IBIZA, UNE HISTOIRE DE NAZIS ET DE COKE
A Ibiza, pendant la période estivale, on sniffe chaque nuit 4 kilos de cocaïne. Soit l’équivalent d’une ligne de coke de 1,2 kilomètre.
Y en a plein des histoires avec Mac Donald.
On en connaît tous…
Tenez… Celle-là…
C’est quand j’ai pris un avion pour aller de Los Angeles à Tokyo.
Une douzaine d’heures de vol entre les Etats Unis et le Japon.
Au-dessus du Pacifique.
À un moment, l’avion passe la fameuse date line. La ligne de changement de date.
Lire la suiteQuand on la passe, on passe 24 heures.
Le décalage horaire ultime.
24 heures.
Pour vous la faire simple. Je pars à 10 H du soir le dimanche de Los Angeles. Je devrais donc arriver 12 heures plus tard, à 10 H du matin, le lundi, à Tokyo.
J’arrive effectivement à 10 H du matin. Mais pas le lundi. Le mardi.
Où est passé mon lundi ?
Bref.
Je descends de l’avion bien perturbé par cette énigme temporelle.
Il pleut.
Je monte dans un bus.
Deux heures plus tard, je descends à une station qui semble être vers le centre de Tokyo.
Je suis seul. Sur le trottoir. Sous la pluie. Le lendemain du jour que je devrais vivre. Et je ne sais absolument pas où je suis.
Je ne connais rien au Japon. Je ne parle pas japonais. Je le lis encore moins.
Autour de moi, c’est une forêt de buildings collés les uns aux autres. Une foule qui se presse tête baissée sous les parapluies. Des inscriptions partout. Des affiches, des boutiques, des panneaux indicateurs, des pubs…en japonais.
Et j’ai faim.
Une vraie dalle.
Je cherche. Je ne vois rien qui ressemble à un restaurant.
Je suis totalement largué, épuisé, trempé, affamé.
Et là… Parmi tous ces idéogrammes incompréhensibles, il en est un que je connais… Un M… Le M arrondi de Mac Donald.
Il m’apparaît comme une bouée de sauvetage. Une poussée d’endorphine m’envahit en voyant ce M. Un repère, une oasis.
Sauvé !
Et voilà.
Après avoir traversé la moitié de la planète.
Après avoir sauté 24 heures.
Je me retrouve de l’autre côté du monde… à manger un cheeseburger avec frites et Coca.
Comment en est-on arrivé là ?
C’est dans les années 40. Aux Etats Unis. En Californie. C’est les années swing, qui précèdent le rock’n roll. C’est les grandes jupes qui tournent, les costumes trop larges, les cheveux gominés…
C’est les voitures Ford, avec les gros par chocs, les petites villes avec des maisons en bois, les ouvriers des usines, les fermiers dans les plaines…
Le président, c’est Roosevelt.
À propos de président, l’acteur le mieux payé d’Hollywood dans les années 40, c’est Ronald Reagan.
En Californie, années 40, donc, dans la ville de San Bernardino, les frères Richard et Maurice Mac Donald, ouvrent un restaurant : le Mac Donald’s Famous BAR-B- Q.
San Bernardino, c’est une petite ville à l’est de Los Angeles.
Quand vous êtes au bord de l’Océan, vous prenez la 10, puis la 210, une petite heure de route vers l’intérieur des terres, et vous y êtes. Après San Bernardino, il y a une dernière forêt. Ensuite, c’est le désert, jusqu’à Phoenix, en Arizona.
Mac Donald’s Famous Bar-B-Q, est situé à l’intersection de la rue 14 et de la rue E. C’est un drive in. On y vient avec sa voiture. On passe commande et on est servi, dans sa voiture, par des filles en mini-jupes.
Chez les frères Mac Donald, on propose un menu d’une quarantaine de plats, bœuf, poulet, porcs… Tout ce qui se fait au barbecue…
Les affaires marchent bien.
Plus de 300 repas servis chaque jour.
20 serveuses trottinent sur le parking qui peut accueillir jusqu’à 150 voitures.
Le restaurant est envahi par les jeunes le week-end, on est en plein dans l’ambiance d’ Américan Grafitti.
La semaine, les habitants de San Bernardino prennent l’habitude d’y déjeuner, de se retrouver en famille le soir…
C’est un succès.
Richards et Maurice deviennent des personnalités importantes de la ville. Des notables.
Ils achètent la plus belle maison, une des plus luxueuses de la région, un palais de 25 chambres posé sur une colline.
Les frères Mac Donald sont des braves gars. Pas des méchants. Pas trop gentils non plus, faut quand même gagner de l’argent. Des américains. Quand on regarde des photos d’époque, on découvre des américains moyens tels qu’on les connaît à longueur de film. Assez massifs, bien ronds, bien larges, souriants, joufflus, pas beaucoup de cheveux. Populaires et fiers.
Malins. Ça, c’est sûr. Mais pas avide.
Le requin de l’histoire arrivera un peu plus tard.
Pour l’instant, tout va bien.
Enfin, tout va bien pour les Mac Donald. Car ailleurs, en 1939, la guerre déferle sur le monde. L’Europe brûle.
Mais à San Bernardino en Californie, on continue d’aller chez les frères Mac Donald pour manger une viande.
Les affaires tournent pendant le conflit.
La guerre se passe.
Les Américains débarquent en Normandie et lâchent la bombe sur Hiroshima. Ce sont les grands gagnants.
L’Amérique triomphante a libéré l’Europe, écrasé le Japon et maintient la menace communiste derrière le mur de Berlin.
En Californie, l’ambiance est euphorique.
Un nouveau monde est en train de naître. Le monde que l’Amérique nous vend depuis l’après-guerre. Celui de la consommation, de la voiture pour tous, des maisons individuelles, des supermarchés, de l’électroménager, du crédit, et…des fast-foods.
Les habitudes de vie changent.
On se déplace beaucoup, on travaille de plus en plus, on mange vite fait, rapidement, on mange « fast-food ».
Et le fast-food, c’est quand même de la concurrence pour les frères Mac Donald.
D’ailleurs, il y en a un qui ouvre pas loin du Mac Donald’s Famous Bar B Q…des clients se détournent…
Ils ferment le restaurant trois mois.
Le fruit de leur réflexion est simple : on vire tout le monde, on arrête les couverts, on réduit le menu.
Efficace.
Pragmatique.
Américain. Pas d’états d’âme. Seul le résultat compte.
Terminé les 20 serveuses et les jupettes.
Terminé les assiettes, les verres et les couverts. On mangera avec ses doigts.
Terminé les 40 plats. D’ailleurs, si on regarde les comptes, c’est évident, 80% des clients prennent des hamburgers, des frites et une boisson gazeuse ou un milk-shake. (Le milk-shake est important pour la suite de l’histoire)…
On arrête les travers de porcs, les poulets grillés, les saucisses et les côtes de bœuf…on ne cuisinera plus chez Mac Donald que des hamburgers, des frites et des boissons.
Les hamburgers seront servis emballés dans des papiers et on les mange à la main, les frites dans des petits cornets en carton et les Milk Shake et les boissons gazeuses dans des récipients en cartons. Tout est jetable. Plus de casse, plus de vaisselles.
Les clients se déplacent jusqu’au comptoir, ils commandent, on les sert, ils partent…ils peuvent emporter leur repas ou le manger sur des petites tables dehors. Ils se débarrassent des papiers et cartons dans des grandes poubelles.
Moins de personnel.
Moins de plats et des plats moins chers.
Moins de charges.
Mais ce n’est pas tout. La grande idée de Richard et Maurice : le Speed Service Système.
Le Speed Service System des frères Mac Donald est directement inspiré du taylorisme, rendu célèbre aux Etats Unis par son application dans les usines du constructeur automobile Ford.
Le principe est assez simple : la division du travail.
On découpe le travail en de multiples micro tâches que chaque ouvrier répète indéfiniment. Enfin, toute la journée. Un homme serre le même boulon huit heures par jour.
C’est l’invention du travail à la chaîne.
Appliqué à la fabrication de hamburgers, c’est :
Un employé pour faire cuire les steaks, un autre pour chauffer les petits pains, un autre pour mettre le steak sur le pain avec sa tranche de fromage, son cornichon et sa tomate, un autre, encore, ajoute le ketchup, fermeture du sandwich, emballage.
Ils inventent au passage les lampes chauffantes sous lesquelles sont stockés les hamburgers avant d’être donnés au client.
Ils vont donc demander à des artisans de fabriquer les équipements nécessaires, des plaques chauffantes plus larges pour cuire plus de steaks en même temps, des sortes de grands plateaux rotatifs pour garnir les pains, les friteuses avec leurs paniers, les récipients qui versent la bonne dose de sauce à chaque pression de l’employé…
Toutes ces installations, nous les croisons quotidiennement dans les multiples fast-foods, mais à l’époque, c’est tout simplement une révolution.
Tout comme le fait de manger à la main ou de jeter papiers et gobelets dans des poubelles une fois son repas terminé.
Après trois mois de fermeture et des travaux d’aménagement, le nouveau restaurant ouvre ses portes.
Il se nomme désormais Mac Donald’s famous hamburger, et non plus famous Bar B Q,
Sa carte est extrêmement réduite : 9 propositions seulement, hamburger, cheeseburger, frites, Coca, jus d’orange, Milk Shake, café, lait et…nous sommes en Amérique, l’incontournable Apple pie, la tarte aux pommes.
Toutes les boissons sont à 10 centimes, les burgers à 15 et le cheese à 19.
Mac Do existe.
C’est parti.
Le méchant génie de l’histoire arrive.
Il se nomme Ray Kroc.
Un nom prémonitoire.
Ray Kroc va croquer les frères Mac Donald.
Le Dark Vador de la saga Mac Do, c’est lui.
Ray Kroc vient d’une famille d’immigrés hongrois débarqués à Chicago à la fin du 19ème.
Sa mère est pianiste. Elle le forme. Ray est doué. Il arrête l’école à 15 ans pour être musicien. Il joue de l’orgue dans les églises et du piano dans des clubs de jazz.
Mais rapidement, un autre talent émerge.
Ray est un bon commercial. Il vend des partitions et des instruments.
Ça marche bien. La vente est bien plus rémunératrice que les concerts…
Exit la musique.
Ray se lance dans la vente. Il devient représentant pour une marque de gobelets en carton, les Lily Tulip Cup.
15 ans plus tard, il est chef des ventes et se lance dans une nouvelle aventure qui va le mener chez Mac Do.
Un vieux copain de Ray invente un nouveau mixer. Un mixer professionnel qui peut préparer 5 Milk Shake en même temps.
Ray cartonne avec ses mixers. Il les vend pendant 15 ans dans tous les Etats Unis, notamment en Californie, notamment à San Bernardino.
Et notamment…Aux frères Mac Donald.
On y arrive.
De drôle de clients ces deux-là. Ils ont une consommation de mixer hors du commun. Pourquoi commandent-ils autant de mixers ? Qui sont ces gens qui usent les mixers si rapidement ?
Ray se rend à San Bernardino. Il va déjeuner au Mac Donald famous Burger.
Et il comprend.
Les frères mac do sont des génies !
La carte réduite, la division du travail, l’élimination des serveuses et des couverts…
Ce n’est plus un restaurant, c’est une usine à burgers !
C’est une usine à cash !
1955.
Ray Kroc, Maurice et Richard Mac Donald deviennent associés.
Ray va s’occuper de développer des franchises.
Tous les restaurants seront les mêmes. Ils serviront la même carte. Ils fonctionneront tous de la même façon. Les locaux seront semblables. Ils seront tous surmontés d’une double arche, le M de MacDonald qui va s’installer pour toujours dans le paysage américain.
3 ans plus tard, en 1958, Mac Do ouvre son centième restaurant et vend son millionième hamburger…
Tout va bien ?
Tout va bien…
Sauf que… Il faut ici s’arrêter un instant sur les motivations de nos trois héros.
Richard et Maurice sont des entrepreneurs… Responsables. Ils sont attachés à la qualité de leurs produits. Ils sont soucieux de ne pas détruire les paysages où ils élèvent leurs restaurants. Des écolos avant l’heure. Presque des capitalistes durables. Ils sont aussi concernés par le bien-être des employés. C’est une entreprise qui garde des valeurs familiales.
Ray Kroc lui ne pense qu’à l’argent. La qualité, les employés, les paysages… il s’en moque. Lui, il fait du cash.
D’ailleurs, un de ses amis, un bon requin de la finance, lui souffle l’idée qui va tout changer : acheter les terrains des franchisés.
Ray Kroc monte une compagnie immobilière.
Il emprunte à des banques et achète ses premiers terrains.
Sur les terrains, il élève les restaurants et ensuite…i l les loue aux franchisés !
Jackpot !
Un franchisé doit payer une première fois pour avoir le droit d’utiliser la marque et le savoir-faire, il paye une deuxième fois pour la publicité et une troisième fois… Pour le loyer. Et en plus, la cerise, le montant du loyer n’est pas décidé en fonction des prix du marché mais…en fonction du chiffre d’affaires du restaurant !
Quand les frères Mac Do réalisent l’entourloupe, c’est trop tard, Ray Kroc possède les terrains des Mac Do.
Le véritable propriétaire, c’est lui.
Il rachète définitivement Mac Donald aux deux frères, en 1961. 6 ans après être venu déjeuner… pour 2 millions 700 000 dollars. 1 million net par frère. Le reste pour les taxes.
Le business Mac Do, aujourd’hui, est aussi génial, qu’immoral et hautement lucratif…
Les bénéfices des restaurants alimentent la holding immobilière, qui peut acheter des nouveaux terrains, qui génèrent de nouveaux bénéfices, qui permettent d’acheter encore plus de terrains…
Et Mac Do est devenu l’un des premiers empires immobiliers du monde.
Les hamburgers sont devenus secondaires.
Le véritable cash, il est dans les loyers et dans les propriétés immobilières.
Nous enregistrons ce podcast en 2022.
Sur son site officiel, Mac Do annonce les chiffres suivants :
38 000 restaurants, répartis dans 115 pays, servent chaque jour 69 millions de clients.
38 000 restaurants, c’est presque 3 fois plus que son premier concurrent Burger King.
Et il s’en ouvre 4 par jour.
38 000 restaurants, dont 80% de franchisés, qui chaque mois, payent un loyer…
Le 16 juillet 1998, le journal français Libération annonce en Une : Le Père Mac Do rejoint la Mère Denis.
Richard est mort.
Son frère Maurice lui est décédé en 71.
Ray Kroc meurt en 81.
Les héros sont morts.
L’histoire continue.
Il s’ouvre 4 Mac Do par jour dans le monde.
Ça en fait des hamburgers…
Ça en fait des mètres carrés…
Texte & Voix : Eric Lange
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