Astrologie, tout est faux et… On y croit !
L’histoire de l’astrologie nous apprend que… Tout est faux. Alors, pourquoi continuons-nous à lire nos horoscopes ?
C’est Robert De Niro qui l’affirme dans le film Casino, de Scorcese : « A Las Vegas, le seul qui gagne, c’est le patron du casino ». Point barre. C’est la seule règle qui vaille.
C’est pour ça que dans les casinos, il n’y a pas de fenêtres ni d’horloges, pour qu’on oublie le temps qui passe et qu’on continue à jouer… Et tant qu’on joue, des filles en minishort sur des patins à roulette nous donnent gratuitement tous les alcools qu’on veut.
Et la foule vient à Vegas pour perdre son argent. On claque le salaire du prochain mois, et celui du mois d’après, et l’argent de côté pour les études du petit…on dépense tout ce qu’on possède…
Et quand on n’a plus rien, on va chez le prêteur sur gage et on échange sa montre, sa voiture, son alliance, ses dents en or, pour quelques dollars qu’on ira jouer…et perdre…
Et vous savez ce que j’ai vu dans la vitrine d’un prêteur sur gage à Las Vegas ? Une jambe de bois.
Lire la suite20 juin 1947, Los Angeles.
Dans le ciel étoilé de Beverly Hills, la nouvelle lune a disparu pour quelques heures. L’atmosphère est moite dans les rues glamour de ce repère de stars.
Derrière les immenses portails des villas, sont garées des voitures luxueuses : Rolls, Cadillac et Bentley.
Dans une de ces demeures, un homme est encore éveillé. Il lit la dernière édition du Los Angeles Times confortablement installé dans son canapé fleuri. La Une du journal est consacrée à l’histoire de cette femme dont on a retrouvé le corps sur une plage. Pour l’instant, on ne sait pas qui c’est. Elle est surnommée dans la presse : « L’inconnue de la plage »…
A l’extérieur de la maison, dans le jardin, près de la fenêtre, le tueur attend le bon moment. Délicatement, il règle le viseur de sa carabine M1. Une arme appréciée des professionnels. Légère, facile à transporter, peu de recul et précise.
Son pouls s’accélère. La même poussée d’adrénaline à chaque fois.
Il ferme un œil, vise sa cible. Facile. Elle est bien éclairée par de lourdes lampes aux abat-jours blancs, aussi blancs que l’épaisse moquette au sol.
Le tueur respire un grand coup. Coupe sa respiration. Presse la gâchette. 9 fois. 2 balles atteignent la cible. En pleine tête.
Des débris osseux et du sang rouge giclent sur les murs et la moquette. Bugsy s’effondre. Une des balles a explosé son œil gauche.
L’homme qui a imaginé Las Vegas vient de mourir.
Bugsy, c’est Benjamin Siegelbaum, un gamin de Brooklyn, né dans le quartier de Williamsburg, en 1906.
Williamsburg, à l’époque, c’est la misère. Un genre de ghetto multiethnique où tous les migrants attirés par le nouveau monde, se retrouvent entassés dans des logements misérables. On travaille dur pour pas grand-chose.
Les parents de Benjamin sont juifs hongrois et, on l’a compris, pauvres. Le gamin grandit dans la rue. Il va de moins en moins à l’école. Pour finir, il n’y va plus du tout.
Il intègre un gang et apprend le vol, le braquage, le racket.
A l’adolescence, il passe son brevet de truand grâce à un dénommé Meyer Lansky. Lui aussi est juif, gangster junior, et a compris que dans la rue, les jeunes juifs devaient s’allier s’ils voulaient se faire une place entre les mafias italiennes et irlandaises. C’est ainsi que naît ce que l’on appellera la Yiddish Connection, la mafia juive.
Arrivent les années 20 et la prohibition.
Benjamin se lance dans le trafic d’alcool sur toute la côte est. Il gagne de l’argent. Il prend du galon. Il se fait un nom dans la mafia…et surtout, il se fait une réputation. Une réputation de cinglé, le type qui n’a jamais peur, un sang-froid incroyable et pas de pitié. Il tue sans hésitation. C’est comme ça qu’il gagne son surnom, qu’il déteste d’ailleurs, « Bugsy ». Comme un insecte fou, incontrôlable. Un bug. Aujourd’hui, on parlerait sans doute de psychopathe. Mais attention, un beau psychopathe !
Élégant, smoking taillé dans du tissu de qualité, Stetson, chaussures italiennes, il entretient un look de star de cinéma, un séducteur. Il aime être reconnu, il aime être vu, il aime l’opulence.
A 21 ans, il est riche. Il achète cash un appartement sur l’île de Manhattan. Le gamin des rues est devenu un cador du crime. Il va passer l’étape supérieure et devenir… un assassin professionnel.
Ces années-là, le célèbre mafieux italien Lucky Luciano allié au juif Meyer Lansky, l’associé de Bugsy, créent le syndicat du crime. C’est une sorte de gouvernement des mafias qui règle les conflits, distribue les territoires et partage les business afin d’éviter les guerres entre les gangs.
Ce syndicat du crime est doté d’une branche qui gère les assassinats. Dans ce monde-là, quand on élimine un concurrent et bien…on l’élimine !
Ce département « assassinat en tous genre » a même un nom, le Murder Incorporet et c’est Bugsy qui en a la charge.
Il tue à la commande, pour le syndicat … Et à force de tuer, on se fait des ennemis.
Certains n’apprécient pas les méthodes de Bugsy, ou alors ils en ont peur…
Les pontes de la mafia décident de le mettre au vert pour un temps. Ils l’envoient de l’autre côté du continent, sur la côte Ouest, en Californie. On s’approche de Vegas…
A la fin des années 30, Bugsy s’installe donc en Californie. Il se met au travail tout de suite. Los Angeles va connaître le grand Ben Siegel ! Il recrute des truands locaux notamment le célèbre Mickey Cohen. Il forme un gang. Tout le monde marche. Il faut dire que la réputation de tueur de Bugsy l’a suivi et surtout, il est soutenu par Lucky Luciano, le gangster le plus célèbre du moment et personne n’a envie de déplaire à ces deux-là. Et les affaires roulent.
Bugsy s’impose. Il développe un réseau de paris clandestins, un circuit de prostitution, il multiplie les rackets et il lance un trafic d’héroïne et de cocaïne avec le Mexique. L’argent coule à flot, Bugsy s’achète des politiciens, des chefs d’entreprises, des avocats…il entraîne l’élite dans sa danse, il soudoie tout ce joli monde, il se protège. Et tout va bien pour lui ! Tellement bien qu’il s’attaque à l’industrie du cinéma, il racket aussi Hollywood ! Comment ? …chantage à la grève.
Bugsy a pris le contrôle des syndicats. Il lance des mouvements de grève qui bloquent les plateaux. Si les studios veulent tourner des films…ils doivent payer ! Et ils payent !
Les acteurs eux aussi sont sous sa coupe. Les plus grandes stars lui prêtent des sommes colossales. On parle de Clark Gable, Gary Cooper, Frank Sinatra ou Tony Curtis !
Bugsy ne rembourse jamais et les stars n’y peuvent rien…qui va se plaindre de Bugsy le tueur, l’homme de la mafia ! L’homme qui racket tout le monde…sans limites…
Une fois, il ne passe pas loin de la case prison. Il effectue un assassinat pour le syndicat, il tue un type de la famille qui menaçait de devenir indic. Dans le doute…on l’a éliminé. L’affaire tourne mal. Deux témoins pourraient parler. Bugsy est incarcéré en attendant le procès.
En prison, il mène la belle vie. Régime spécial, vins, visites féminines…il est comme un pacha. Et puis…les deux témoins meurent. Comme dans un film de série B mais en vrai. Les témoins meurent, le méchant est relâché.
Bugsy est libre. Il a une nouvelle idée. Las Vegas. On y arrive !
Il faut quitter Los Angeles vers l’Est. Le Nord Est.
Vous prenez la 15 ou la 14.
Vous quittez la Californie et entrez dans le Nevada. Vous roulez quatre heures. Environ 400 kilomètres.
Vous traversez un désert. Un véritable désert, le désert de Mojave. Du sable, des cailloux, des cactus, des collines brûlées par le soleil et des buissons morts qui roulent dans le vent. Pas d’eau. Quelques jours de pluies en hiver, c’est tout. 26 degrés en moyenne. Plus de 40 l’été.
Et au milieu de ce désert, une petite ville, Las Vegas.
Tout le truc de cette histoire, c’est la législation du Nevada. Dans les années 30, au cœur d’une Amérique très puritaine, le Nevada devient l’État le plus subversif du pays en autorisant la prostitution et les jeux d’argent. C’était bien vu.
Le Nevada a gagné, et gagne toujours, des milliards de dollars chaque année grâce aux casinos et aux bordels.
Et Bugsy a une vision …
Bugsy voit des hôtels casinos posés dans ce désert où le jeu est légal, il voit les stars de cinéma, les hommes politiques, les chefs d’entreprises, les riches et les glamours… ils les voit tous venir dépenser des fortunes en buvant du champagne dans des casinos…en s’offrant des filles, en fumant du cannabis, de l’opium, en sniffant de l’héroïne et de la cocaïne… Il va créer le plus grand lieu de débauche de l’élite californienne, américaine, mondiale !
En 1945, William Wilkerson est propriétaire d’un hôtel, Le Flamingo. C’est un établissement modeste de Las Vegas qui, rappelons-le, n’est alors qu’une toute petite ville. William a besoin d’argent et quand il reçoit la visite de Ben Siegel qui lui propose d’être son associé, il accepte.
A ce moment-là, Siegel cherche juste à placer de l’argent dans des entreprises légales. Mais un an plus tard, il a sa vision.
Il veut transformer ce petit Flamingo en un palace ! Le plus luxueux hôtel du monde !
Avec un casino, bien sûr, mais aussi des restaurants gastronomiques, les meilleurs alcools, des filles sublimes, des salles de spectacles pour les plus grandes stars et des suites magnifiques pour les gros joueurs.
Mais il prévoit aussi d’autres chambres à un tarif abordable afin d’attirer une clientèle de joueurs plus modestes mais plus nombreux…
Bugsy est visionnaire. Il se lance.
D’abord, prendre le contrôle du Flamingo. Il fait à Wilkerson une proposition qu’il ne peut refuser, comme on dit dans ce milieu…soit il vend toutes ses parts à Bugsy, soit…il meurt. Wilkerson vend ses parts et fuit en Europe. On le dit à Paris.
Bugsy a les mains libres. Il lance les travaux en 1946. Un premier million de dollars est englouti. Ça ne suffit pas. Bugsy s’endette auprès de ses amis mafieux. 4 millions de dollars partent en quelques mois.
Il en faut toujours plus. La note se monte à 6 millions de dollars de l’époque. Rapporté à aujourd’hui, c’est 60 millions de dollars qui sont investis dans l’hôtel.
Ouverture du nouveau Flamingo le 26 décembre 1946. Un bide total. Un bide car l’hôtel n’est pas totalement terminé.Certes, il est somptueux, démesuré pour l’époque, d’ailleurs il lancera la mode des supers-hôtels qui pousseront ensuite à Las Vegas, toujours plus grands, toujours plus tape à l’œil… Mais pour l’instant…il n’est pas fini…
Les invités arrivent dans des bruits de marteau-piqueurs, le hall est couvert de bâches, les suites de grand luxe ne sont pas ouvertes, la climatisation tombe régulièrement en panne…Une catastrophe. Et les plus grandes stars qui devaient venir de Los Angeles, ne viennent pas.
Au bout de deux semaines, le Flamingo perd de l’argent. Et en janvier 47, un mois seulement après son ouverture, il ferme ses portes. Et Bugsy refait la tournée de ses associés. Il obtient une rallonge, une deuxième chance.Cette fois, il ne se rate pas.
Les travaux sont bel et bien terminés. Les stars sont confirmées. Une journaliste est engagée pour faire la pub de l’hôtel dans des journaux. C’est bon, on peut y aller, deuxième ouverture du Flamingo, en mars 47. Et ça marche.
L’affaire engrange de l’argent. C’est parti, Las Vegas, la ville du vice, vient de naître. Mais Bugsy lui, est condamné…
Quelques mois plus tôt, les cadres du syndicat du crime se sont réunis à Cuba, à La Havane. Le cas Bugsy est arrivé sur la table.
Ses dettes faramineuses pour son hôtel passent mal. Et puis, l’homme est définitivement incontrôlable, trop fou, trop cinglé de la gâchette, trop bruyant, trop voyant.
Enfin, un dernier reproche, Bugsy aurait détourné une partie de l’argent prêtée pour le Flamingo…on n’en est pas certain, mais dans le doute, on élimine. Bref, Ben Siegel est condamné.
Même son vieux copain Lansky, celui qui était à ses côtés aux débuts à Brooklyn, même lui vote…la mort. Le 20 juin 1947 Bugsy est abattu de deux balles dans la tête, dans son salon.
Las Vegas survit à son créateur. Et le bébé grandit vite.
La mafia poursuit les investissements. Les casinos rapportent beaucoup et comme ils brassent énormément d’argent liquide, ils sont une parfaite lessiveuse pour blanchir l’argent des trafics et de la prostitution.
Dans les 10 ans qui suivent la mort de Bugsy, les hôtels casinos se multiplient, comme le Sahara, le Sands, le Tropicana, le Showboat ou encore le Riviera.
En 1954, Las Vegas accueille chaque année 8 millions de visiteurs qui dépensent 200 millions de dollars.
On invente les buffets gastronomiques où l’on mange autant qu’on veut, l’alcool à volonté pour les joueurs et les spectacles qui convoquent Elvis, Sinatra, Dean Martin, Bing Crosby…tous les noms du moment se produisent à Vegas.
Autre attraction qui fera le succès de la ville : les essais nucléaires ! Entre 57 et 63, l’armée américaine utilise le désert du Mojave pour tester ses bombes qui explosent à une centaine de kilomètres seulement de Vegas.
On est alors inconscient du danger des radiations et les essais sont vendus comme des spectacles. Sur les toits des hôtels et les terrasses, on organise des soirées nucléaires, on boit, on mange, on danse et on admire la beauté des champignons atomiques qui s’élèvent dans le ciel un peu plus loin…
Les touristes adorent. Las Vegas décolle.
Dans les années qui suivent, les hôtels se multiplient, toujours plus beaux, plus grands, plus luxueux. On ouvre un aéroport, une université, un centre de convention…la ville s’étend. On comptait 5000 habitants quand Bugsy est arrivé, ils sont 25 fois plus en 1970, 125 000…
Avec les années 80, Las Vegas change de visage. D’un côté le FBI et le fisc américain font la vie dure aux mafieux qui possèdent les casinos, et d’un autre, de grandes compagnies, des entreprises tout à fait légales, commencent à investir dans Las Vegas.
Le véritable tournant se fait dans les années 90. Las Vegas devient une attraction familiale, on vise les classes moyennes, on vise la masse et non plus l’élite.
Les chiffres sont parlants. Aujourd’hui, 40 millions de visiteurs se pressent chaque année à Vegas. Ils jouent en moyenne 9 heures par jour et dépensent 600 dollars. Il y a 200 000 machines à sous dans la ville. L’aéroport est le dixième le plus fréquenté au monde. 1200 établissements ont une licence de jeu et gagnent 9 milliards de dollars par an. 9 milliards de dollars… Même dans ses rêves les plus dingues, Bugsy n’aurait imaginé une telle réussite…
Évidemment, le prix à payer, c’est l’écologie.
Plantée dans le désert, parsemée de golf, de piscines et de fontaines, vivant sous climatisation, dépensant trois fois plus d’électricité que Paris, la ville du vice est une aberration à l’époque du changement climatique.
Elle est alimentée en eau et en électricité par le lac Mead, une réserve d’eau artificielle créée par le barrage Hoover sur le Colorado. Et le lac se vide.
Le réchauffement est passé par là. Les sécheresses se multiplient depuis 20 ans. Moins de neiges dans les montagnes en hiver, donc moins d’eau dans le Colorado au printemps.
En 2023, le lac n’est plus rempli qu’à 30%. Le niveau de l’eau est à 317 mètres au-dessus du niveau de la mer. S’il descend à 289 mètres, il ne pourra plus alimenter Vegas. Et sans eau ni électricité…elle mourra !
La solution ? Les ponts de Vegas sont sans limites, ils parlent d’énergie douce, de recyclage de l’eau, d’économies…mais en vrai, ils vont construire un pipeline de 400 kilomètres pour aller pomper l’eau de nappes phréatique plus au nord…
Avec derrière cette question des écologistes : et quand on aura pompé toute l’eau des nappes, on fera quoi ?Personne n’en sait rien. L’histoire de Las Vegas est une fuite en avant.
Peut-être que son avenir est celui des villes fantômes américaines, créées autour des mines d’or et abandonnées une fois le filon épuisé…
Dans les jardins bien entretenus de l’hôtel Flamingo, une plaque discrète rend hommage à Ben Siegel. Il est simplement écrit « En ces lieux, s’élevaient l’hôtel original, le Flamingo, inauguré par Benjamin Siegel le 26 décembre 1946 ».
Ils lui ont quand même fait une petite plaque à Bugsy. Le voleur, le truand, le séducteur, le tueur… L’homme qui a créé… Las Vegas.
Texte : Eric Lange / Voix : François Berland
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