LES ILLUMINATI, LE PREMIER COMPLOT ?

Illuminati…Le mot intrigue Aurélien. 

Sur un forum de discussion, il en parle à Marie, une vieille copine avec qui il aime débattre. Pour elle, c’est évident : Le dessin représente une chouette, l’animal totem des Illuminati. 

Macron envoie un signal, elle en est sûre ! 

Elle partage avec Aurélien quelques liens vidéo. 

L’’électrochoc. Le jeune homme découvre l’existence d’une société secrète au réseau tentaculaire. 

Les Illuminati manœuvrent dans l’ombre depuis des lustres ! 

Ils n’ont qu’un seul but : la domination du monde ! 

Leur dernière machination ? Le covid. Le virus a été créé en laboratoire afin de booster les ventes de vaccins. 

Les seringues n’injectent pas des anticorps mais du gel nanotechnologique. 

La substance permet de suivre nos moindres faits et gestes ! 

Aurélien passe la nuit à écumer la toile. Son cerveau est en ébullition. Toute cette histoire paraît insensée ! Et pourtant… Il est rongé par le doute. Un frisson lui parcourt l’échine. 

Et si les illuminati l’espionnaient derrière son écran ?

Illuminati. 

Le mot sonne comme une incantation. 

Il évoque un imaginaire fait de soufre et de complots. 

Mais qui sont-ils réellement ? Un mythe ou une réalité ? Cherchent-ils à dominer le monde ? 

Remontons le temps…Cap sur l’Europe du 18ème siècle ! Notre histoire débute avec celle d’un homme. Adam Weisshaupt. Le fondateur des Illuminati.

Adam pousse son premier cri dans la ville d’Ingolstadt non loin de Munich.  L’Allemagne telle que nous la connaissons aujourd’hui n’existe pas encore. A sa place, une myriade d’états germaniques. La plupart sont protestants, mais pas le royaume de Bavière. Ce minuscule pays est catholique. De la naissance à leur mort, les bavarois vivent sous la coupe de l’Église. 

C’est dans cette atmosphère un tantinet oppressante que grandit Adam. Il est destiné à devenir un fervent catholique et un loyal sujet de sa majesté. Mais les choses vont tourner autrement…

1753. Adam a cinq ans. Son père, un professeur de droit réputé, meurt de maladie. Un an plus tard, c’est au tour de sa mère. L’orphelin est confié aux bons soins de son parrain, le baron Johann von Ickstadt. 

Le baron repère chez l’enfant des capacités d’apprentissage exceptionnelles : il dévore tous les livres qui lui tombent sous la main. Sa soif de connaissance est insatiable. 

Il n’a que quinze ans lorsqu’il entre à l’université. L’adolescent étudie le Droit, décortique la théologie et se passionne pour l’histoire. 

Il excelle dans toutes les matières ! 

Le baron est fier de son filleul. 

En récompense, il lui ouvre les portes de sa bibliothèque personnelle. Adam découvre Voltaire, D’Alembert, Diderot…Des auteurs bannis par l’Église ! 

Pour quelle raison ? 

Avide de savoir, le jeune homme se plonge dans leurs lectures.

Il découvre une pensée radicale. Il est bouleversé. 

À mille lieux de ce qu’on lui avait enseigné jusqu’à présent !  

Les écrits dénoncent le despotisme des rois et critiquent la mainmise de l’Église sur les esprits. 

L’Homme doit s’affranchir des dogmes et se fier à sa seule raison ! 

Nous, les hommes, serions des êtres nés libres et égaux en droits ? Un monde débarrassé du fanatisme religieux ? 

Cela tient de la fantasmagorie ! 

Mais Adam veut y croire. Il n’est pas le seul. L’utopie se diffuse à travers tout le continent européen. 

On appelle ce courant, « Les lumières » et il va changer la face du monde.

Adam poursuit sa trajectoire universitaire. 

A seulement vingt ans il devient docteur en droit. 

Plus tard, il donne des leçons de théologie. 

Le jeune professeur encourage le débat entre ses élèves. La controverse ne l’effraie pas. Il fait sienne cette maxime de Voltaire : « Aie le courage de penser par toi-même. »  

Les monarques et l’Église Catholique considèrent d’un œil inquiet la popularité grandissante des Lumières. 

Un peu partout fleurissent des sociétés secrètes. 

A l’abri des autorités, on échange autour des concepts de raison, de liberté et d’égalité. 

Adam intègre la plus célèbre de ces confréries : les Francs-maçons. Mais il repart déçu. Pas assez radicaux à son goût. Il les juge trop compromis avec les autorités religieuses. Le fougueux professeur veut aller plus loin.

1776.  Adam a 28 ans. Avec cinq de ses étudiants, il fonde sa propre société secrète. Les illuminati. 

Le nom vient du latin et signifie illuminés, « ceux qui savent ». 

Leur objectif ? Changer de fond en comble la société. La rendre plus juste et égalitaire, favoriser l’éducation, et éradiquer les fantômes de la superstition. Comment y parvenir ? 

Dans le programme d’Adam, pas de révolution ou de coup d’État. La réforme se fera en douceur. 

L’idée est de créer un puissant réseau d’influence. 

Il cible les élites de demain. Ce seront eux, les futurs illuminati. 

Au sein du groupe, ces jeunes pousses seront initiées à l’idéal des lumières. Ils deviendront les porte-étendards d’une nouvelle philosophie. Lorsqu’ils accèderont aux plus hautes fonctions, ils auront le champ libre pour appliquer leurs idées et répandre leur savoir ! 

Infiltrer les sphères du pouvoir…La méthode peut paraître manipulatrice mais Adam n’y voit aucun mal :  le système est corrompu. Il faut saper le mal de l’intérieur ! 

Adam a de l’ambition mais son plan peine à décoller. Il réclame beaucoup de ses adeptes. En plus de ne rien divulguer sur les activités du groupe, les novices doivent accepter de voir leur vie passée au crible. 

Rien ne saurait être caché ! On les incite à rédiger leur propre autobiographie et à établir à un rythme soutenu des rapports d’activité et des comptes rendus d’assemblées. Sans compter la rédaction de pensums philosophiques et les nombreux exercices d’autocritique. De son côté Adam devient totalement mégalo. Il se prend pour le messie !

1778. Les illuminati ne comptent que 28 personnes dans leurs rangs. Mais l’arrivée d’un petit nouveau change la donne : le baron Adolph Freiherr von Knigge. A l’inverse d’Adam, il ne méprise pas la Franc Maçonnerie. Il a même une idée lumineuse : En infiltrant les loges maçonniques, les illuminati pourraient bien arriver à leurs fins…

 Le baron pratique l’entrisme. Il s’immisce dans les loges et se sert d’elles comme agences de recrutement. La démarche est opportuniste. Elle porte ses fruits ! Le Mouvement des illuminati ne se cantonne plus à la Bavière. On en trouve dans le reste de l’Allemagne en France, en Angleterre et en Italie. Jusqu’ en Russie ! Entre 1780 et 1785, on dénombre 20000 membres. 

Adam voit sa création lui échapper. Son orgueil en prend un coup. Il accuse Knigge d’arrivisme. Ce dernier se défend: grâce à lui, les illuminati ont étendu leurs réseaux d’influence. Il comptent dans leurs rangs, des scientifiques réputés, des éditeurs, des imprimeurs, des nobles, mieux …des souverains!  

Adam redouble de rage. Knigge exaspéré, claque la porte.  

Le départ du baron n’arrange rien. Les dissensions internes continuent à fissurer le groupe… Mais la chute viendra de là où on l’attend le moins. Un coup de foudre ! 

20  juillet 1785 Adam et un de ses disciples, Jakob Lenz, voyagent en direction de Ratisbonne. Un orage éclate. Les deux voyageurs s’acheminent vers un petit presbytère pour trouver refuge quand soudain… Un fracas épouvantable déchire l’atmosphère. La foudre s’abat sur Jakob ! Le malheureux meurt aussitôt. 

Son corps est transporté dans une chapelle non loin. Des moines nettoient les plaies et ôtent ce qu’il reste de vêtements. Entre les lambeaux de tissus, une liasse de manuscrits apparaît. Un des pères s’en empare. Ce qu’il lit lui fait froncer les sourcils. Il est question d’une mission d’infiltration et des noms de codes surgissent à chaque ligne ! Sans attendre, le prêtre rédige une copie détaillée du texte et l’envoie à ses supérieurs à Munich. La très catholique Bavière est peut-être en danger !

Les autorités bavaroises exultent. Enfin ! Elles ont la preuve écrite des manigances d’Adam Weishaupt. La divine providence leur a livré le rebelle, son projet est dévoilé ! 

La police reproduit les documents et les écoule à travers tout le royaume. 

La répression ne s’arrête pas là. Des perquisitions sont ordonnées. Les illuminati sont traqués et pourchassés. L’opprobre frappe quiconque a été affilié au groupe. 

De respectables docteurs en médecine sont suspendus, des membres de l’académie des sciences sont congédiés. Certains renient le mouvement pour sauver leur peau. C’est le cas du plus célèbre écrivain allemand : Johann Wolfgang von Goethe.  

Forcé à la clandestinité, le groupe se dissout rapidement. 

Adam se réfugie in extremis chez le prince électeur de saxe. Humilié, ruiné, le fondateur des illuminati ruminera son échec jusqu’à sa mort en 1830. 

1776 -1785. Les illuminati n’auront pas duré dix ans. Une histoire s’achève, une autre commence… La légende noire est prête à prendre son envol. 

1789. La Révolution française éclate. 

La monarchie est abolie et l’Église bascule de son piédestal. La république est proclamée. L’onde de choc se répercute à travers toute l’Europe. Ce que l’on croyait immuable s’est écroulé comme un château de cartes. Les classes dirigeantes cèdent à la paranoïa. Un mouvement populaire qui détrône 

les rois ? Qui saccage les églises et pourchasse les prêtres ? La chose est inconcevable ! Et si les masses avaient été manipulées ? Des acteurs cachés auraient orchestré cette catastrophe sanguinaire? 

Des intellectuels se saisissent de leurs plumes et dénoncent la sinistre conspiration : Les illuminati n’ont pas été éradiqués, au contraire. Ils ont œuvré dans le plus grand secret et leur stratagème s’est réalisé ! La fin de la royauté, le bouleversement des états, l’extermination de la chrétienté…N’était-ce pas leur souhait le plus cher ? Les publications remportent un grand succès : On a déniché le coupable idéal ! 

La machine à fantasme est lancée : elle franchit l’Atlantique et débarque aux États-Unis. 

Au départ, les Américains ont applaudi la Révolution française. 

Mais la Terreur et son bain de sang ont douché les enthousiasmes. Par Ricochet on associe les Illuminati au chaos et à l’anarchie. 

Lors du sermon dominical les pasteurs font trembler leurs ouailles. Ils dépeignent un ennemi invisible cherchant à corrompre l’innocente Amérique. Les écoles, le gouvernement et la famille elle-même ! Personne n’est à l’abri.

Le président Georges Washington correspond très sérieusement avec un auteur conspirationniste, l’écossais John Robison. Le pamphlétaire presse de questions le chef d’État américain. Les Illuminati ont-ils traversé l’Atlantique? Son inquiétude n’est pas sans fondement. Certains Illuminati dans leur fuite éperdue ont effectivement trouvé refuge en Amérique. 

La réponse de Washington est confuse et embarrassée. Plus tard, son attitude donnera du grain à moudre aux spéculations complotistes. Washington était un franc maçon, c’est un fait avéré. Mais peut-être avait-il en secret prêté serment à une autre formation… Les Illuminati recrutaient dans les loges maçonniques…c’est bien connu… 

Francs-maçons et Illuminati, l’amalgame est vite fait ! 

Le concept sert d’argument massue pour qui veut alimenter la suspicion. Lors des présidentielles américaines de 1800, le candidat et futur président Thomas Jefferson n’est pas épargné par ses adversaires politiques. Libéral, accusé d’impiété… Oui, à tous les coups, c’en est un !

Le temps passe et le traumatisme généré par la révolution française s’estompe. Les peuples européens s’émancipent de la tutelle religieuse. L’idée d’un État se passant de roi et de Dieu ne fait plus trembler personne. 

Peu importe. Le conte des Illuminati continue de prospérer. Il conserve cette idée de base : un petit nombre d’intrigants manœuvre pour détrôner les gouvernements en place. Année après année, leur toile s’étend…

Au 19ème siècle, on les soupçonne de pactiser avec le diable ! 

Résumons le cheminement d’idée : Les Illuminati ont dénoncé les déboires de l’Eglise catholique, donc ils sont antireligieux et forcément… ils adorent Satan! Un antisémitisme nauséabond se mêle à l’affaire. Si Adam Weishaupt haïssait à ce point le christianisme il devait nourrir des raisons secrètes. 

N’était-il pas juif ?  

C’est aux États Unis que les conspirationnistes élaborent leurs théories les plus farfelues.  Ils en sont persuadés : Le Territoire américain est truffé de symboles Illuminati. Ils ont même apposé leur sceau sur le billet d’un dollar ! 

Examinons de plus près l’image : Une pyramide inachevée surmontée d’un œil inquisiteur. La rhétorique complotiste y décèle la marque des Illuminati. 

Pas du tout. La pyramide inachevée est un symbole maçonnique !  Quant à l’œil, il est l’allégorie d’une divinité omnisciente. Le symbole a été maintes fois utilisé dans la peinture religieuse. 

En bas de la pyramide est inscrite en lettres latines 1776.  Pour les complotistes, le chiffre désigne l’année de naissance des Illuminati. Elle ne commémore pas la proclamation d’indépendance des Colonies américaines. Et pourtant… C’est bien le cas ! 

L’inscription “Novus ordo seclorum” qu’on peut traduire par nouvel ordre des siècles fait aussi tilter les complotistes. Selon eux la devise dévoile un sinistre projet : la mise en place d’un régime totalitaire auquel nul ne peut échapper. Encore une fois ils se trompent. La formule célèbre l’avènement d’un nouveau type de gouvernement : la démocratie ! 

Pour citer Umberto Ecco : « le fou ne se soucie pas d’avoir une logique. Il procède par court-circuit. Tout démontre tout. »

Le mythe ne cesse de muter.  À Chaque époque, son lot de terreurs et d’angoisses, mais la légende s’en accommode parfaitement.  

A la fin du dix-neuvième siècle on attribue aux Illuminati la vague d’attentats anarchistes.  

La formule est imparable. 

N’importe quel événement déstabilisant l’équilibre des nations leur est attribué. La révolution russe ? Les Illuminati ! les deux guerres mondiales ? Encore eux ! 

Pendant la guerre froide, lorsque l’Amérique sombre dans la paranoïa, un nouvelle fable surgit : les rouges ne sont qu’une façade, le véritable ennemi ce sont les Illuminati !

A l’heure de la mondialisation, la saga opère son ultime métamorphose. Les Illuminati endossent l’habit terrifiant du système global qui voit et contrôle tout. 

L’ONU, l’Union européenne, la banque mondiale, les GAFAS… Des créations Illuminati ! 

Ils ont aussi orchestré les attentats du 11 septembre et déclenché la guerre en Irak ! 

Leur dernière lubie ? Le contrôle de nos esprits. Grâce aux nanotechnologies, leur plan d’asservissement sera bientôt accompli !  

Sur internet, les complotistes décortiquent les moindres faits et gestes de ceux qui nous gouvernent.

 2017. Le fraîchement élu Emmanuel Macron prononce son discours d’investiture devant la pyramide du Louvre. La toile se déchaîne. 

La même année, une photo de Macron relance la suspicion. Entouré d’autres personnalités politiques, le président fait un étrange geste avec ses mains. La forme d’une pyramide ! 

Et non ! Le geste que fait le président est celui de la Tour Eiffel en langage des signes. 

La photo a été prise à l’occasion de la visite du comité olympique. 

Le monde politique n’est pas le seul à être scruté. Les pop stars et leurs clips vidéo sont examinés à la loupe. Il suffit de repérer une forme triangulaire, et de déceler la présence de symboles vaguement mystérieux pour que le verdict soit prononcé : Illuminati ! 

Certaines célébrités usent délibérément de la symbolique et prennent un malin plaisir à jouer avec le feu. 

Dans son clip S&M la chanteuse Rihanna tient un bloc note avec inscrit dessus « princesse des Illuminati ». Cette plaisanterie lui a valu les foudres des religieux intégristes et a failli compromettre un concert  prévu à Dakar. 

Les Illuminati ne gouvernent pas le monde mais ils ont colonisé notre imaginaire. 

La première fiction qui cite leur nom date de 1800.  

Une atmosphère gothique, des secrets, du complot, un décor historique qui donne du crédit à l’ensemble…Il n’en faut pas plus pour mettre en branle le levier de l’imagination. Alexandre Dumas et Eugène Sue s’en sont donné à cœur joie. 

Aujourd’hui, c’est l’auteur Dan Brown qui exploite le filon. Ses deux best sellers, Da Vinci Code et Anges et Démons, ont remporté un immense succès. Le cinéma n’est pas en reste. 

Des films comme Lara Croft et Benjamin Gates mettent en scène pour notre plus grand plaisir ces méchants d’opérette. Livres, jeux vidéos, chansons…la liste est infinie. De mystère en mystère, les Illuminati ont du pain sur la planche. Leur potentiel romanesque est inépuisable.  

Face aux complexités du monde actuel, le mythe est plus vivace que jamais. 

Les Illuminatis servent d’ultime explication. 

Rien n’arrive par hasard, tout a une  raison ! 

Les bénéficiaires ne sont pas ceux que vous croyez. Dans les coulisses, ils tirent les ficelles de l’histoire. En France, une personne sur quatre croit à l’existence des Illuminati. La mécanique du complot marche à plein régime et elle n’est pas près de s’essouffler…

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