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LE MONDE EN 2050 – Partie 2

LE MONDE EN 2050 – Partie 2

Carnet de route

Jour 1

Date : 27 septembre 2050.

Lieux : New York, États-Unis,

Le décor est apocalyptique. Partout, je ne vois que des voitures renversées, des arbres arrachés, des amoncellements de débris.

Des maisons entières ont été dévastées, des bâtiments détruits, des lignes électriques gisent sur le sol.

Il y a deux semaines la tempête Mateo dévastait une partie de la Louisiane. Aujourd’hui c’est l’ouragan Zita qui sème le chaos sur la côte Est des Etats-Unis. Après avoir atteint Rhode Island, la tempête est descendue le long de la côte Atlantique. Elle s’est transformée en ouragan de catégorie 3.

Elle a stagné une journée au-dessus de New York, balayant la ville de bourrasques atteignant les 200 km/h et l’arrosant de pluies diluviennes.

J’arpente le quartier de Brooklyn, les pieds immergés dans une eau boueuse et saumâtre.

 L’Hudson et l’East River ont débordé dans la soirée, déversant des flots sur la ville et transformant des avenues en torrents.

Les voitures garées dehors ont toutes été emportées.

Des trombes d’eau se sont engouffrées dans les tunnels, ont submergé des stations de métro.

Ce matin, l’eau se retire lentement. Je constate l’étendue des dégâts en même temps que les habitants revenus en ville.

En effet, depuis quelques jours, les Etats de la côte Est se préparaient à affronter l’ouragan. La population a été évacuée massivement, les transports en commun arrêtés, les routes coupées…

Mais les dégâts restent considérables. Près d’un million de personnes sont encore privées d’électricité. La ville restera paralysée pendant plusieurs jours…

Les secouristes passent au peigne fin les zones sinistrées.

Devant une maison à la toiture arrachée, je croise un résident qui ramasse des débris. Il me dit qu’aujourd’hui, de tels événements climatiques ne sont pas surprenants. C’est même banal. La première fois qu’il a vécu un tel drame, c’était en 2012, quand l’ouragan sandy a dévasté la côte du New Jersey et le sud 

de l’état de New York. C’est à cette époque que les new-yorkais ont pris conscience de la vulnérabilité de leur ville. Une ville qui s’est développée aux dépens de la mer.

Neuf années plus tard, la tempête ida a souligné la vétusté des infrastructures face au changement climatique. Cette fois-ci, l’assaut ne venait pas de la mer et de ses affluents, simplement de la pluie.

Alors pour se préparer aux prochains ouragans, la ville a repensé son urbanisme. Elle s’est encerclée d’un mur anti-inondations et a laissé plus de place aux arbres. Mais les phénomènes se sont intensifiés ces dernières décennies, et sont de plus en plus dévastateurs.

Aux Etats-Unis, la saison des ouragans est un événement récurrent.  Ils se forment lorsque les températures de l’océan sont chaudes, au minimum de 26 degrés 5. Lorsque le vent souffle, l’air chaud et humide s’élève rapidement dans l’atmosphère. Des nuages orageux se forment et se mettent à tourbillonner…

La machine est lancée.

Lorsque la vitesse des vents dépasse 117 km/h, la tempête devient un ouragan. C’est comme ça qu’on l’appelle dans l’Atlantique Nord et le Pacifique Nord côté Amérique. 

Côté Asie, c’est le typhon. 

Dans le Pacifique Sud et l’océan Indien, le cyclone.

Derrière ces noms, le phénomène météorologique reste le même : tant qu’il reste au-dessus d’océans chauds, l’ouragan continue de prendre de l’ampleur.

 Jusqu’à ce qu’il touche les côtes terrestres, et s’accompagne de pluies diluviennes, de vents violents, de houle…

Or le réchauffement de la planète a fait monter la température de l’eau et généré plus d’humidité dans l’atmosphère.

Deux paramètres qui sont l’énergie des ouragans.

En 2046, l’ouragan Mila, de catégorie 4, a puisé sa force dans une eau de surface à 31 °C avant de déverser des pluies torrentielles en Floride.

La fréquence des cyclones de niveau 4 à 5, les pires, a ainsi augmenté ces dernières années.

Au Sud-Est de Manhattan, je marche le long du gigantesque mur anti-inondation, érigé en 2028. 

New York, comme les Pays-Bas, est largement conquise par les eaux. 

Alors elle se protège comme elle peut. Des milliers de maisons ont été rehaussées, les bords de mer protégés, des kilomètres de digues érigés. 

Mais encore une fois, ces ouvrages n’ont pas été suffisants pour empêcher l’eau d’entrer…

New York, le géant urbain, reste extrêmement vulnérable face aux conséquences du changement climatique.

Le danger, c’est la montée subite des eaux : la submersion, lorsque l’ouragan survole la ville, formant une gigantesque houle qui s’abat sur les côtes.

Avec un niveau de la mer qui ne cesse de s’élever, que ferait ici un ouragan de catégorie 5 ?

Pourtant, plutôt que de quitter ses terres pour les rendre à la mer, la ville reconstruit encore et encore et se prépare à la prochaine tempête.

Inlassablement, New York continue son combat contre l’océan.

Carnet de route

Jour 2

Date : 30 septembre 2050.

Lieux : New Delhi. Inde.

Toute la ville est voilée par un épais nuage gris.

Le ciel est sombre.

C’est à peine si je distingue la lueur du soleil et les bâtiments qui se dressent devant moi.

Ce matin, les habitants de New Delhi se sont encore réveillés dans une atmosphère saturée de polluants.

Comme chaque année depuis plusieurs décennies, la capitale indienne suffoque.

Les concentrations de particules fines atteignent des sommets, surtout les plus petites, qui ne dépassent pas 2,5 micromètres de diamètre (les PM 2,5 comme on les appelle).

La ville enregistrait hier un niveau de 910 microgrammes par mètre cube d’air , très loin des seuils fixés par l’Organisation Mondiale de la Santé. Elle  préconise de ne pas dépasser 25 par jour.

On est  à 910… 37 fois  plus que la moyenne recommandée

Il faut imaginer que ces particules ont la taille d’un trentième de cheveu humain

Elles sont si petites qu’elles pénètrent profondément dans nos poumons, mais aussi dans la circulation sanguine. Ce qui accentue à long terme les risques de maladies cardiovasculaires et de cancer des poumons…

Même avec mon masque de protection, je sens l’odeur âcre de la pollution. L’air est irrespirable.

Je croise des marchands ambulants, des chauffeurs de taxi, des sans-abris, qui n’ont rien d’autre pour se protéger qu’un mouchoir ou leur manche de tissu.

Mon chauffeur me raconte que ses poumons sont envahis de particules fines et qu’il est toujours essoufflé. Le médecin lui a diagnostiqué une bronchite chronique. Ses enfants sont asthmatiques.

Ici, les habitants ont constamment les yeux qui brûlent, la gorge irritée. Tous ont les poumons encrassés même s’ils ne fument pas.

On connaît pourtant depuis longtemps les sources de pollution. 

Ce sont les émissions de gaz toxiques provenant de l’industrie, l’incinération des ordures, les brûlis agricoles des régions voisines. 

Il faut ajouter la poussière venue du désert et des nombreux chantiers de construction. Et le trafic routier aussi. 

Il n’a jamais cessé de s’intensifier. Avec le froid hivernal et l’absence de vent, les polluants ne se dissipent pas. Ils sont piégés dans un nuage opaque qui empoisonne l’air et s’infiltre jusqu’à l’intérieur des habitations.

Pour assainir l’air, les habitants ont étendu les forêts urbaines et fait fleurir des jardins verticaux.

Ceux qui en ont les moyens ont équipé leurs maisons de purificateurs d’air, les autres respirent en continu un air toxique.

Au centre de la capitale, la “tour à smog” inaugurée en 2021 trône toujours. 

Une tour de quinze mètres de haut, équipée de ventilateurs géants filtrant les particules fines. Un aspirateur à pollution qui a coûté 2 millions d’euros mais s’est révélé être un gadget… 

Ou une manière de ne pas s’attaquer au fond du problème.

L’Inde promettait il y a 30 ans d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2070. Mais les besoins énergétiques ne cessent d’augmenter et la consommation de charbon ne baisse pratiquement pas.

On est aujourd’hui loin des promesses tenues.

Alors chaque année, aux prémices de l’hiver, on ferme les écoles, on décrète la circulation alternée, et on suspend les travaux de construction pour quelques jours.

Aujourd’hui New Delhi figure dans le triste palmarès des endroits les plus pollués au monde. 

Mais dans tous les pays, la pollution de l’air représente une menace pour la santé.  Et le réchauffement climatique a aggravé le problème…

  • Les vagues de chaleur emprisonnent les polluants au-dessus des villes, intensifiant les pics de pollution.
  • Les feux de forêts, de plus en plus fréquents, émettent des fumées de particules qui se propagent à des milliers de kilomètres.
  • L’avancée du désert charrie avec elle des tempêtes de sable et de poussière.
  • Avec les fortes chaleurs, l’usage de la climatisation dans les bâtiments et les voitures augmentent, ce qui rajoute de la pollution.

Les conséquences de tout ça sur la santé sont désastreuses.

La pollution de l’air tue des millions de personnes chaque année dans le monde. 

Elle détériore les poumons des enfants et provoque des infections respiratoires et des crises d’asthme.

Chez l’adulte, elle peut être à l’origine de maladies cardio-vasculaires et neurodégénératives.

Aucune région du monde n’est épargnée, mais certaines paient un tribut plus lourd que d’autres : 

En Inde, l’espérance de vie s’est réduite de 10 ans par rapport à la moyenne mondiale.

Le brouillard m’empêche de voir à plus de 200 mètres. 

Je discute avec un vendeur de rue. Il se souvient de la seule et dernière fois qu’il a vu un ciel éclairci. 

Un miracle. 

C’était en 2020 après deux mois de confinement dû à la crise du coronavirus. 

Toutes les activités s’étaient figées. Les industries et les chantiers suspendus, le trafic routier à l’arrêt. Et là, la ville s’était libérée de son nuage de pollution.

Le ciel était redevenu bleu et l’air respirable.

Carnet de route

Jour 3

Date : 05 octobre 2050.

Lieux : Zambie / Afrique

Pas une goutte de pluie n’est tombée depuis des années dans ce village de Zambie. L’air est sec, les herbes verdoyantes ont été remplacées par des vallées sableuses. Je traverse des champs de maïs flétris, décimés par la sécheresse.

Un éleveur me montre sa ferme où errent quelques vaches et moutons.

Il m’explique qu’il n’a presque plus d’animaux. Les trois-quarts de son bétail ont succombé l’année dernière du manque d’eau et de nourriture.

Plus loin, je constate que son puits est à sec. Impossible d’en tirer la moindre goutte. Cela fait plusieurs mois qu’il s’est tari.

Je rejoins des villageois qui attendent avec leurs seaux, leurs bouteilles en plastique, de recevoir un peu d’eau distribuée par une ONG. Certains ont parcouru plusieurs kilomètres pour arriver ici à l’aube.

Comme cette femme, qui a marché trois heures en pleine nuit avec ses enfants. Elle me raconte qu’ici, cela fait bien longtemps qu’on ressent les effets du changement climatique.

Année après année, la sécheresse se poursuit, anéantissant les cultures et le bétail. La situation est toujours plus catastrophique.

Et le moindre centilitre d’eau est précieux…

Dans tout le pays, les réserves d’eau sont au plus bas, au point que l’eau ne coule plus, même dans les grandes villes.

En 2018, le Cap, en Afrique du Sud, avait échappé de justesse au “jour zéro”, grâce à la pluie et à des restrictions drastiques. Aujourd’hui, en 2050, les robinets sont fréquemment à sec.

Faute de pluies suffisantes, le barrage de Kariba, principale source d’électricité de la Zambie et du Zimbabwe, est à son niveau le plus bas depuis 2019. 

Les deux pays vivent au rythme de longues coupures d’électricité. La capitale zambienne, Lusaka, est parfois privée d’électricité pendant plus de vingt heures d’affilée. 

Il y a une semaine, je constatais amèrement la quasi-disparition des chutes Victoria, sur le fleuve Zambèze.

Ici, on l’appelait la “fumée qui gronde”.

Le débit du fleuve était si puissant qu’il se jetait dans le canyon en arrosant les touristes à des centaines de mètres à la ronde. Mais le débit n’a pas cessé de se réduire, jusqu’à ne donner qu’un mince filet d’eau.

En arrivant ici, je ne découvre qu’un ravin aride où tombait auparavant l’une des plus belles chutes du monde, auréolée en permanence d’un arc-en-ciel…

Autre symbole du réchauffement, les derniers glaciers d’Afrique, le mont Kilimandjaro en Tanzanie, le mont Kenya, 

et les monts Rwenzori bordant l’Ouganda, ont disparu dans les années 2030.

À mesure que les lacs et que les fleuves s’assèchent, les animaux ont de plus en plus de mal à trouver de la nourriture. En roulant, j’ai traversé un charnier : les routes sont jalonnées de carcasses d’éléphants, d’hippopotames, de bétail.

Une hécatombe.

Si les épisodes de sécheresse sévissent en Afrique depuis longtemps, ils sont devenus plus fréquents et intenses ces dernières décennies.

La hausse des températures a eu des effets dévastateurs, notamment sur le régime des pluies. 

Certaines parties du continent en sont privées depuis des années, tandis que d’autres font face à des pluies diluviennes.

Parfois, certains pays basculent d’un extrême à l’autre. Le Mozambique et le Malawi, en proie à la sécheresse l’année dernière, subissent aujourd’hui la pire inondation depuis le cyclone Idaï en 2019.

Encore une fois, les pluies torrentielles ont causé des dégâts considérables sur les habitations et laissé des immensités de terres inondées.

Des millions de personnes ont tout perdu. 

Aujourd’hui, les dérèglements de la météo épuisent les capacités de résistance des populations. Beaucoup n’ont plus d’eau, de nourriture, ni même de logements.

Petits paysans, agriculteurs, éleveurs, commerçants… 

Tout le monde est impacté. Alors des communautés entières doivent prendre la route pour trouver désespérément de l’eau et des terres cultivables.

Le nombre de migrants climatiques a explosé ces dernières années.

Malgré le désastre, certains ne perdent pas espoir.

Je rencontre une vieille dame qui m’emmène dans son modeste champ, où poussent des haricots, des arachides, du sorgho, du millet… Des légumes nutritifs qui résistent mieux à la sécheresse que le riz et le maïs. 

Elle m’explique que maintenant, elle privilégie la diversification des cultures. C’est simple et ça pousse. 

Ailleurs, on déploie l’énergie solaire, on plante des arbres pour régénérer les sols asséchés, on reverdit le désert…

Les projets se sont multipliés pour lutter contre la sécheresse.

Car l’Afrique, continent le moins polluant de la planète, ressent depuis longtemps les premiers effets du changement climatique.

Alors ici, les gens n’ont pas eu d’autre choix que de s’adapter. 

Texte : Sophie Vo / Voix : Laury Thilleman