fbpx

BRUCE WILLIS, Quand il sauvait le monde !

BRUCE WILLIS, Quand il sauvait le monde !

Pieds nus, vêtu d’un simple débardeur blanc et d’un pantalon qui moule son postérieur, il se faufile dans les cages d’ascenseur et les conduits d’aération…

Sa mission : sauver les otages des griffes des méchants terroristes. Il va donner du fil à retordre aux assaillants et la sueur lui va bien. 

Pour détruire leur lance-roquette, il bricole une bombe et la balance du haut de l’immense tour. L’explosion est spectaculaire. Il se penche pour contempler son œuvre et un énorme retour de flamme remonte et menace de le calciner vivant. Mais il reste stoïque et glisse un simple : « Shit ! », avant de rouler-bouler avec la souplesse d’un chat.

Ce personnage, c’est John MacClane, un flic interprété par Bruce Willis en 1988 dans Die Hard. L’acteur vient de conquérir le grand écran. Il réinvente le film d’action avec une nouvelle figure du sauveur. Un type ordinaire qui se change en héros dans les situations extraordinaires. 

Et le public adore. 

Mais en 2022, la nouvelle anéantit ses fans : Bruce Willis met fin à sa carrière. Autrement dit : débrouillons-nous, il ne sauvera plus la planète.

La naissance d’un grand acteur est peut-être toujours romanesque, comme les premières minutes d’un film. 

Tout commence en Allemagne, en 1955. Le père est un soldat américain. Il est venu drapé du drapeau des États Unis, le drapeau de la liberté, pour délivrer l’Europe. Adolf Hitler est mort dix ans plus tôt  et le bien a gagné sur le mal, évidemment, comme dans tout film d’action. 

Dans les années 50, c’est la Guerre Froide. Les Américains sont installés en Allemagne de l’Ouest avec les autres alliés : les Français et les Britanniques. Ils font barrage aux Soviétiques qui menacent, tout près, en Allemagne de l’Est.

Dans ce contexte, la grande histoire rencontre la petite histoire. C’est toujours comme ça. David Willison, le soldat américain, le GI, rencontre une Allemande : Marlene. Elle est sûrement séduite par la prestance du soldat, l’uniforme… Comme au cinéma. 

Bruce naît comme ça. Dans une garnison. Il est l’aîné d’une fratrie de 4 bambins. Il fait ses premiers pas au milieu des tenues de combat et des armes à feu. 

Quand il a deux ans, changement de décor. Retour au pays. La famille prend l’avion et pose ses valises dans le New Jersey, un état proche de New York. 

Bruce se retrouve dans le pays de tous les fantasmes, la mère patrie du grand écran : l’Amérique.

Mais l’aventure ne commence pas facilement. Comme dans un bon scénario, les obstacles sont nombreux.

Bruce Willison est un petit garçon introverti et… Il bégaie. Oui. Incroyable à imaginer aujourd’hui, mais vrai. Et ça dure toute son enfance. Il subit les moqueries de ses camarades qui le surnomment : Buck-Buck

Il faudrait raconter cette histoire aux enfants qui bégaient. Ils reprendraient sûrement confiance en eux. Parce que la revanche de Buck-Buck va être éclatante. 

Au lycée, Bruce tente quelque chose. Il rentre dans un club de théâtre. Surprise : son bégaiement disparaît totalement sur scène, comme par magie. Et si c’était ça le destin ? Une voie qu’on ne choisit pas mais qui nous choisit nous, qui s’impose à nous…

Il a trouvé une solution, il s’y accroche. Après le lycée, il suit une formation d’art dramatique dans une université du New Jersey. Ses parents ne sont pas assez riches pour subvenir à ses besoins. Son père est devenu mécanicien, sa mère est employée de banque. 

Qu’à cela ne tienne. Bruce retrousse ses manches. En parallèle, il est gardien dans une centrale nucléaire. Puis chauffeur : il transporte des ouvriers pour une usine. Il s’en sort bien mais ce qu’il veut, c’est partir, quitter le New Jersey et se lancer dans la vie trépidante de New York. 

C’est là que les choses se passent. À Manhattan.

1984, Bruce a 29 ans. 

Il décroche une pub. Il faut bien commencer quelque part, être vu… 

Sa première apparition sur les écrans de télévision, c’est dans un spot pour les jeans Levi’s. 

Il ne joue pas les Apollons. Il n’en a pas le physique. Il n’est pas très grand. Il n’a pas une musculature impressionnante et il a déjà un début de calvitie. C’est un type comme on en voit tous les jours mais il a un truc. Une énergie spéciale, un air sympathique et même un peu clown. C’est le gars cool, celui avec qui on a envie de prendre un verre. 

Dans ce spot, il est drôle : il lave une voiture en remuant les fesses. À la fin, il tourne sur lui-même, perd ses lunettes et continue quand même sa route en dansant. Tout ça avec un large sourire.

Mais au début des années 80, l’aîné des Willison est encore un illustre inconnu. Il est barman à mi-temps et passe des auditions. 

Un jour, Broadway lui ouvre les bras. Il joue dans les théâtres. Il fait ses armes 

Il aurait pu continuer comme ça, et faire une carrière sur les planches. Mais c’est le cinéma qui l’attire. 

Iil entre à l’Actor Studio. 

C’est une des plus prestigieuses écoles de comédie au monde. Elle a formé de grands acteurs comme Al Pacino, Robert de Niro, Meryl Streep et bien d’autres. 

Bruce prend des cours, il se fait des contacts et apparaît dans de petits rôles au cinéma. En 1986, à 31 ans, il joue dans la série télévisée : Clair de lune. C’est un carton aux États Unis. Bruce gagne plusieurs récompenses et désormais, il se fait appeler : Bruce Willis.

Il est loin le petit Buck-Buck dont tout le monde se moquait. À la fin des années 80, Bruce Willis est la tête d’affiche qui compte. 

En 1987, il joue dans Boire et déboires, une comédie en duo avec Kim Basinger. A cette époque, la carrière de l’actrice explose :  elle a déjà tourné dans le très sexy 9 semaines 1/2… C’est un coup de pouce pour la carrière de Bruce et l’occasion d’ajouter une autre flèche à son arc.

Il gagne ses galons de séducteur sur le grand écran. 

Bruce, le romantique… Dans le film, Kim, alias Nadia, se déchaîne sous l’effet de la moindre goutte d’alcool. Bourrée, elle enchaîne connerie sur connerie, et Bruce, alias Walter, se change en véritable garde du corps. Il la protège et tombe amoureux. 

Le long métrage est un succès.

Sur cette lancée, il va interpréter un rôle absolument inattendu. On est en 1988, le réalisateur de Predator veut adapter un roman en film d’action. Il se tourne vers Schwarzenegger mais le bodybuilder décline l’offre. Tous les gros bras de Hollywood sont contactés: Stallone, Burt Reynolds, Mel Gibson : la réponse est encore non. Al Pacino ? Richard Gere ? Ils refusent le rôle. On pense à Don Johnson de la série Deux flics à Miami, puis à l’acteur de MacGyver… 

Finalement, le nom de Bruce Willis arrive sur la table. Les producteurs veulent promouvoir le film en été et Bruce pourrait apporter un peu d’humour et de légèreté.
En 1988, l’acteur incarne John MacClane dans le film Die Hard et c’est le début de la gloire.

John MacClane va vivre la pire nuit de Noël de toute sa vie. Alors qu’il vient à Los Angeles pour se réconcilier avec sa femme, le flic New Yorkais se retrouve au milieu d’une prise d’otage dans une tour vertigineuse. Bien sûr, sa femme fait partie des captifs. Bien sûr, il est seul contre tous. Bien sûr, c’est lui le plus futé, le plus courageux et il va gagner : occire les méchants, libérer les otages et se réconcilier avec sa femme. 

Le plus captivant, c’est de voir le comédien réaliser des cascades et des combats, le voir traverser du verre brisé, courir sur toute sorte de surface, et le tout : pieds nus. Pour la petite histoire que vous ne saviez peut-être pas, durant le tournage, l’acteur a porté des chaussettes en plastique à l’apparence de pieds nus. On n’y a vu que du feu ! 

Au programme : coups de feu, explosions, beaucoup de verre brisé, de punchlines et de traits d’humour. 

Quand Hans, le chef des ravisseurs, se moque de lui en l’appelant Cow Boy, John lui sort une réplique devenue culte : « Yipee-ki-yay, motherfucker ». Le cri de joie viendrait d’une chanson interprétée par un cowboy dans un film de 1943. 

Les dangers sont si grands, les risques si impossibles, et ce flic est si attachant… Le public n’y résiste pas. Die Hard, qu’on nomme en France Piège de Cristal, rencontre un succès dès sa sortie et plus les decennies passent, plus ce long métrage est vénéré. D’ailleurs chaque mois de décembre un “même” réapparait sur les réseaux sociaux ou sur des tee-shirts et on peut lire « Ce n’est pas Noël tant que je ne vois pas Hans Gruber tomber du Nakatomi Plaza ».

Quatre suites verront le jour jusqu’en 2013. Et quand c’est bon, Hollywood ne boude pas notre plaisir. Surtout quand la recette fait gagner des millions.

Essayez de choisir vos trois films préférés de Bruce Willis. C’est une colle parce que des années 80 au début des années 2000 : on aime toutes ses œuvres. Si on réduit la liste à ses plus gros succès, on a : Piège de Cristal, Pulp Fiction, L’Armée des douze singes, Le cinquième élément, Armageddon, Sixième sens, Incassable, Sin City. Ok. Mais pour un top 3 ça se corse. 

Disons : Piège de cristal, Pulp Fiction et Armageddon. Trois films emblématiques dans la carrière de l’acteur. Fin 80, Piège de Cristal : Bruce installe son image de sauveur, noble et indestructible. 

En 94, Tarantino sort Pulp Fiction. Willis joue Butch, un boxeur. Monsieur Wallace le paye pour qu’il se couche au prochain match. Mais il désobéit, il gagne par KO et tue son adversaire. Wallace poursuit Butch, mais ironie du sort : les deux se retrouvent détenus par des psychopathes. Wallas se fait agresser pendant que Butch réussit à s’échapper. Il hésite mais il revient sur ses pas, attrape un sabre, et le libère. Son rôle est moins solaire que d’ordinaire mais, à la fin, il défend encore l’opprimé. 

Armageddon c’est Bruce Willis dans toute sa splendeur. C’est même sa version caricaturale. Le film sort en 1998, donc proche de l’an 2000 et des fantasmes de fin du monde. Le pitch est incroyable. Un astéroïde menace de détruire la planète. La NASA fait appel à Harry Stamper, le plus grand spécialiste du forage pétrolier. Il doit aller dans l’espace, poser sa navette sur l’astéroïde, creuser un trou pour y placer une bombe et faire exploser la météorite destructrice. Voilà le plan. Et il va y arriver ! 

Tout y est : plans resserrés de Bruce avec le drapeau américain en arrière-plan, marche au ralenti en tenue de cosmonaute… Dans l’espace, il manque 100 fois de mourir atrocement mais il blague. Il dit autant de « putain » que de « Mon Dieu ». Et c’est jouissif. Parce que Bruce Willis est sûr de lui. Il est fort, il est fiable. 

Et si quelqu’un peut sauver le monde, c’est bien lui.

Pendant près de deux décennies, l’acteur enchaîne les succès. Quel est son secret ? Sa recette ? Il mitraille les codes et impose son style. 

Il incarne l’homme moyen, celui qu’on ne remarque pas. C’est pour ça qu’on l’aime et qu’on l’aime autant. D’une certaine manière : Bruce Willis, c’est la revanche des chauves. Si Monsieur tout le monde peut sauver le monde alors nous aussi. L’identification est immédiate. 

Et puis, quand on l’a connu, il avait déjà 30 ans. C’était un homme rassurant. Un homme avec de l’humour, une voix sympathique. D’ailleurs Patrick Poivey, le comédien français qui lui a prêté sa voix, a fait la joie des fans. Une nonchalance à toute épreuve. Et enfin : un type toujours prêt à risquer sa vie pour les autres. En somme : un père idéal.

Un homme idéal aussi. Il a une gueule. Une gueule de tendre et de dur… Il est taiseux, il parle peu. Le sourire légèrement de travers, il tire sur sa cigarette, il plisse les yeux et c’est tout. On sait que la nuit va être chaude. Il plaît. Aux hommes, comme aux femmes. 

Il est arrivé à la fin des années 80, au bon moment. La frénésie des gros muscles se calmait. Stallone et Schwarzenegger avaient déjà connu leur triomphe. Il fallait du sang frais : un nouvel homme, un nouveau mythe… Bruce Willis a fait une sorte de transition entre deux archétypes masculins.

Il a régné sans ombrage sur les années 90. Mais les années 2000 ont un parfum de nouveau monde avec le boom de l’informatique, la démocratisation d’Internet… Les héros changent : plus fins, plus sensibles, moins chevaliers. 

Et pour Bruce, ce fut le début d’un déclin.

Comme beaucoup de stars, Bruce Willis a glissé sur la pente douce de l’oubli. Dans les années 2000, l’acteur tente de se renouveler. Il s’essaye à des comédies avec Mon Voisin le tueur en 2004, où il s’amuse de son image intimidante. Il se parodie dans des séries comme Friends où il interprète encore un personnage de père intimidant. En 2002, il fait un caméo dans Ocean’s Twelve. Il joue son propre rôle.

Il y a encore quelques blockbusters et le dernier Die Hard mais l’éternel flic qui passe la pire nuit de sa vie ne fait plus l’événement. Les échecs commerciaux succèdent à des échecs critiques. Physiquement, il ne change pas tellement mais ça ne prend plus. C’est comme ça : il est passé de mode. 

Et puis en 2021 les redoutables Razzie Awards frappent. Parodie des Oscars, cette organisation décerne un prix pour les pires performances du grand écran. Drôle pour certains, cruels pour d’autres. « Pire acteur de second rôle ». C’est ce que récolte Bruce Willis. Une gifle.

Est-ce une coïncidence ? Quelques jours plus tard, la famille de l’acteur publie un communiqué : à 67 ans, Bruce Willis met fin à sa carrière. Il est atteint d’aphasie. Une maladie cognitive dégénérescente. Elle s’attaque à la partie du cerveau qui abrite les fonctions du langage. 

Concrètement, l’acteur rencontre des difficultés croissantes pour écrire et parler. 

Quelques mois auparavant, Patrick Poivey, sa voix française, s’est éteint. 

La fin d’une ère.

Bruce Willis n’était pas un ange. Côté politique, il est conservateur. Il s’est affiché aux côtés de George Bush. Il a soutenu la guerre en Irak et s’est rendu sur le terrain en 2003 pour supporter les troupes. Il a même proposé une étrange récompense : 1 million de dollars à celui qui capturerait Saddam Hussein. 

L’acteur est aussi connu pour son mauvais caractère sur les tournages et en interview. Un comportement peut être dû à sa maladie qu’il combattait depuis longtemps…

Mais aujourd’hui, tout cela est oublié. L’annonce du clap de fin  provoque une vague d’amour et de soutien. Et ce n’est pas fini. En février 2023, la famille publie un nouveau communiqué. Le comédien serait en réalité atteint d’une démence incurable. Les troubles de la parole n’étaient que le symptôme d’une maladie plus grave. 

On ne réalise pas. On vit une sorte de deuil. Voir Bruce quitter le grand écran c’est un peu voir partir son père. Un père qu’on croyait invincible pour toujours. Un passage obligé, certes, mais difficile à accepter. 

Après tout, on a grandi avec lui.

Il a fait gagner 7 milliards de dollars à Hollywood, il a eu 4 enfants avec Demi Moore puis deux autres avec sa seconde femme. En parallèle de ses films, il a fait une vraie carrière de musicien de rock…

Il nous a apporté une bonne humeur, une légèreté rassurante. Il a brillé et par la magie du cinéma : il brillera encore. Eternel John MacClane, éternel cow boy trentenaire au cri de guerre absurde et génial : 

« Yipee-ki-yay, motherfucker ! »

Texte :

Voix : Françoise Cadol

Encore plus de Podcast à écouter ici sur PODCAST STORY