fbpx

MÉDECINES ALTERNATIVES – Des escrocs et des morts

MÉDECINES ALTERNATIVES – Des escrocs et des morts

Texte : Bertrand Bichaud / Voix : Benoît Allemane

Nina sent ses yeux se fermer.

Elle est épuisée. Elle se laisse aller. Elle lâche la rampe…le repos est trop bon…Nina meurt…

Nina a 35 ans.

Elle traverse une phase compliquée, difficile.

Nina déprime. Dès le réveil, une tenaille lui serre la poitrine, l’angoisse circule dans ses veines…

Elle a consulté, bien sûr…elle a pris des anxiolytiques, elle fait du yoga, et bu des hectolitres de tisanes diverses et variées censés l’apaiser…

Finalement, elle est tombée sur cette association, dirigée par un homme jeune, mince, rassurant.

Il parlait de purification du corps pour permettre à la conscience de retrouver une énergie nouvelle.

Il enrobait son discours de principes qui semblaient scientifiques, expliquant l’importance de notre corps biologique sur notre être spirituel.

Il fallait suivre un programme progressif amenant vers un jeûne complet.

Nina a suivi le programme.

Elle a même signé pour un stage, dans un hameau paumé.

En pleine forêt, elle allait vider son corps de ses toxines et l’offrir à une nature vierge et aimante dans laquelle elle puiserait les ressources d’une nouvelle vie.

Ça sonne bien tout ça.

Dans la pratique, il faut tenir sans manger ni boire, jusqu’à parvenir à un état second qui conduira à la renaissance.

Nina s’est déshydratée.

Elle est faible.

Terriblement faible.

Et Nina meurt.

Ce drame date de 1997.

Depuis, l’association a fermé. Le médecin-gourou a disparu. Il ne sera jamais poursuivi.

Mais d’autres ont pris sa place.

Octobre 2021. 

Un naturopathe, magnétiseur et radiesthésiste, Miguel Barthelery est accusé par quatre familles d’avoir causé la mort de leurs proches. 

Parmi les plaignants, Camille. Elle témoigne que le praticien a délibérément écarté de la médecine traditionnelle son conjoint Paul, atteint d’un cancer du testicule. Un cancer dont on guérit dans 90% des cas. 

Mais pour Paul, il en fût autrement. 

Le naturopathe décide de lui prescrire exclusivement des jeûnes et des purges. Ce traitement lui est fatal. 

Autre victime, une kiné souffrant d’un cancer de l’utérus. Elle aussi décède de dénutrition à la suite des prescriptions de l’accusé.

Simon lui, était atteint d’un cancer de la gorge qui avait récidivé. Il arrête de prendre ses médicaments habituels, ne jurant que par le programme de Miguel Barthéléry. 

En détresse respiratoire, il est amené aux urgences, on lui découvre une multiplication de ses métastases, il meurt quelques jours plus tard. 

Sa veuve s’entend dire par le naturopathe, je le cite :  « c’était pourtant le processus normal, le corps travaillait, le cancer était en train de sortir… »

Le jugement tombe. 

Miguel Barthelery est condamné à deux ans de prison. 

Mais avec sursis, associé à une interdiction définitive d’exercer ces trois activités paramédicales. En réponse, le naturopathe annonce qu’il fait appel. 

Il se retrouve donc de nouveau considéré comme innocent et peut continuer à proposer ses méthodes de guérison. Le lendemain du délibéré du procès, il organise un stage de trois jours autour du jeûne et des purges pour découvrir, dit-il,  les « secrets d’une santé vraie, totale et naturelle ».

Un an plus tard, en décembre 2022, s’ouvre le procès en appel de Miguel Barthelery.

Les plaignants sont sceptiques, inquiets. 

Et pour cause, le naturopathe vit désormais au Maroc et propose ses consultations exclusivement en visio-conférence… 

Il ne pratique plus sur le territoire français et ne sera donc pas concerné par une éventuelle interdiction d’exercer.    

Cette histoire est-elle un cas isolé ? Faut-il craindre ces médecines qui n’ont parfois de douces que le nom ? 

Ce qui est certain, c’est qu’elles rencontrent un succès croissant. Les patients sont de plus en plus nombreux à se tourner vers des solutions alternatives. Et l’offre est de plus en plus riche.

La fameuse Miviludes, l’organisme d’État qui lutte contre les dérives sectaires, estime que 4 français sur 10 ont recours aux médecines alternatives. Parmi eux, une grande majorité de femmes.

Qu’on les appelle médecines non conventionnelles, alternatives, parallèles, holistiques, naturelles, ou encore douces, elles ont toutes un point commun :  

Leur efficacité n’est pas démontrée scientifiquement. 

Leurs résultats ne sont pas testés, donc non supérieurs au placebo. Ce qui ne veut pas dire que ces thérapies alternatives ne donnent aucun résultat. Leur simple effet placebo les rend déjà efficaces. 

Rappelons que l’effet placebo se montre particulièrement puissant, par exemple dans la lutte contre la douleur. 30 à 40 % des patients traités avec un médicament inactif sont aussi bien soulagés qu’avec un traitement réel de type paracétamol. La force de la pensée du patient est un ressort bien connu et utilisé par les praticiens des médecines douces. Plus ces thérapeutes sont rassurants et convaincants, plus leur traitement, quel qu’il soit, donne des résultats positifs.

Comment expliquer un tel essor de ces pratiques alternatives ? Pourquoi tant de patients tournent le dos aux traitements conventionnels ? 

Les raisons sont multiples. 

La crise de la Covid et son flot d’informations contradictoires y ont forcément contribué. 

Rappelez-vous : Selon le ministère de la santé, le masque est passé d’inutile, à conseiller, puis obligatoire sous peine d’amende ! L’idée même d’un pass sanitaire n’était, dans un premier temps, pas envisageable par le gouvernement…on connaît la suite. 

Les restrictions sanitaires quant à elles, devaient être maintenues jusqu’à ce qu’on parvienne au chiffre de 5000 contaminations par jour. 

En octobre 2022, alors que le seuil des 100 000 cas quotidiens est de nouveau dépassé, plus aucune obligation n’est appliquée…

Mais la méfiance envers les instances publiques de santé date d’avant la crise sanitaire de la Covid. 

C’est une crise de confiance. 

Comment accorder sa confiance à des politiciens qui ont laissé depuis tant d’années notre système de santé à l’agonie ? Comment accepter les fermetures de lits d’hôpitaux, et l’expansion des déserts médicaux un peu partout en France ? 

Le scandale sanitaire, politique et financier de l’affaire du sang contaminé a aussi, dans les années 80, marqué une rupture de confiance au sein de la population. 

Et surtout, les scandales à répétition impliquant des laboratoires pharmaceutiques ont participé à créer la suspicion envers les traitements classiques.

2009 : Le groupe Pfizer est condamné à plusieurs reprises par la justice pour pratiques commerciales frauduleuses et non-respect de l’environnement et des droits humains. Pfizer est condamné à une amende de 2 milliards 300 millions de dollars.

2019 : C’est au tour du labo Johnson & Johnson d’être condamné à verser 572 millions de dollars à l’État de l’Oklahoma. La justice l’accuse d’être responsable de la crise des opiacés ayant provoqué la mort de plus de 400 000 américains.

Cette même année, Sanofi est condamné à indemniser une famille victime de la Dépakine à hauteur de 450 000 euros. Une petite fille, exposée au médicament in utero, est née avec des malformations.

2020 : En France, Novartis, Roche et Genentech payent 444 millions d’euros d’amende pour « pratiques abusives » contre la concurrence. 

2022 : L’affaire Levothyrox se solde par une condamnation du labo Merck. L’amende pour « préjudice moral » est de 3,3 millions d’euros. En tout, 3.300 patients ont souffert d’effets secondaires à la suite d’un changement de formule annoncé comme sans aucun risque.

Dans ce contexte, c’est donc logiquement, naturellement, que les patients ont peu à peu décidé de se détourner des médecines conventionnelles. 

En 2022, l’Organisation Mondiale de la Santé a recensé plus de 400 pratiques thérapeutiques dites « alternatives ». On y trouve quatre grandes catégories : 

Les thérapies « biologiques » qui utilisent des produits naturels issus entre autres de plantes, comme la phytothérapie ou l’aromathérapie.

Les thérapies « manuelles », à l’instar de l’ostéopathie, la chiropraxie ou la réflexologie.

Les approches « corps-esprit », dans lesquels on retrouve l’hypnose, la méditation ou la sophrologie.

Et enfin des systèmes reposant sur des fondements théoriques propres. C’est le cas de l’acupuncture ou de l’homéopathie.

Même s’il ne faut pas les mettre toutes dans le même sac…poubelle, la grande majorité d’entre elles ne sont pas reconnues sur le plan scientifique, ni enseignées dans le parcours classique des professionnels de santé.

Certaines peuvent avoir une efficacité sur divers symptômes, mais leurs résultats restent insuffisamment ou nullement démontrés.

D’autres, bien que n’ayant aucune efficacité, ne représentent pas de risques pour la santé. 

Enfin, il en existe pouvant provoquer des effets nocifs.

Le plus difficile est donc de s’y retrouver dans cette multitude d’offres de médecines parallèles au nom parfois aussi barbare que leur procédé :  Connaissez-vous la Mésothérapie, l’Auriculothérapie, l’Hydrotomie percutanée, la Biologie totale, la thérapie quantique ou le Thermalisme psychiatrique… ? 

Tout cela existe bel et bien, et chaque jour, sans le savoir, des patients jouent les cobayes, à leur risque et périls. Parfois en désespoir de cause, lorsque les diagnostics de la médecine classique sont incertains.

Plusieurs pratiques sont considérées comme de pures inventions fantaisistes, d’autres ont, avec le temps, bénéficié d’une reconnaissance officielle. 

C’est le cas, depuis 2002, de l’acupuncture et de l’homéopathie, qui font désormais partie des pratiques médicales légales. 

De même, les titres professionnels d’ostéopathes et de chiropracteurs sont désormais reconnus. Cependant – et la précision est importante – ces reconnaissances de titres ne sont pas pour autant des validations scientifiques de ces théories. Pourquoi faire simple, lorsqu’on peut faire compliqué… 

Avec ce pas en avant, et ces deux pas en arrière, les instances officielles semblent ne pas trop savoir sur quel pied danser.

Pour y voir un peu plus clair, le site no fake med.fr propose de nous éclairer sur ce monde bien opaque. À ce propos, savez-vous que c’est une Fakemed ? 

La fakemed est à la médecine ce que la Fakenews est à l’information. 

Autrement dit : un mensonge. La Fakemed est donc une médecine… qui n’en est pas une.

Le site qui s’engage à informer sur les dangers de ces pseudo-médecines, annonce la couleur en écrivant:  « Le monde des fakemed est un univers dont la seule limite est l’imagination de ceux qui les inventent et en font la promotion ».

Il existe pourtant quelques moyens simples pour tenter de s’y retrouver entre les praticiens sérieux et les purs charlatans.

Par exemple, le dénigrement systématique de la médecine conventionnelle doit alerter. 

Tout comme la promesse d’une guérison miracle. 

Ou encore l’annonce de bienfaits impossibles à évaluer, comme l’amélioration de l’état de votre « aura énergétique », ou la régulation soudaine de votre karma.

L’utilisation d’un vocabulaire technique incompréhensible doit aussi rendre méfiant. Si l’on vous parle d’ondes cosmiques, de cycles lunaires, de dimension vibratoire, de purification de l’âme, de l’énergie du cosmos… Mieux vaut revenir sur terre et tourner les talons.

Enfin, le prix demandé doit rester raisonnable et comparable à  celui pratiqué par un médecin traditionnel. N’oublions pas que ces médecines alternatives ne sont pas remboursées par l’assurance sociale. La facture peut rapidement rendre malade votre compte en banque.

Ce fort intérêt pour les médecines douces ne date pas d’hier, et dans les années 80, on en rigolait plutôt. Pourtant, ça n’avait déjà rien de drôle. 

Souvenez-vous de la chanteuse Rika Zaraï. Parallèlement à sa carrière musicale, elle avait une autre passion : Les plantes et leurs vertus médicinales. 

En 1985, elle vend plus de 3 millions d’exemplaires de son livre « Ma médecine naturelle ». On pouvait alors y lire que, je cite :  « Le miel est un excellent aliment pour prévenir et traiter le cancer ». Ou encore, « qu’une personne atteinte du sida pouvait redevenir séronégatif à condition de suivre des soins naturels à base de buis et d’argile ». 

De quoi sourire, à défaut d’en pleurer.

Et ne pensez pas que la population ayant recours à ces pseudos médecins est composée de marginaux ou de personnes peu éduquées. 

En octobre 2003, lorsqu’on découvre à Steve Jobs, le patron de Apple, une tumeur du pancréas, ses médecins lui expliquent qu’il est urgent de se faire opérer. D’autant plus que le pronostic de cette maladie est bon si elle est soignée tôt. 

Pourtant, le patron d’Apple refuse. 

Il décide, contre l’avis de sa famille, de se soigner avec des médecines douces. Il voit des guérisseurs, des naturopathes et des acupuncteurs. 

En quelques mois, la tumeur se propage en dehors du pancréas, atteignant son foie. 

Jobs se résout finalement à choisir un traitement traditionnel, il accepte l’opération, mais il est trop tard. Il est obligé de subir une greffe du foie. Son cancer récidive. Il décède en octobre 2011.

Il est à noter que ces thérapies parallèles attirent particulièrement les patients atteints de pathologies graves. Leur aspect doux, et annoncé comme naturel, rassure des malades effrayés à l’idée de subir des traitements médicamenteux aux effets indésirables, lourds et multiples. Pour preuve : 60 % des malades du cancer se tournent vers des médecines alternatives.

Lorsque ces thérapies interviennent en complément d’un traitement classique, la plupart du temps, elles sont sans risques, voire bénéfiques. Le drame arrive lorsqu’elles sont choisies en remplacement.

La dernière polémique concernant les médecines alternatives date de l’été 2022. La plateforme de prise de rendez-vous médicaux Doctolib est accusée de faire la promotion de thérapies dangereuses.

En ligne de mire, une naturopathe proposant ses services sur le site : Irène Grosjean, 92 ans. Son dada, c’est de ne s’alimenter que de produits non cuits. Elle est présente sur le site, au côté d’une vingtaine de praticiens revendiquant avoir été formée par elle. 

Parallèlement à ces conseils nutritionnels discutables, la nonagénaire prône de soigner la fièvre des enfants par… des attouchements sexuels.

Écoutez ce qu’elle propose : 

« Si c’est une petite fille, explique-t-elle, il faut asseoir l’enfant sur une cuvette rempli d’eau avec des glaçons, et avec un gant de toilette, il faut frictionner les lèvres et un peu le clitoris, pour stimuler le système sympathique et le fortifier ».

Pour les petits garçons, « il faut mettre uniquement la verge dans l’eau. Et sinon, on frictionne entre le gland et la verge, le prépuce. Avec un gant de toilette bien glacé vous frictionnez au moins dix minutes ». 

Autre particularité de la dame, elle est farouchement contre tous les vaccins. 

Elle affirme aussi que l’on peut guérir du sida, de la surdité ou de l’autisme en suivant un régime à base de graines, de crudités et de fruits. Mieux vaut entendre ça que d’être sourd… 

Quelques jours après que les réseaux sociaux se sont emparés de l’affaire, l’Ordre des médecins demande à Doctolib de « renforcer ses règles éthiques 

d’inscriptions sur sa plateforme ».

Finalement, fin octobre 2022, sous la pression, la plateforme décide de ne garder que les professionnels référencés par les autorités de santé. Ainsi, 5 700 praticiens, principalement des naturopathes et des sophrologues sont remerciés et disparaissent définitivement du site.

Aux dernières nouvelles, Irène Grosjean, s’est vite remise de sa radiation de Doctolib en partant s’installer au Maroc. Et comme le monde est petit, elle vient de monter un centre de bien être, avec comme associé un certain Miguel Barthéléry, ce naturopathe -dont je vous parlais au début de ce podcast- condamné à deux ans de prison avec sursis et une interdiction définitive d’exercer ces activités en France. « Dans notre centre, a tweeté sans rire Irène Grosjean, les paralysés pourront remarcher, les cancéreux n’auront plus de cancer, les sidéens n’auront plus le sida, et les chômeurs retrouveront une situation ». Tout un programme… digne des plus improbables marabouts de pacotille.

Ces cas médiatiques et caricaturaux ne doivent pas décrédibiliser l’ensemble des praticiens de médecines douces. Comme pour toutes les professions, il existe des personnes plus ou moins sérieuses, plus ou moins de bonne foi. 

Il ne s’agit en aucun cas d’accuser l’ensemble des thérapeutes de médecines douces d’être des dangers publics, exclusivement avides d’argent. Mais le manque d’encadrement de ces pratiques laisse possible des dérives à l’issue parfois dramatique. 

L’essentiel est donc de rester vigilant, de conserver un esprit critique et d’utiliser ces alternatives en complément et non en remplacement des médecines traditionnelles. Particulièrement en cas de maladies graves.   

Et si la santé n’a pas de prix, méfiez-vous tout de même des tarifs exorbitants de certains de ces praticiens. Car comme l’a illustré un jour le dessinateur Aurel, les médecines douces sont une activité assurément rentable. 

On peut voir sur l’un de ses dessins un naturopathe dire à sa patiente :

  •  La naturopathie peut résoudre tous vos problèmes. 
  •  J’ai un problème d’argent, répond la femme.
  • Dans ce cas, rétorque le praticien, je vous préconise d’exercer la naturopathie.

Encore plus de Podcast à écouter ici sur PODCAST STORY