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Êtes-vous prêt pour un monde sans viande ?

Êtes-vous prêt pour un monde sans viande ?

Comme on dit dans ces cas-là avant de commencer : « Attention des images pénibles sont susceptibles de choquer les plus sensibles. »

C’est un élevage industriel et un abattoir en France. En Saône et Loire. Les veaux sont dans des cages. Des cages étroites. Un pas en arrière. Un pas en avant. C’est tout. Pas moyen de se tourner.

Ils sont dans l’obscurité.

Devant eux, une mangeoire. Ils avalent une bouillie blanchâtre qui se mélange parfois à leur merde. 

Comment cette fiente se trouve-t-elle mêlée à la nourriture ? On ne sait pas. Mais ce n’est pas étonnant. Tout est glauque, sale, poisseux…

Les veaux sont mal en point.

Ils toussent. Ils râlent.

Leurs yeux se tournent vers la caméra. S’approchent. Gros plan. On imagine y voir de la terreur. De la folie. De l’incompréhension, sûrement. Que font-ils là ? C’est quoi tout ça ?

Ils sont nés il y a quelques semaines. On les a aussitôt arrachés à leur mère. Depuis ils sont là.

C’est quoi tout ça, demande l’œil vitreux qui nous regarde.

Nous on sait ce que c’est tout ça… Il va mourir. Et ça ne va pas trainer.

Égorgés à la chaîne.

Un avenir d’escalope milanaise au bistrot du coin.

Il y a pire…

Un tapis roulant sur lequel passent des vaches mortes. Un type se tient là. Son job, ouvrir les ventres qui passent avec son couteau XXL, et sortir les organes qui glissent dans une trappe, portés par les fluides corporels. 

Parmi les panses et les boyaux, on voit parfaitement des fœtus de veaux…

Des veaux quasi formés…un autre type récupère le sang des fœtus en les pressant comme des oranges. Le sang sera revendu à des labos pour les cultures de cellules.

Nous sommes choqués, bien sûr.

Révulsés.

C’est le but.

Ces films sont largement diffusés et partagés sur les réseaux sociaux dans les années 2020.

Ils sont réalisés par une association nommée L214.

L214 défend les animaux utilisés comme ressource alimentaire. Le bétail. Ses conditions de vie et, on l’a compris, de mort.

L214 dénonce l’industrialisation de la production de viande, un monde où l’on considère le vivant comme du matériel. Un cochon n’est plus un animal mais une matière première. Et on n’a pas de sentiments avec une matière première, personne ne se préoccupe du bien-être du gaz ou du charbon… juste un souci de rentabilité.

D’où les traitements épouvantables pratiqués sur les animaux et dénoncés par L214.

Arrive alors une information qui n’est pas choquante en soi mais…surprenante.

Un des fondateurs de Facebook financerait L214.

Qu’est-ce que c’est que cette histoire.

Qu’est-ce que les génies milliardaires de la Silicone Valley viennent faire dans un abattoir de Saône et Loire. Pourquoi ces types s’intéressent-ils au bien être des veaux ou des cochons français ?

L’association L214 vit grâce à des dons. L’argent vient de particuliers, d’entreprises, de fondations.

Une de ces fondations l’OPP, l’Open Philanthropie Project, a signé un chèque de plus d’1 million d’euros à L214 en 2017 et un deuxième, du même montant en 2021.

L’OPP est américaine. Elle investit dans des startups et des projets dont elle estime qu’ils ont un impact positif sur le monde.

Et parmi ses dirigeants, on trouve effectivement un dénommé Dustin Moskovitz, un des fondateurs du réseau Facebook, aujourd’hui un des plus jeunes milliardaires du monde. 

Vous l’avez vu au cinéma, dans le film de David Fincher, c’est le gars sympa du début qui est avec Zuckerberg dans la chambre d’étudiant. Un des créateurs du réseau.

Bref, Moskowitz défend le bien-être animal en Saône et Loire.

Surprenante reconversion, mais pourquoi pas…

En fouillant un peu, plusieurs journalistes ont découvert qu’il existe sans doute une autre motivation…

La fondation OPP, finance aussi des startups qui travaillent sur la création de viande clonée…

La viande clonée ?

Pour vous la faire courte, à partir d’un seul steak, dans un laboratoire, on clone des millions de steaks…On prélève les cellules de notre steak initial. On élève ces cellules en laboratoire (notamment grâce au sang du veau de tout à l’heure) et à partir de ces cellules naît un nouveau steak, en tout point semblable au premier. 

Et on peut répéter l’opération autant de fois qu’on veut…

Bienvenue dans un monde sans vaches, veaux, cochons ou volailles…un monde sans élevage où quelques cellules suffisent pour nourrir l’humanité tout entière…un monde sans maltraitance animale…

On y arrive…

L’investissement d’OPP dans L214, serait donc une opération de soft power. Bien marteler dans notre cerveau que l’élevage c’est pas bien.

La viande c’est bon.

Et une fois qu’on a bien ancré le message, arrive le steak cloné, la solution à tous les problèmes…la viande sans élevage.

Ça, c’est du marketing…

Alors, attention, je ne dis pas ici que les membres de L214 font partie d’une vaste conspiration mondiale vouée à nous dégouter de la viande traditionnelle pour nous pousser vers la viande clonée.

Non. Pas de complot dans cette histoire.

D’ailleurs, L214 s’en défend. Et sûrement de bonne foi.

Mais le fait est que 

d’un côté Moskowitz donne beaucoup d’argent à différentes associations dans le monde dénonçant la maltraitance des animaux, maltraitance qui est une réalité, 

et d’un autre côté, il investit dans des start-up travaillant dans la viande artificielle.

Pas de complots donc…mais disons, une conjonction d’intérêts.

Et si des milliardaires américains s’intéressent à un produit, il y a de grandes chances pour que ce produit s’installe un jour ou l’autre dans notre vie quotidienne.

On retrouve cette passion des nouveaux investisseurs, dans l’élevage d’insectes et la nourriture végane.

Tout ce qui peut remplacer la viande issue de l’élevage industriel.

On parle de milliards de dollars d’investissements.

Un monde sans viande n’est plus une vue de l’esprit, une utopie…

Un monde sans viande c’est déjà un business.

Si Dustin Moskovitz, et d’autres investisseurs de haut calibre un peu partout dans le monde, investissent dans la création de viande en labo, c’est parce qu’ils ont lu la conclusion sans appel d’un rapport de l’ONU : l’élevage industriel, c’est la catastrophe…

L’élevage industriel est responsable de 70% de la déforestation, 7 arbres abattus sur dix le sont pour nourrir du bétail.

L’élevage industriel est responsable de 18% des émissions de gaz à effet de serre, plus que tous les transports de la planète. 

Il absorbe 70% de la consommation mondiale d’eau. Écoutez ce chiffre : pour produire 1 kilo de viande de bœuf il faut…15 500 litres d’eau ! Oui…vous avez bien entendu, 15 500 litres d’eau…un steak de 100 grammes dans un burger Mac Do, c’est 1500 litres d’eau…Une centaine de caisse d’eau en bouteille…pour un malheureux steak tout mince…

Et ce n’est pas tout.

Il faut ajouter les dégâts collatéraux, comme ces pays qui se mettent à la monoculture du soja transgénique pour nourrir les animaux. Le Paraguay par exemple, où de plus en plus de terres agricoles sont réservées au soja pour les bêtes. Des terres noyées d’engrais et de pesticides chimiques…la forêt meurt, le désert avance…

En 2050 nous serons 9 milliards.

La consommation de viande va exploser. D’autant que dans les fameux pays émergents, comme l’Inde, la Chine ou le Brésil, le niveau de vie augmente, et avec lui augmente la consommation de viande. Comme nous dans les années 60-70, manger de la viande tous les jours est synonyme de réussite sociale.

Plus d’habitants pour consommer plus de viande…

Comme disait l’autre…ça ne peut pas durer !

C’est une évidence.

La baisse, voire la fin, de la consommation de viande serait donc une excellente nouvelle pour la planète. Remplacer la viande, on l’a compris, serait un investissement prometteur…

Et les investisseurs ne se tournent pas que du côté des clones de steak.

D’autres secteurs émergent et seront sans doute les champions de demain.

D’abord, on a les insectes.

Tout ce qui est bon pour nous dans le bœuf, se trouve dans les insectes…des protéines, des acides aminés, des acides gras, des minéraux et des vitamines. L’insecte peut remplacer la vache pour ses valeurs nutritives.

En ce qui concerne l’impact sur l’environnement, pas de débat, c’est l’insecte qui gagne. 100 fois moins de gaz à effet de serre, 4 fois moins de nourriture à produire pour les élever, moins de consommation d’eau et d’espace…Bref, pour sauver la planète, mangez des chenilles.

C’est là que ça devient compliqué.

Une histoire de milliers d’années de culture culinaire. On ne change pas les habitudes du jour au lendemain. Du moins dans nos sociétés occidentales car ailleurs, on mange des insectes depuis longtemps. 2,5 milliards d’êtres humains consomment traditionnellement des insectes ! 

En Afrique, en Asie et en Amérique Latine.

Pour convaincre un Français ou un Américain de troquer son charolais ou son burger contre des grillons, ça va être plus compliqué.

Mais on y travaille !

On invente des recettes qui imitent…prenez de la poudre d’insectes, mélangez-la avec des haricots rouges, des carottes, des betteraves et des pois chiches. Vous obtenez une pâte que vous faites griller…et ça nous fait, paraît-il, un excellent hamburger.

On va donc nous fabriquer des imitations de viandes, réalisées à partir d’insectes.

L’étape d’après sera de nous habituer à les manger tel quel, des brochettes de grillons, des sauterelles grillées, des chips de coléoptères…

Une autre idée pour nous donner nos doses de protéines et d’acides aminés sans manger de viande, est de mélanger de la poudre d’insecte à la pâte à crêpes ou à une omelette…ni vu ni connu…

En France, des myriades d’entreprises se lancent dans l’élevage d’insectes.

Et là aussi, on voit tout de suite que les investisseurs y croient.

Prenez l’entreprise Innovafeed.

Elle est lancée en 2016. 

A partir d’insectes, on y crée de la nourriture pour les animaux, les porcs, la volaille, le poisson. Ça cartonne. En 6 ans, elle a levé 450 millions d’euros. La suite, ce sont nos assiettes, directement. Innovafeed vient de déposer une demande d’autorisation de mise sur le marché de produits pour nourrir les êtres humains. 

Ils ont testé avec les poulets. 

Ça marche. Ils vont remplacer les poulets.

L’autre investissement prometteur, c’est le véganisme…

Cette fois pas d’insectes ou de steak cloné, mais uniquement des fruits et légumes.

Le véganisme au départ est une discipline de vie, ou un art de vivre, comme vous voulez, mais le but est de supprimer de notre consommation tout ce qui vient de l’animal. Donc la viande bien sûr, mais aussi les œufs, les laitages, les poissons, les vêtements en cuir…

Le véganisme a même une branche dure, les abolitionnistes, qui eux ne reconnaissent pas la notion d’espèces, nous sommes tous, humains et bêtes, des individus animaux.

C’est le pendant philosophique du véganisme.

Mais oubliez le cliché du végan baba cool qui mange des courgettes terreuses dans sa campagne, le véganisme est devenu un véritable business et comme pour le steak cloné et les insectes, les investisseurs se bousculent au portillon.

Prenez la société Beyond Meat, qui vend des burgers, des saucisses et des boulettes de viandes, véganes.

Encore une histoire californienne.

Elle est créée en 2009 à Los Angeles.

Elle attire des investisseurs prestigieux comme Léonardo Dicaprio, Bille Gates ou encore l’ancien patron de Mcdonald’s, Don Thompson.

10 ans plus tard, Beyond Meat est distribué dans plus de 120 000 points de ventes répartis dans 80 pays.

Elle a notamment signé des partenariats avec KFC, Taco Bell et Macdonald.

Autre exemple, l’entreprise suédoise Oatly, spécialisée elle dans le lait végétal, a attiré des investisseurs comme Oprah Winfrey, Natalie Portman, Jay Z ou l’ancien patron de Starbucks, Howard Schultz…

L’entreprise est entrée en bourse à New York.

Elle est présente dans 20 pays.

Le véganisme attire donc les investisseurs. Les cours des actions de ces sociétés sont en dents de scie, ça monte, ça descend, mais elles sont valorisées à plusieurs milliards de dollars.

Il faut ici faire une petite mise au point.

Certes, on l’a compris, de nombreux investisseurs, et des lourds, se lancent dans l’industrie de la viande de synthèse, fabriquée à partir de cellules souches, d’insectes ou de légumes.

Il parient sur la fin inéluctable de l’élevage industriel, et ils ont raison si l’on en croit les rapports alarmistes de l’ONU et du GIEC notamment pour les raisons écologiques.

Mais le produit final, la viande de synthèse, n’est pas tout à fait au point.

Le clone, c’est en bonne voie, mais ce n’est pas gagné. Le goût et la texture restent encore éloignés de celles d’un steak traditionnel. Sa fabrication en laboratoire demande l’utilisation de nombreux additifs chimiques et d’hormones pour la croissance. Pour l’instant, aucun steak cloné n’a reçu une autorisation de vente sur le marché…

En revanche le coût de production baisse énormément, on est passé de 

300 000 euros les 140 grammes en 2003, à 50 euros aujourd’hui.

En ce qui concerne la viande végane, les steaks hachés et saucisses végétales, les critiques portent sur les méthodes de fabrication. Il s’agit d’un produit ultra transformé, une véritable chimie industrielle…c’est surement bon pour la planète mais pour notre santé…pas sûr.

Quant aux insectes, on navigue aussi un peu à vue, surtout en ce qui concerne les allergies possibles, ils portent en effet les mêmes allergènes que les crustacés.

Les insectes sont aussi porteurs de virus, de parasites, de bactéries et de champignons.

Ils peuvent aussi avoir ingéré des produits chimiques ou des médicaments, notamment pendant leur élevage…

Fin de la mise au point.

Mais disons que nous avons réglé tous ces problèmes…

Le monde sans viande animale, sans élevages…ça donnerait quoi ?

Et bien…ça donnerait un monde sans prairies, sans bocages, …

Un monde de forêts et de champs à l’infini. Et oui, pour créer tous ces aliments à base de légumes et de fruits, il va falloir développer l’agriculture…

Je vois poindre un nouveau débat sur l’agriculture industrielle, les pesticides et les engrais chimiques, que nous serions tentés d’utiliser encore plus que maintenant, si c’est possible, afin de nourrir 9 à 10 milliards d’êtres humains privés de viande animale…

Autre conséquence, économique celle-là, plusieurs pays sont des champions de l’élevage industriel qui pèse un bon poids dans leurs ressources. C’est le cas des États-Unis, de la Chine, de l’Inde, du Brésil et de l’Indonésie qui produisent aujourd’hui plus de la moitié de la viande consommée dans le monde…

Par quoi vont-ils remplacer cette industrie ?

Et les employés de l’industrie de l’élevage…que deviennent-ils ? 1 milliards 300 millions de personnes…Plus d’un milliard de chômeurs en plus…

Une dernière conséquence ?

Imaginons que nous arrêtions de manger de la viande d’élevage du jour au lendemain, 36 milliards d’animaux se retrouveraient en liberté dans la nature…

36 milliards de veaux, vaches, cochons et poulets…qui seraient là, partout autour de nous…

Une drôle d’image….

Que deviendraient-ils ?

Combien survivraient et se reproduiraient ?

Où vivraient ces milliards de bêtes…quelles conséquences pour l’environnement…

Bon, là, on entre dans la science-fiction.

Car pour l’instant reste ce chiffre : 10 000 kilos de viande consommés chaque seconde sur la planète.

Texte : Eric Lange / Voix : Dorothée Pousséo

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