STAR WARS, Du naufrage au succès
De quoi ça parle exactement? Tu es sûr que ça va marcher en salle ? De Palma met les pieds dans le plat : C’est quoi cette connerie de Force? Et il est où le sang lorsqu’on tire sur les gens ?
Nous sommes en 1982 et Stephen J Cannell n’en mène pas large.
Stephen J Cannell, vous le connaissez sans vraiment le connaître. Ce n’est pas une star devant la caméra – quoique, pour s’amuser, il a tenu quelques rôles par ci par là. Mais non..! Lui son truc, c’est de créer des séries. De les écrire. Et ce n’est pas si simple que ça pour lui car il a été diagnostiqué dyslexique. Mais n’empêche, à force de concentration et de travail, il a réussi à se faire une place comme scénariste. Il écrivait des scripts tous les jours après son boulot, avant que cela ne devienne son boulot, justement. Puis il a écrit pour les séries des autres, avant de créer les siennes.
Et si je vous dis que vous le connaissez , c’est que, à la fin des épisodes des séries, on le voit en train de taper furieusement à la machine puis d’arracher la feuille. Ca vous dit quelque chose, hein ? Riptide, Rick Hunter, Le Juge et le Pilote, 21 Jump Street, un Flic dans la mafia, Les Dessous de Palm Beach, l’as de la cîme, Timide et sans complexe, c’est lui qui les a produites… et quelquefois créées.
Et pourtant, cet homme qui devrait ne plus rien redouter n’en même pas large. Quand il arrive dans le grand bureau du tout nouveau patron de la NBC, il flippe grave !
En effet, les deux séries qu’il produisait vont sans doute s’arrêter. Bon, c’est la vie, y’a pas de quoi stresser, hein… Sauf que là, il y a les 450 employés de sa structure de production qui en dépendent. Donc là, c’est un peu : soit tu décroches une nouvelle série, soit tu fermes boutique.
Vous comprenez un peu, la pression ?
Première rencontre donc entre les deux hommes, le producteur mythique et le nouveau génie de la programmation de NBC.
Et là, il a cette discussion surréaliste :
« Alors, Stephen moi j’aimerais bien que tu nous créées une série d’action avec plein de cascades, comme il y en a dans Mad Max. Tu as vu Mad Max ? Les cascades sont démentes, hein. Donc voilà. J’aimerais bien ça. Avec une équipe qui serait un peu comme « Les 12 Salopards ». Tu as vu Les Douze Salopards, hein ? Oh, et puis il pourrait y avoir un personnage un peu fou, un peu dingue. Comme Belker, le flic de Hill Street Blues. Tu n’as pas vu Hill Street Blues ? Ce Belker, c’est clairement une parodie de Serpico, un flic mal fagoté, agressif et là, il est tellement fou qu’il mord les méchants ! Tu devrais regarder, Stephen. Oh et puis aussi ça serait top d’avoir en vedette Mister T. Tu connais Mister T ? C’est le boxeur face à Rocky dans le dernier film. Tu as vu le dernier Rocky ? Le mec avec la coupe de cheveux un peu étrange et un regard de tueur. Voila, Stephen tu me fais un truc comme ça et moi je te le prends pour ma chaîne. On s’appelle ? On se fait un déj ? A bientôt Stephen. «
Bon, Stephen J Cannell est un peu sidéré… à peine sorti de cette entrevue lunaire, il appelle Frank Lupo, un autre scénariste avec qui il s’entend bien et il lui raconte tout ça. Vite, il faut qu’ils trouvent quelque chose.
Et là, en 3 heures, Cannell et Lupo vont trouver la série avec toutes les contraintes qu’on leur a données. Une équipe de mercenaires, qui n’ont peur de rien. Une sorte de cartoon, comme Beep Beep et le Coyote, avec un humour absurde. Et des situations excessives, comme dans les comics avec les super héros qui font tout péter sans jamais de morts. Et chance, Lawrence Tureau est dispo et OK pour le projet. Lawrence Tureau, c’est le vrai nom de Mister T.
Mais bon, tout de même, Cannell a un ingrédient secret qu’il veut inclure dans le concept. Un peu comme une épice qui relève le goût.
Le Vietnam.
Cannell va faire de ses personnages des soldats qui ont combattu ensemble au Vietnam, qui ont des sequels de leurs actions et qui sont recherchés car ils ont cambriolé la banque d’Hanoi. Donc des personnages que la guerre a rendus sans foi ni loi.
Euh… là, il faut faire un pas en arrière car jamais la chaîne n’acceptera de faire une série avec des
héros qui sont cyniques ou diaboliques. Alors on va dire qu’ ils sont accusés à tort, qu’ils étaient en mission commandée.
Mais faire des héros des vétérans du Vietnam, c’est risqué. A cette époque, c’était une guerre qui était devenue extrêmement impopulaire auprès des américains et la plupart des vétérans traités comme des rebuts de la société, des gens qui ont connu tellement d’horreur et qui ont commis tant d’actes horribles… Donc de réhabiliter ces vétérans, c’estune bonne démarche. Et d’en faire des justiciers un peu rigolos qui font exploser les camions sans jamais faire de victime, ben ça peut aider.
Alors Cannell et Lupo ne font pas de ce thème le sujet principal mais c’est évoqué dès le début , dans le générique de la série.
C’est une bonne démarche, n’est-ce-pas ? Faire du spectacle, de la distraction, de l’action mais y inclure un contexte plus sérieux qui va amener la réflexion.
Sauf que ça, chez nous, on ne l’a pas capté.
A cette époque, dans les années 80, la télévision française exerce encore un ordre moral et une dictature du goût avec, en plus, une pincée de choix politiques. Bref, en résumé, on appelle ça la censure.
Et elle touche surtout les séries américaines car celles-ci ne doivent avoir qu’une seule et unique fonction : distraire. Donc, sont choisis très majoritairement les genres les plus stéréotypés qui existent. Le western et le policier. Le cow-boy et le gangster. La carte postale absolue du cinéma hollywoodien.
Donc là, l’Agence tout Risque, c’est parfait parce que c’est de la grosse action avec un côté bien « bourrin ».
Et le sous-texte que veut apporter Stephen J Cannell ?
Oooooh. Ca ? Ben, on va le retirer.
Oui, Vous avez bien entendu.
On va purement et simplement édulcorer, modifier et censurer la série pour sa diffusion en France. On va enlever les scènes où on parle trop explicitement du Vietnam. C’est simple : un coup de ciseau dans la pellicule et hop, plus de Vietnam. Quand c’est au détour du dialogue, on va changer cela. On ne traduit pas « guerre du Vietnam » mais on met « hostilités ». La grosse voix off sur le générique qui explique que des vétérans du Vietnam ont formé la A Team est remplacée par une chanson rigolote.
Voila. Cest comme ça que la série sera connue dans notre pays : en gommant absolument toutes les allusions à l’origine des héros ou à la guerre du Vietnam. Et cela bien sûr sans le dire aux créateurs. C’est moi qui l’ai dit à Cannell quand j’ai pu l’interviewer des décennies plus tard.
Et L’Agence tout Risque n’a pas été la seule. Comme on considérait qu’il ne fallait pas évoquer la guerre du Vietnam auprès des spectateurs français, parce que ça ne les intéressait pas ou qu’ils n’allaient pas comprendre, on l’a fait aussi sur Magnum. Et on l’a fait aussi sur d’autres sujets, comme les tendances homosexuelles de personnages comme Steven dans Dynastie.
On était trop bête pour comprendre et il ne fallait pas nous déranger la tête avec ça.
Ca ne s’arrête pas là.
Si je vous dis 12 O’Clock High ou Blue Light, ça ne vous dit rien, hein ? Et pour cause : il s’agit de deux des nombreuses séries américaines vantant les exploits de soldats pendant la seconde guerre mondiale.
Et si je vous dis Richard Chamberlain, je fais le pari que vous ne répondrez pas « Le docteur Kildare », la série qui a fait de lui une vedette.
Et pour cause : séries de guerre ou séries médicales, elles étaient systématiquement retoquées par la télé française. « Donnez nous du flic ou du cow-boy, pas la guerre qui va rappeler à nos spectateurs la triste période de l’Occupation. Pas des docteurs qui pourraient inciter nos chers téléspectateurs à mieux comprendre leur maladies ».
Donc on n’a gardé de l’Agence tout Risque que son côté amusant, enfantin, cartoonesque. Loin, aux Etats-Unis, ces vétérans de la Guerre du Vietnam, Hannibal, B.A., Face et Howling Mad, ils réunissent 42 millions de spectateurs !
Joli, non ? Moi, j’adore quand une série se déroule sans accro.
Texte et voix : Alain Carrazé
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