rencontre des herboristes qui lui confectionnent des baumes à base de plantes ou d’autres choses. Notamment du sang. Du sang humain.

Ça ne suffit pas.

Elisabeth scrute sa peau, son visage, tout son corps. Elle cherche les signes, les marques, les tâches, les plis…

Elle est obsédée, non pas par la mort mais par la déchéance.

Aux fins fonds de la Transylvanie, elle se rend chez une sorcière qui lui parle de sang humain, de sacrifices pour appeler l’innommable, de pacte maléfique…

Elle poursuit son voyage.

Toujours plus au sud.

Elle parvient jusqu’en Égypte, au Caire.

Là-bas, sous les chants des muezzines qui appellent les fidèles à la prière, elle rencontre un vieux sorcier arabe. Un homme venu du sud qui connaît les mystères de l’Afrique et les démons du désert.

Quand Elisabeth rentre au château, elle en est convaincue, le sang joue un rôle essentiel. C’est lui qui donne la vie, qui régénère les corps, qui repousse l’usure.

Il faut du sang humain. Du sang neuf.

Mieux, du sang de vierges.

Là est le secret de l’éternelle jeunesse et de la beauté.

Des bains de sang.

Et le massacre commence.

Elisabeth s’entoure de complices, un nain, nommé Ficzko, la nourrice de ses enfants, Ilona, une autre employée du château qui se nomme Darko.

Ils écument la région à la recherche de jeunes filles. Ils négocient avec les paysans pauvres qui sont entourés d’une marmaille impossible à nourrir. Alors, contre un peu d’argent, on donne une fillette. Après tout, on lui promet un travail à la cour. Elle passera le balai, dormira sous les tables et mangera les restes, mais au moins, elle sera au chaud, et nourrie.

Alors on donne sa fille à la comtesse.

On parle de dizaines, de centaines de morts.

Les victimes sont battues, torturées, mutilées, mises à mort par la faim ou le froid.

On les vide de leur sang et la comtesse peut prendre ses bains.

L’histoire dure des années.

Dans la région, on comprend qu’il se passe quelque chose d’anormal.

Toutes ces personnes disparues, ces enterrements clandestins qu’on surprend certaines nuits…

Mais personne n’ose s’élever contre la comtesse Bathory…

Personne sauf…un prêtre.

Il se nomme Istvan (Ichtvan) Magyari, c’est le prêtre de la localité de Cachticé, (Tcharkitcé) autant dire qu’il est informé.

Les paysans et les habitants du coin se confient, se confessent.

Dès les premières disparitions, il envoie des lettres à Vienne mais le courrier est intercepté et détruit.

Il tente alors de se rendre lui-même à la cour du roi, mais les hommes de main de la comtesse l’arrêtent.

En 1610, 6 ans après qu’Elisabeth ait commis ses premiers meurtres, Magyari parvient à s’échapper et rejoint Vienne où il dénonce publiquement les exactions de la comtesse.

Au début, on ne prête pas attention à ses propos. Les victimes sont des enfants de paysans, de petites gens, on ne va pas se mêler des affaires locales de la comtesse Bathory.

Mais justement, la comtesse commet une erreur. Elle commence à enlever et à tuer des jeunes filles issues de la noblesse.

Les familles réagissent et à leur tour, alertent Vienne.

Ça commence à faire beaucoup.

Le roi envoie son premier ministre sur place.

Il se nomme György (Djiorgueu) Thurzo, (Tourzo) il est le deuxième homme le plus important du royaume, sa parole est d’or. Avec lui, pas de rumeurs, ce qu’il révèlera sera la vérité.

Et le 29 décembre 1610, Thurzo  (Tourzo) se rend à Cachticé. (Tcharkitcé)

Ce qu’il découvre dépasse l’entendement.

Dans les caves du château, des cages minuscules où sont enfermées des fillettes.

Des salles de tortures au sol couvert de sang.

Des cadavres putréfiés.

Des bacs remplis de sang.

L’horreur.

La comtesse et ses complices sont arrêtés et interrogés.

Tous racontent des histoires plus abominables les unes que les autres.

Les fillettes étaient battues à mort. Pour récupérer le sang, on leur coupait les doigts et on perçait les veines.

Parfois, il y avait tant de sang autour du lit de la comtesse, qu’on dispersait des cendres pour le boire.

Parfois, la comtesse mordait directement les filles, jusqu’au sang qu’elle buvait.

Les témoignages se multiplient. Les victimes s’additionnent. On parle de 600 personnes assassinées.

Un procès se tient rapidement.

Les complices de la comtesse sont torturés et brûlés vif.

Elisabeth, du fait de son rang, est emmurée vivante dans une pièce de son château.

Elle mettra trois ans à mourir.

Depuis…on raconte l’histoire.

On l’exagère sûrement.

Chacun y va de sa version, en livre, en bande dessinée, au cinéma.

Comment savoir le vrai du faux.

Plus de quatre siècles se sont écoulés…

Il existe peut-être un moyen.

On raconte qu’avant de l’emmurer, des religieux ont donné à Elisabeth un cahier afin qu’elle confesse ses péchés par écrit pour, peut-être, accéder à la rédemption.

Le cahier existerait toujours.

Il serait dissimulé dans les archives d’un monastère situé aujourd’hui en Slovaquie.

Ce serait un sacré voyage…

A la recherche de la dernière confession de la comtesse sanglante.

Texte : Eric Lange / Voix : Caroline Klaus

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