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Alexandre Lange, Acquittée après avoir tué

Alexandre Lange, Acquittée après avoir tué

23 mars 2012. Cour d’assises du Nord, à Douai. 

La présidente du tribunal, Catherine Schneider, prend la parole. 

« À la question relative à l’homicide volontaire, il a été répondu oui à la majorité des six voix. À la question relative à la légitime défense, il a été répondu oui à la majorité des six voix. Madame Lange, vous êtes acquittée. » 

Des cris de joie brisent l’épais silence qui règne dans la salle. 

Le verdict est historique.

En juin 2009, Alexandra Lange, 29 ans, a tué son mari d’un unique coup de couteau au cours d’une nouvelle nuit de violences conjugales. 

Il la battait depuis douze ans. Leurs quatre enfants subissaient les mêmes traitements.

La jeune femme est libre.

Elle est la première femme en France acquittée du meurtre de son mari.

En cette journée de printemps 1997, le temps est doux.

Alexandra Lange a passé l’après-midi avec Aurélie, une amie. Les adolescentes sont en train de parcourir à pied les quelques kilomètres qui séparent les deux petites communes du Nord, où elles habitent. 

À 17 ans, elles discutent à bâtons rompus du bac qui approche. 

Au détour d’un terrain qui abrite des caravanes, voilà qu’on les salue. Marcelo Guillemin est une connaissance d’Aurélie. On le surnomme Marcelino.

Alexandra tombe immédiatement sous son charme.

Elle a 17 ans. Il en a 31. 

Marcelino fait partie de la communauté du voyage. Il a déjà deux enfants et est en instance de divorce. C’est dans sa caravane qu’Alexandra le retrouve, deux jours par semaine. 

De son côté, elle vit seule avec sa mère. Son frère et sa sœur aînés ont quitté le foyer, comme son père. Le couple Lange s’est séparé quand Alexandra avait neuf ans. Une épreuve pour la petite fille, qui trouve sa mère distante et rigide et se sent davantage proche de son père. 

Alors quand Marcelino lui explique que chez les gitans, une femme amoureuse doit emménager avec l’homme qu’elle aime, elle accepte sans se poser de questions. 

Contre l’avis de ses parents, elle s’installe dans sa caravane, en août 1997. 

Le confort est spartiate mais Alexandra se sent libre, enfin. Elle est heureuse de s’occuper de son nouveau foyer tout en travaillant ses cours. 

Le père de Marcelino et Claude, l’un de ses frères, habitent sur le même terrain. 

Cette nouvelle vie, où se mêle collectivité et grand air, plaît à l’adolescente. 

Mais deux mois plus tard, l’idylle naissante bascule. 

Le couple héberge le fils d’un ami âgé de dix ans. Une après-midi, Alexandra surprend Marcelino devant un film pornographique avec le petit garçon. 

Elle est choquée, et lui demande d’éteindre. Marcelino se vexe et la rabroue. Alexandra insiste. Il l’insulte. « Ne me parle pas sur ce ton ! », crie-t-elle.

En face, le trentenaire explose. 

Marcelino se jette sur elle en hurlant. Une pluie de coups s’abat. Il la gifle, la frappe de ses poings. Alexandra étouffe, ne parvient pas à crier.

Quand elle se réveille au milieu de la nuit, l’adolescente est étendue au sol, là même où elle s’est fait battre. Elle est hébétée, mais veut croire à un accident. 

Claude, le frère de Marcelino, lui fait pourtant une confidence : 

« Marcelino est un être épouvantable. Pars tant qu’il est encore temps. »

D’ailleurs, ses cinq frères et sœurs sont en froid avec lui.

Rien n’y fait. 

En avril 1998, Alexandra tombe enceinte. Et deux mois plus tard, elle épouse Marcelino. De sa famille à lui, seuls ses deux premiers enfants et son père sont présents au mariage. 

La famille d’Alexandra, elle, est venue au grand complet. Même s’ils désapprouvent cette union, ils sont venus. Ils ne savent pas que Marcelino est violent. Mais c’est comme ça. Ils ne l’aiment pas.

En janvier 1999 naît Séphora. 

Le couple vit du RMI. Travailler ne fait pas partie des projets de Marcelino. Il vend bien quelquefois de la lingerie sur les marchés avec Alexandra, mais l’affaire ne rapporte pas assez, ils abandonnent. Marcelino s’improvise alors ramoneur. Ne supportant pas de recevoir d’ordres d’un autre, il se met à son compte. Après s’être occupé d’une dizaine de cheminées tout au plus, il laisse tomber le ramonage.

Alexandra, qui voulait devenir institutrice ou vétérinaire, n’a pas passé le bac. 

Elle aimerait travailler, mais son mari le lui interdit. « Chez les gitans, ça ne se fait pas. »

Dans la caravane, c’est elle qui s’occupe de tout. Ménage, repas, enfants…

De son côté, Marcelino boit de plus en plus. Quand les bouteilles sont vides, c’est à Alexandra de se charger du réapprovisionnement. Des trajets qu’elle fait à pied, car elle n’a pas le permis. 

L’alcool aidant, Marcelino se transforme en une fraction de seconde. 

Depuis la première crise, la violence s’infiltre sournoisement dans leur quotidien. Marcelino donne régulièrement à sa femme un coup sur le bras pour rigoler, dit-il, un coup de torchon sur les fesses, pour la taquiner. Alexandra proteste. Il en rajoute. Et un jour, alors qu’elle réagit un peu plus qu’à l’accoutumée, les coups pleuvent. 

Aux sévices physiques s’ajoute la violence psychologique. 

Marcelino appelle rarement sa femme par son prénom, auquel il préfère des insultes. Il lui interdit parfois de porter des pantalons et des jupes courtes. Alexandra n’a le droit qu’aux robes longues, dont les manches cachent ses poignets. 

Il la dénigre aussi auprès de leur enfant. Un matin, Séphora se tient sur les genoux de Marcelino. La petite fille ne parle pas encore. En évoquant sa mère, il lui susurre : « Elle, elle est vilaine, tape-là. » 

Comme il interdit toute forme de contraception à Alexandra, et que leurs rapports intimes prennent rapidement la forme de viols conjugaux, la fratrie ne tarde pas à s’agrandir. Josué naît en novembre 2000. 

Alexandra vit dans la peur, elle perd pied, se renferme. 

Sa famille s’est éloignée. Seul Marc Lange, son père, tient bon et continue à prendre de ses nouvelles. 

Jusqu’à ce qu’un jour, la violence de Marcelino dépasse le cadre du couple.

Le départ d’Alexandra de chez sa mère les a éloignées davantage. Mais une après-midi, elle se présente à leur porte. Elle veut voir sa petite-fille. 

C’est Marcelino qui ouvre. Et il refuse que sa belle-mère mette un pied dans la maison. Rapidement, le ton monte. La mère d’Alexandra ne se laisse pas intimider. Elle fait valoir ses droits de grand-mère, tente de forcer le passage. 

Alors Marcelino la gifle. Si fort que ses lunettes volent. 

Choquée, la mère d’Alexandra crie qu’elle va porter plainte. Elle s’en prend aussi à sa fille, qui ne l’appelle pas assez et ne lui confie pas ses petits-enfants.

Elle quitte les lieux après s’être frayée un passage pour embrasser Séphora.

Après son départ, Marcelino, mutique jusqu’à présent, se retourne contre sa femme : tout ça, c’est de sa faute, elle se laisse trop faire par sa mère. 

Le seul face auquel Marcelino fait profil bas, c’est Marc Lange. 

Quelques minutes après l’incident, il se tient devant chez eux, alerté par la mère d’Alexandra. 

Il frappe énergiquement à la porte. Marcelino refuse d’ouvrir. Pire, il prend sa fille dans ses bras pour se protéger. 

Marc Lange fait irruption dans le salon et invective son gendre.
Alexandra parvient à prendre Séphora dans ses bras. 

Son père se jette sur Marcelino et le gifle. Qu’il ne s’avise pas de relever une seule fois la main sur son ex-femme. 

Alexandra est plus isolée que jamais. 

Alors que son quotidien s’enlise dans la violence, elle accouche de sa deuxième fille, Saraï-Béthanie, à la fin de l’année 2002. 

Marcelino, lui, est de plus en plus menaçant. Les coups sont devenus une banalité et il a pris l’habitude de porter sur lui un couteau. Du matin au soir, l’arme blanche est glissée dans une de ses poches ou dans son dos, sous son ceinturon. 

Mais ce qui effraie le plus Alexandra, c’est que son mari s’en prend maintenant aux enfants. Les marques sur leurs corps se multiplient. Un jour, il va jusqu’à  frapper la tête de Josué sur le coin d’un meuble. Le petit s’en sort avec un œil au beurre noir, qui englobe l’orbite, l’arcade et la pommette. 

À l’automne 2003, c’est l’épisode de trop. 

Le couple vit à Béthune, sur un terrain qui accueille 200 caravanes. 

La famille en occupe trois. La première fait office de cuisine et de pièce à vivre. Les parents et les enfants dorment dans la deuxième et Kevin, le premier fils de Marcelino, dans la dernière. À dix ans, le petit garçon est venu vivre avec son père. 

En cette après-midi d’octobre, Alexandra s’affaire, comme à son habitude. 

Elle est en train de préparer le dîner. Les enfants jouent dehors. Marcelino est assis dans un fauteuil. Il est saoul et marmonne contre sa femme, l’accablant de reproches. 

Elle n’est pas d’humeur et lui répond, comme il lui arrive de le faire parfois. Quand elle ose, quand la peur ne la taraude pas. 

Marcelino sort de ses gonds. Il enserre la gorge d’Alexandra d’une main et la frappe de l’autre. Elle suffoque. Puis sa tête heurte le réfrigérateur. Elle crie, mais personne ne vient à son secours.

Marcelino n’a jamais été aussi violent. 

Subitement, il s’arrête.

Aujourd’hui, les coups ont laissé pour la première fois des stigmates sur le visage d’Alexandra. 

Elle reste prostrée au sol avant de pouvoir se relever. 

Deux femmes de son entourage constatent ses blessures et la questionnent. L’une fait partie de la famille de son mari. L’autre est une voyageuse, qui s’est établie pour un temps au milieu des caravanes avec son camion. 

Alexandra se confie pour la première fois sur son quotidien. 

Ses alliées parviennent à la convaincre : elle doit porter plainte. 

Alors elle profite de l’absence de Marcelino pour appeler la gendarmerie, apeurée. À l’autre bout du fil, on l’écoute. 

Une voiture de gendarmerie ne tarde pas à arriver. Mais ses occupants restent à l’intérieur, à observer Alexandra de loin. Celle-ci peine à tenir debout. Son arcade sourcilière tuméfiée la fait souffrir.  

« S’il n’y a que ça, on ne peut pas faire grand-chose madame. Il n’y a pas assez de sang ! » lui lancent les gendarmes. 

Alexandra est abasourdie. 

Le surlendemain, elle décide de fuir avec l’aide de la voyageuse auprès de laquelle elle s’est confiée. Après avoir caché discrètement des sacs de vêtements dans son camion, elle prend ses trois enfants et monte dans le véhicule. Elle emmène aussi Kevin. Aucun ne rechigne à quitter les lieux.

Alexandra, Séphora, Josué, Saraï-Béthanie et Kevin se retrouvent à l’Union territoriale de prévention et d’assistance sociale. La jeune mère de famille de 24 ans raconte son calvaire. On la rassure, on va tout faire pour l’aider. Mais les foyers sont pleins. Aucune place n’est disponible. Quant à Kevin, il n’est pas le fils d’Alexandra. Elle doit se résoudre à le laisser aux services sociaux.

La structure lui propose une solution alternative : payer les premières nuits dans un hôtel Formule 1. 

Dans la minuscule chambre, la famille peut souffler. Alexandra a tellement peur qu’elle n’ose en sortir. 

Les femmes qui l’ont aidée lui rendent visite. Mais un jour, Alexandra voit arriver l’une des nièces de Marcelino, qui a découvert où elle se cachait. D’après elle, il est au plus mal. 

Alexandra l’a compris, ses rêves de liberté s’arrêtent ici. 

Marcelino sait maintenant où la trouver. 

Et bientôt, le téléphone sonne. C’est lui. Il dit qu’il a compris, qu’elle lui manque, qu’il va changer. 

Au fond, Alexandra le sait : elle va finir par rentrer. Elle tourne en rond dans cette chambre et n’a pas de projet pour la suite. Peu de temps après, Marcelino vient les chercher. 

C’était à prévoir : les années qui suivent sont cauchemardesques. 

Marcelino n’a pas changé, évidemment.

Il lui dit même : « Tu vois comment j’étais avant ? Et bien je serai pire. »

Après avoir purgé une peine de prison ferme pour conduite sans permis et récidive en état d’ébriété, il fait une quinzaine de tentatives de suicide en un an. À chaque fois, il ingère de l’alcool et des médicaments. Juste assez pour ne pas sombrer complètement. 

Alexandra finit par le faire hospitaliser. À son retour, elle le trouve changé. L’espoir lui fait oublier le reste. 

Mais une fois l’effet des médicaments dissipé, Marcelino redouble de violence. Après la tentative de fuite d’Alexandra, une mesure de suivi a bien été décidée. Des éducatrices spécialisées passent régulièrement une heure avec la famille au complet. Une heure pendant laquelle Marcelino donne le change, se montre mielleux. 

Puis un jour, il menace de tuer Alexandra. 

Alors quand elle tombe à nouveau enceinte, la jeune femme veut avorter. 

Mais elle laisse passer le délai et Siméon naît en octobre 2006. 

Près d’un an plus tard, la famille emménage à Douai. C’est le dixième logement qu’elle occupe. Contrairement aux autres, la maison de ville mérite d’avoir du chauffage et une salle de bain digne de ce nom. 

Mais le confort n’endigue pas la violence. 

En février 2009, un an et demi après leur emménagement, un événement tristement annonciateur se produit. 

Sabrina, la première fille de Marcelino, est venue déjeuner. 

Alexandra a dû préparer un repas pour sept personnes et fait la vaisselle avant de raccompagner les enfants à l’école. 

Marcelino, qui a trop bu, la rejoint dans la cuisine. Il attrape un coussin, avec lequel il lui donne des coups sur la tête. 

Alexandra est en train de laver des couteaux. Elle proteste, lui dit que c’est dangereux. 

En face, Marcelino s’approche, d’abord lentement, puis se jette sur elle. Et sur les couteaux. L’un d’entre eux le touche à l’abdomen. Il s’affaisse. 

Dans un premier temps, il refuse de se rendre à l’hôpital. Il ne s’y résout que le lendemain, convaincu par leurs voisins. Fatima et Dominique font partie des rares personnes à leur rendre encore visite. 

Au médecin qui l’examine, Marcelino explique s’être fait agresser par un homme qui lui avait demandé une cigarette. 

Retour à la maison.

Au printemps 2009, Alexandra ne supporte plus les violences. Elle finit par appeler son père. En pleurs, elle lui raconte tout. Il s’en doutait et l’enjoint à aller porter plainte. Au commissariat, on lui fait simplement signer une main courante. 

Marc Lange est décidé à sauver sa fille. Avec la complicité de Fatima et Dominique, il imagine un plan. C’est en septembre qu’ils doivent le mettre à exécution. 

Ils n’en auront pas le temps. 

Chez Alexandra et Marcelino, la soirée du 18 juin 2009 commence comme bien d’autres.

Fatima et Dominique, les voisins, sont passés les voir. Mais voilà qu’à l’étage, une dispute éclate entre Séphora, âgée maintenant de dix ans, et Fatima. Une histoire anodine de toilettes sales. 

Marcelino n’accepte pas le ton de sa fille. Il se lève, menaçant. Les voisins s’éclipsent. Depuis la chambre de Séphora, Alexandra entend les cris étouffés de sa fille, et les insultes de son mari, proférées à son encontre. Le silence revenu, Alexandra se rue à la rencontre de Séphora, qu’elle retrouve brûlante et en pleurs. 

Il faut que ça cesse.

Quand les enfants seront couchés, elle prendra son courage à deux mains et parlera à son mari. 

Ivre, Marcelino s’est endormi dans son fauteuil. 

Alors Alexandra attend, la peur au ventre, qu’il se réveille pour pouvoir entamer la conversation qu’elle redoute. Pour se contenir elle plie du linge, range la cuisine. 

Il est 2 heures du matin. Marcelino émerge et la rejoint sur le canapé.

Alexandra se lance : « il faut que je te parle. »

Pour pouvoir continuer, elle doit bouger. 

Elle va dans la cuisine. Marcelino la suit et la presse de questions. Sa rage est en train de monter. Alors Alexandra explose : « je veux demander le divorce. Je veux porter plainte pour la violence que nous subissons, les enfants et moi ! »

Marcelino se jette sur elle. De sa main gauche il l’étrangle, de l’autre il la gifle. Alexandra tente de desserrer son étreinte, mais il la mord. Les coups s’enchaînent.

Alexandra se voit mourir. Après une nouvelle claque, sa tête bascule sur le côté. 

Sur le plan de travail, elle aperçoit un couteau. 

Son corps agit pour elle. Elle s’en saisit, ferme les yeux, et frappe son mari. Du sang jaillit depuis l’arrière de sa tête. Marcelino s’écroule. 

Il est mort. 

Alexandra est sous le choc. Il est 4 heures du matin. Son premier réflexe est d’appeler son père.

À son arrivée, elle lui indique la cuisine, le couteau encore à la main. Marc Lange se précipite dans la pièce. Il hurle, demande des explications. Prévenus, le frère et la sœur d’Alexandra arrivent aussi. Puis c’est au tour de la police, qui embarque la mère de famille. 

Alexandra est rapidement transférée à la prison de Valenciennes. Elle y passera seize mois et vingt-huit jours, avant d’être libérée pour comparaitre libre à son procès. 

Le procès d’Alexandra Lange s’ouvre le 20 mars 2012, devant la cour d’assises du Nord. Le chef d’accusation est lourd : homicide volontaire sur conjoint.

Quatre mois plus tôt, grâce à son référent au centre d’hébergement et de réinsertion sociale qui la suit, l’accusée a rencontré ses avocates. 

Maîtres Janine Bonaggiunta et Maître Nathalie Tomasini sont spécialisées dans les violences conjugales. 

L’enjeu du procès est de savoir si Alexandra Lange a agi par légitime défense. 

En droit français, ses conditions d’application reposent sur trois critères : la victime ne doit pas avoir d’autre solution que d’accomplir cet acte, elle doit agir au moment de l’agression et non après, et les moyens employés pour se défendre doivent être « proportionnés à la gravité de l’infraction ». Ce dernier point pose problème. Au moment des faits, Marcelino ne tenait pas de couteau. 

La nuit du drame, Marc Lange a voulu faire croire l’inverse, en glissant un couteau non loin de la main inerte de Marcelino.  

Avec Alexandra, il comparait aussi pour « modification illicite de la scène de crime ».

Pour l’avocat général, Luc Frémiot, qui doit porter l’accusation, aucun doute n’est permis. Dans un réquisitoire poignant d’une heure, il prend fait et cause pour Alexandra Lange.

«Quelle serait la crédibilité, la légitimité de l’avocat de la société qui viendrait vous demander la condamnation d’une accusée, s’il oubliait que la société n’a pas su la protéger ? » En regardant Alexandra, il conclut : « Vous n’avez rien à faire dans cette salle d’assises. Acquittez-là ! »

Trois heures plus tard, le verdict tombe : les jurés ont entendu Luc Frémiot. Alexandra Lange est acquittée pour le chef d’accusation principal, celui de meurtre. Elle et son père écopent chacun d’une peine de prison avec sursis pour avoir modifié la scène de crime. 

Les journaux ont qualifié le procès d’historique. 

Depuis, Maîtres Bonaggiunta et Tomasini ont défendu d’autres femmes dont les parcours de vie terribles ont pris fin dans le drame, à l’image de Jacqueline Sauvage. Avec ces dossiers, les deux avocates tentent de faire évoluer le droit français en matière de légitime défense. 

Chaque année en France,

Plus de 200 000 femmes sont victimes de violences conjugales. Seulement 18% d’entre elles portent plainte.

En 2021, 113 femmes ont été tuées par leur mari.

Victimes de ce ce que l’on nomme désormais un « féminicide ».

Texte : Manon Gauthier Faure

Voix : Marie Zidi et Eric Lange

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